Les parents boliviens d’une enfant espagnole ont un droit au séjour selon l’ALCP

Dans un arrêt du 15 janvier 2018, le TF rejette un recours du DFJP. Celui-ci contestait la décision de l’instance inférieure (le TAF) de délivrer une autorisation de séjour UE/AELE à une enfant espagnole ayant obtenu sa nationalité en raison de sa naissance dans ce pays, ainsi qu’à ses parents boliviens, sur la base de la jurisprudence « Zhu et Chen » de la CJUE. Cette jurisprudence prévoit que les parents ressortissants d’Etats tiers d’un enfant européen bénéficient d’un droit de séjour dérivé, à condition notamment qu’ils aient des moyens financiers suffisants. Pour le DFJP, cette jurisprudence ne peut s’appliquer à un enfant qui n’a pas acquis sa nationalité par filiation, ni à des parents vivant en Suisse sans autorisation de séjour. Par ailleurs, toujours selon le DFJP, les moyens financiers ne peuvent être considérés comme suffisants s’ils ont été acquis « illégalement », c’est-à-dire sans une autorisation de travail obtenue dans le respect des mesures de limitations prévues par la LEtr. Il convient cependant de préciser que le père travaillait depuis plus de 9 ans dans la construction et la mère dans l’économie domestique, les deux sous autorisation de travail provisoire. Dans son arrêt, le TF rappelle qu’il s’est rallié à la jurisprudence « Zhu et Chen » (ATF 142 II 35 et arrêt 2C_606/2013) et qu’il n’y a pas de raisons que celle-ci ne s’applique pas aux personnes en situation irrégulière. Il précise également que seule compte la nationalité de l’enfant, la façon avec laquelle celui-ci l’a acquise n’a aucune importance. Enfin, concernant les moyens financiers, ils doivent être calculés selon les normes CSIAS et sont suffisants dans ce cas. Le fait qu’ils proviennent d’une activité lucrative exercée que sous autorisation provisoire n’est pas pertinent. Dans plusieurs situations observées par l’ODAE, les autorités ont contesté l’application de cette jurisprudence. Les Directives du SEM (point 9.5.2.2) devront d’ailleurs être adaptées puisqu’elles indiquent encore, de manière erronée, la condition « que le parent ressortissant d’Etat tiers qui en a la garde apporte, de par l’exercice d’une activité lucrative dûment autorisée, les moyens financiers nécessaires ». Suite à cet arrêt, les personnes concernées ne devraient plus avoir besoin de se lancer dans des procédures de recours pour faire valoir leurs droits.

 

Sources : arrêt 2C_743/2017 du 15 janvier 2018 ; voir également le dépliant sur le regroupement familial selon l’ALCP, les cas « Ivana » et « Sofia » ainsi que les brèves du 5.10.2016 et du 10.11.2014

Cas relatifs

Cas individuel — 25/06/2025

Refus de regroupement familial pour une famille avec double nationalité

Larissa*, originaire du Brésil, arrive en Suisse en 2022 pour vivre auprès de ses quatre enfants. Elle rejoint notamment sa fille Camila*, titulaire d’un permis C et mariée à Nicolas*, binational franco-suisse. En 2023, Larissa* demande l’octroi d’une autorisation de séjour par regroupement familial. En février 2024, le Service cantonal de la population refuse sa demande, au motif que l’ALCP ne s’appliquerait pas à leur situation. Appuyée par un mandataire, Larissa* interjette un recours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal (TC), en soulignant la discrimination à rebours dont elle est victime. Mais celui-ci rejette son recours, en invoquant un arrêt du Tribunal fédéral qui affirme que si le lien familial qui fonde la demande de regroupement – en l’occurrence le mariage de Nicolas avec la fille de Larissa* – a été créé après l’arrivée du couple en Suisse , l’ALCP ne s’appliquerait pas.
Cas individuel — 12/12/2017

Elle quitte l’Italie à 2 ans. Aujourd’hui retraitée, elle risque le renvoi

Francesca, 64 ans, risque un renvoi vers l’Italie qu’elle a quitté à l’âge de 2 ans. Elle aurait dû obtenir un permis B lorsqu’elle travaillait mais celui-ci ne lui a pas été accordé. A sa retraite, le SEM nie son droit de demeurer en Suisse, pourtant prévu par l’ALCP. Parallèlement, une longue procédure doit être menée pour obtenir les prestations financières auxquelles elle a droit.
Cas individuel — 19/04/2011

Livré à lui-même en Turquie, il ne peut pas rejoindre son père en Suisse

« Alim », âgé de 15 ans, est livré à lui-même en Turquie. Il fait une demande pour rejoindre son père, qui est suisse et vit ici. Mais cette demande est formulée après le délai d’un an inscrit dans la loi. Alors que le Tribunal cantonal admet des raisons familiales majeures, qui permettraient d’échapper à l’application stricte du délai, l’ODM, lui, ne veut rien savoir.
Cas individuel — 06/01/2011

Regroupement familial : discrimination d’un Suisse
par rapport à des Européens?

« Ratana », d’origine thaïe, est mariée à « Philippe », citoyen suisse. Ils souhaitent faire venir la fille de « Ratana », 13 ans, restée en Thaïlande. Les autorités refusent parce que le délai d’un an pour adresser la demande a été dépassé, mais reconnaissent que si « Philippe » avait été un ressortissant européen, le droit au regroupement familial aurait été garanti par l’ALCP.