Une retraite trop basse pour vivre et pas d’accès aux prestations complémentaires

Alors qu’elle a été régularisée, les autorités genevoises ne prennent pas en compte les années passées à Genève sans statut de résidence d’Emanuela*. En conséquence, cette dernière n’a pas accès aux prestations complémentaires AVS et doit continuer à travailler à l’âge de 71 ans.

Personne concernée (*Prénom fictif): Emanuela*

Origine: Brésil

Statut: permis B

Emanuela*, née en 1952, est originaire du Brésil et arrive en Suisse en 1999. Elle travaille dans l’économie domestique et ne possède pas de permis de résidence. En 2018, elle entame une procédure de régularisation dans le cadre de l’opération Papyrus et obtient un titre de séjour (permis B).

A la suite de sa régularisation, Emanuela* dépose une demande de rente AVS avec effet rétroactif au 1er juin 2016 (où elle a atteint l’âge légal de la retraite). Le Service des rentes AVS de la Caisse de compensation de l’Etat de Genève (OCAS) confirme en juillet 2020 à Emanuela* son droit à percevoir une rente de 296 CHF par mois. Comme sa retraite suisse ne lui permet pas de vivre, Emanuela* continue à travailler à mi-temps.

En juillet 2023, Emanuela* contacte sa mandataire afin de déposer une demande de prestations complémentaires AVS fédérales et cantonales auprès du service des prestations complémentaires (SPC). La mandataire justifie du délai de carence (art.5 LPC) de 10 ans de résidence ininterrompue à Genève à l’aide de nombreux documents (attestation d’abonnements des transports publics, certificats de salaire, contrats de travail, etc.) dont la plupart ont également servis dans le cadre de la demande de régularisation d’Emanuela*.

En août, le SPC refuse d’entrer en matière sur la demande d’Emanuela*, au motif qu’elle n’aurait pas 10 ans de séjour régulier sur le territoire. Pourtant, les mêmes autorités lui avaient reconnu 10 ans de résidence sur le territoire, puisqu’elles lui ont octroyé un titre de séjour. Emanuela* est donc contrainte de demander l’aide sociale en complément de sa rente AVS et, en parallèle, de continuer à travailler.

Questions soulevées

  • Les personnes sans-papiers, en particulier lorsqu’elles travaillent dans l’économie domestique, sont contraintes de cumuler de nombreux emplois avec de faibles taux de travail, dont la plupart ne sont pas déclarés, ce qui ne leur permet que rarement de cotiser à l’AVS ou au 2ème pilier. En conséquence, au moment d’arriver à l’âge de la retraite, même si une régularisation a été possible dans l’intervalle, les rentes de ces personnes sont généralement très basses. Ne serait-il pas possible de leur proposer une solution qui permette une vie digne?
  • Alors que ses années de séjour sont reconnues et suffisantes pour obtenir une régularisation, comme est-ce possible que le SPC refuse d’octroyer des prestations complémentaires AVS au motif que le délai de carence de 10 ans ne serait pas justifié?

Chronologie

1999: arrivée à Genève (mars)

2018: obtention du permis B (août)

2020: décision d’octroi d’une rente AVS (juillet)

2023: demande de prestations complémentaires (juillet), refus de la demande (août)

Description du cas

Emanuela*, née en 1952, est originaire du Brésil et arrive en Suisse en 1999. Elle est célibataire et a plusieurs enfants, dont un vit également à Genève. Elle travaille dans l’économie domestique et ne possède pas de permis de résidence. En 2018, elle entame une procédure de régularisation dans le cadre de l’opération Papyrus et obtient un titre de séjour (permis B).

A la suite de sa régularisation, Emanuela* dépose une demande de rente AVS avec effet rétroactif au 1er juin 2016 (où elle a atteint l’âge légal de la retraite). Le Service des rentes AVS de la Caisse de compensation de l’Etat de Genève (OCAS) confirme en juillet 2020 à Emanuela* son droit à percevoir une rente. Le montant de celle-ci est basé sur les cotisations qu’elle a pu réaliser avec les revenus de ces 10 dernières années. La rente de Emanuela* est ainsi établie à 296 CHF par mois en 2020.

