Régularisation refusée pour « Tiago » qui a
vécu toute son adolescence en Suisse

Agé de 11 ans, « Tiago » arrive en Suisse en 2001 avec sa mère et sa sœur, pour s’y installer durablement. Ils n’ont pas d’autorisation de séjour mais demandent un permis humanitaire en 2007. En 2010, même s’il a vécu une partie de son enfance, puis toute son adolescence en Suisse, « Tiago » voit sa demande de régularisation définitivement rejetée par le TAF.

Personne(s) concernée(s) : « Tiago », jeune homme né en 1989

Statut : sans-papiers permis B humanitaire refusé

Résumé du cas

Suite à un drame familial, « Tiago » arrive en France, puis en Suisse à l’âge de 11 ans en 2001 accompagné de sa mère et de sa sœur. Sans statut légal, tous trois s’installent durablement en Suisse où la mère travaille et subvient aux besoins de la famille. En 2007, afin de permettre à ses enfants d’entreprendre un projet professionnel, la mère adresse à l’OCP une demande d’autorisation de séjour pour toute la famille. L’autorité cantonale donne son aval en 2008, mais l’ODM refuse la demande en 2009. Un recours concernant la demande de « Tiago » est déposé auprès du TAF. En effet, désormais majeur, le jeune homme s’est parfaitement intégré à l’école durant sa scolarité : son intégration est telle que les enseignants le décrivent comme l’élève le plus populaire de l’établissement scolaire. Par ailleurs, il vit une relation stable depuis plusieurs années avec sa copine. Sa sœur vit aussi légalement en Suisse depuis son mariage avec un citoyen helvétique. Enfin « Tiago » ne dépend pas de l’aide sociale et a toujours travaillé. Mais le TAF statue négativement le 30 septembre 2010, retenant les faibles résultats scolaires de « Tiago » ainsi que son intégration professionnelle qui serait insuffisante. Selon les juges, il ne sera pas dans une situation d’extrême gravité au Brésil puisqu’il y a vécu jusqu’à l’âge de 10 ans et aurait gardé avec le pays des liens socioculturels importants. Malgré son parcours, « Tiago » est aujourd’hui menacé de renvoi dans son pays, après avoir vécu en Suisse entre 11 et 21 ans.

Questions soulevées

 Un jeune homme qui vit hors de son pays depuis 11 ans, et qui a passé toute son adolescence en Suisse ne devrait-il pas obtenir de régularisation ? Quelles seront pour lui les conséquences d’un renvoi dans un pays qu’il connaît mal ?

 Le fait d’avoir vécu dans son pays jusqu’à l’âge de 10 ans entraîne-t-il des liens tels qu’on peut renvoyer un jeune adulte sans se préoccuper de ce nouveau déracinement ?

Chronologie

2000 : arrivée en France (janvier)

2001 : arrivée en Suisse avec la mère et la sœur (septembre)

2007 : demande d’autorisation à l’OCP (25 juin)

2008 : préavis favorable de l’OCP (7 fév.)

2009 : refus de l’ODM (juillet) ; recours au TAF (9 sept.)

2010 : rejet du recours par le TAF (30 sept.)

Description du cas

Suite à un drame familial, « Tiago » quitte le Brésil en 2000, à l’âge de 10 ans, pour aller en France. En 2001, âgé de 11 ans, il arrive en Suisse accompagné de sa mère et de sa sœur pour y séjourner durablement. Bien que la famille soit sans autorisation de séjour, la mère travaille et assure l’autonomie financière de la famille, tandis que les enfants poursuivent leur scolarité en Suisse. Cependant, en raison de l’absence de statut légal, « Tiago » et sa sœur ne peuvent réaliser un projet professionnel après avoir achevé leur scolarité obligatoire. La mère adresse alors, en 2007, une demande de régularisation pour elle et ses deux enfants auprès de l’OCP.

En 2008, l’autorité cantonale est favorable à l’octroi d’une autorisation de séjour pour la mère et les deux enfants, sous réserve de l’acceptation de l’ODM. Or, quelques mois plus tard, ce dernier informe de son intention de refuser la demande. Entre temps, la sœur de « Tiago » obtient une autorisation de séjour, suite à son mariage avec un ressortissant suisse. En 2009, l’ODM rend une décision négative concernant « Tiago », estimant que le caractère illégal de son séjour ne lui permet pas de s’en prévaloir. De plus, bien qu’il ait quitté le Brésil lorsqu’il avait 10 ans pour s’établir en France, puis en Suisse, l’ODM estime qu’il a passé la majeure partie de sa vie au Brésil où il a vécu toute son enfance. Finalement, toujours selon le raisonnement de l’office fédéral, ses qualifications ne sont pas suffisamment élevées pour justifier sa vie et un travail en Suisse. Dès lors, rien n’empêche un départ dans son pays d’origine. « Tiago », désormais majeur, dépose un recours auprès du TAF contre cette décision.

À l’appui du recours adressé au TAF, il est relevé que, selon le TF : « la scolarisation correspondant à la période de l’adolescence contribue de manière décisive à l’intégration de l’enfant dans une communauté socioculturelle bien déterminée ». Or, « Tiago » a vécu une partie de son enfance, puis toute son adolescence en Suisse. De même, ses enseignants attestent de son niveau d’intégration scolaire dans une lettre: « grâce à son excellente maîtrise du français oralement, à ses qualités humaines, à l’attention qu’il porte à autrui, à son dynamisme, à son esprit positif et à sa curiosité, [« Tiago »] a été l’un des élèves les plus populaires de son collège et de sa classe ». En outre, un travailleur social écrit également que : « Tiago participe régulièrement aux différentes activités proposées pour et par les jeunes sur la Commune ». Tous ses repères et tous ses amis sont en Suisse, de telle sorte qu’il ne peut pas envisager de quitter ce pays.

Malgré la situation particulière de « Tiago », le TAF statue négativement sur sa demande en septembre 2010. Selon le Tribunal, ses résultats scolaires ne sont pas suffisamment brillants et ses qualifications ne sont pas à ce point élevées qu’il soit lié à la Suisse par des attaches professionnelles. Par ailleurs, les juges estiment que, même si la sœur de « Tiago » vit en Suisse, le frère et la sœur sont majeurs et donc peuvent vivre séparément l’un de l’autre. De surcroît, la relation qu’entretient depuis 3 ans « Tiago » avec son amie en Suisse n’est pas considérée comme suffisante pour contrebalancer « ses faibles résultats scolaires et son intégration professionnelle insuffisante ».

Après avoir vécu entre 11 et 21 ans en Suisse, « Tiago» se heurte donc au refus définitif de sa demande. Il est, par conséquent, menacé de renvoi dans un pays dont il n’écrit pas la langue et n’a plus ses repères, alors qu’il a vécu la partie la plus importante de sa vie en Suisse et parle le français.

Signalé par: Centre social protestant (CSP) de Genève, octobre 2010.

Sources: décision ODM (30.07.10), recours au TAF (9.09.09), décision du TAF (30.09.10), autres pièces utiles au dossier

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