Regroupement familial : le National refuse de mettre fin à une discrimination subie par les Suisses dans leur propre pays

Lors de sa séance du 28 septembre, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à une initiative d’Andy Tschümperlin. Cette initiative visait à supprimer une discrimination envers les ressortissants suisses en matière de regroupement familial vis-à-vis des citoyens de l’Union Européenne (UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE) vivant en Suisse.

Lors de la rédaction de la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr), entrée en vigueur en 2008, la Suisse avait suivi les principes de l’UE en matière de regroupement familial en tant que signataire de l’accord de libre circulation des personnes (ALCP). C’est en vertu de cet accord que l’art. 42 al.2 LEtr fut adopté. Cet article stipule que les membres étrangers de la famille d’un ressortissant suisse ont droit à une autorisation de séjour en Suisse à condition qu’ils aient préalablement séjourné de manière légale dans un pays de l’Union Européenne.

Toutefois, le 25 juillet 2008, la Cour de Justice des Communautés Européennes adopte une nouvelle jurisprudence en la matière. L’arrêt Metock stipule que les membres de la famille d’un citoyen européen, quelle que soit leur nationalité, ont le droit de s’installer avec lui dans le pays dans lequel il réside, peu importe si les membres de la famille étaient auparavant titulaires d’une autorisation de séjour dans un pays de l’UE. Ainsi, un citoyen européen vivant en Suisse peut, par exemple, y faire venir ses parents ou beaux-parents, quelle que soit la nationalité de ces derniers, alors que cela est refusé à un Suisse, car la loi suisse n’a pas été changée suite à l’arrêt Metock.

Le but de l’initiative Tschümperlin – rejetée par le Conseil national – était de pallier cette inégalité de traitement entre Suisses et citoyens européens vivant en Suisse. M. Tschümperlin s’était d’ailleurs appuyé sur un arrêt du Tribunal fédéral, où ce dernier avait reconnu la discrimination subie par les Suisses sur la base de l’arrêt Metock. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral incite le Parlement à adopter les modifications législatives nécessaires, à défaut de quoi il se réservera le droit d’appliquer la jurisprudence européenne, en se fondant sur l’article 14 CEDH (interdiction de la discrimination) et sur la primauté du droit international. Il est dès lors attendu que ce soit sur le plan judiciaire qu’une telle discrimination pourra être levée.

L’Observatoire a documenté plusieurs cas de regroupement familial qui illustrent cette inégalité de traitement : voir les ces cas d’Iljana, de Ratana, d’Alim, de Jahara, et de Joana et Geisa. Ces cas indiquent par ailleurs d’autres facteurs d’inégalité entre Suisses et Européens en matière de regroupement familial, tels que les délais et limites d’âge pour demander à faire venir en Suisse ses descendants – dont les différences sont aussi en grande défaveur des ressortissants suisses.

Cas relatifs

Cas individuel — 25/08/2016

Le SEM nie (encore !) la jurisprudence et opte pour le renvoi d’un enfant européen

« Sofia », ressortissante russe arrivée en Suisse en 2003 pour ses études, demande un permis de séjour sur la base de sa relation avec son fils, de nationalité belge. Ce dernier a un droit de séjour conformément à l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, que nie pourtant le Secrétariat d’Etat aux migrations.
Cas individuel — 08/01/2014

Une Française ne peut pas faire venir son fils auprès d’elle

«Tidiane », d’origine sénégalaise, se voit refuser le regroupement familial avec sa mère « Nathalie », ressortissante française. Selon le SPOP, la demande répond à des motivations économiques et constituerait un abus de droit, « Tidiane » approchant la majorité. « Nathalie » revendique son droit, au titre de l’ALCP, à le faire venir sans autre condition qu’un logement convenable jusqu’à ce qu’il ait 21 ans.
Cas individuel — 03/01/2013

L'ODM nie la jurisprudence fédérale et renvoie un enfant ressortissant européen

Mariée à un ressortissant français depuis 2005, « Ivana » s’installe en Suisse et y occupe divers emplois. Après le prononcé de son divorce et malgré son indépendance financière, elle se voit refuser le regroupement familial qui découle du droit de séjour de son fils, ressortissant communautaire. Dans son argumentaire, l’ODM nie l’évolution de la jurisprudence du TF.
Cas individuel — 29/08/2011

Une mère seule en Bosnie ne peut pas rejoindre ses enfants en Suisse

« Iljana » vit seule en Bosnie, alors que toute sa famille vit en Suisse. Son fils étant Suisse, elle demande une autorisation de séjour par regroupement familial, qui lui est refusée car elle devrait selon la LEtr disposer d’un permis de séjour valable dans un pays de l’ALCP. Si son fils avait été un citoyen de l'UE vivant en Suisse, cette demande aurait été acceptée...