N’ayant pas de rente AVS ni de 2ème pilier de son pays d’origine (une demande de rente vieillesse au Brésil est en cours mais n’a pas encore abouti) et comme sa retraite suisse ne lui permet pas de vivre, Emanuela* continue à travailler à mi-temps.

En juillet 2023, Emanuela* contacte sa mandataire afin de déposer une demande de prestations complémentaires AVS fédérales et cantonales auprès du service des prestations complémentaires (SPC). La mandataire justifie du délai de carence (art.5 LPC) de 10 ans de résidence ininterrompue à Genève à l’aide de nombreux documents (attestation d’abonnements des transports publics, certificats de salaire, contrats de travail, etc.) dont la plupart ont également servis dans le cadre de la demande de régularisation d’Emanuela*.

En août, le SPC refuse d’entrer en matière sur la demande d’Emanuela*, au motif qu’elle n’aurait pas 10 ans de séjour régulier sur le territoire. Pourtant, les mêmes autorités lui avaient reconnu 10 ans de résidence sur le territoire, puisqu’elles lui ont octroyé un titre de séjour. Le SPC encourage Emanuela* à demander des prestations complémentaires par le biais de la loi sur l’aide sociale, et indique qu’elle pourra à nouveau déposer une demande de prestations complémentaires AVS dès février 2028. Emanuela* est donc contrainte de demander l’aide sociale en complément de sa rente AVS et, en parallèle, de continuer à travailler.

Signalé par: CCSI, Genève – septembre 2023

Sources: échanges avec Emanuela* et la mandataire au CCSI

Cas relatifs

Cas individuel — 08/10/2024

Coincé en Suisse sans liberté de mouvement parce que le SEM et le TAF estiment qu’il n’a pas su prouver son identité

Félicien*, originaire du Soudan du Sud, vit en Suisse au bénéfice d’un permis B (Cas de rigueur), obtenu à la suite d’un accident qui l’a rendu paraplégique. Bien qu’enregistré par le SEM comme ressortissant soudanais, Félicien* n’a aucune pièce d’identité ni autre document d’état civil national démontrant son origine: il lui est donc impossible de voyager. Après avoir en vain tenté de se faire établir un passeport soudanais, il demande un passeport pour étrangers auprès des autorités suisses. Le SEM rend une décision négative à sa demande, au motif qu’il est de la responsabilité de Félicien* de démontrer son identité. Saisi par recours, le TAF confirme la décision du SEM, considérant que Félicien* n’a pas démontré que les autorités de son pays d’origine auraient prononcé à son endroit un refus formel, définitif et infondé.
Cas individuel — 13/08/2024

Plus de 30 ans en Suisse, à l’AI, âgé de 64 ans : aucune perspective pour un permis B

Albert* dépose des demandes de transformation de son permis F en permis B, mais se les voit refusées, au motif que son intégration ne serait pas réussie. Un jugement qui enlève à Albert, aujourd’hui âgé de 64 ans et reconnu en incapacité totale de travail par l’assurance invalidité, toute possibilité de régularisation future de son statut de séjour en Suisse.
Cas individuel — 28/11/2023

Dépendant de l’aide sociale parce qu’il est arrivé âgé en Suisse, il peine à voir son permis passer de F en B

Ghazi* a déposé une demande d’asile en Suisse à 64 ans. Il n’a ainsi pas pu cotiser 1 an à l’AVS avant d’atteindre l’âge de la retraite, ce qui l’empêche de bénéficier de la rente une fois atteints les 65 ans. De ce fait, il a dû batailler auprès du SEM pour voir son permis F transformé en permis B.
Cas individuel — 19/01/2011

Refus de permis pour le père de deux
enfants qui vivent en Suisse

En 1992, « Yunus », un turc qui vit en Suisse depuis 8 ans, se marie avec une suissesse avec laquelle il a une fille. Après un divorce en 1996, il repart en Turquie. En 2002, il revient illégalement et son fils de 5 ans, né d’un second mariage, le rejoint en 2003. En 2010, un permis humanitaire pour vivre avec ses deux enfants en Suisse lui est refusé.