Pour l’ODM, son mariage avec une Suissesse n’existe plus : permis refusé

« Qazim » est marié avec une Suissesse depuis 2003. Mais son épouse souffre de troubles psychiques qui rendent la vie commune peu à peu impossible. En 2008, l’ODM refuse de renouveler le permis de « Qazim ». L’Office fédéral estime que ce dernier a commis un abus de droit, invoquant son mariage dans le seul but d’obtenir le renouvellement de son permis.

Personne(s) concernée(s) : « Qazim », homme né en 1971

Statut : permis B par mariage –> renouvellement refusé

Résumé du cas

« Qazim », originaire du Kosovo, épouse une ressortissante suisse le 8 août 2003 dans le canton de Genève. Il obtient alors une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. Malheureusement, l’épouse est atteinte de troubles psychiques et a des comportements extrêmement dérangeants qui rendent la vie commune impossible. En novembre 2004, le couple fait l’objet d’une décision mesures protectrices de l’union conjugale. En juillet 2007, l’épouse de « Qazim » est mise sous tutelle à cause de ses problèmes de santé. Toujours en juillet 2007, « Qazim » demande le renouvellement de son autorisation de séjour jusque là toujours accordé. Bien que séparé de fait, le couple n’entame aucune procédure de divorce, car il souhaite un jour reprendre une vie commune, même si ce n’est à ce moment pas envisageable du fait de l’état de santé de madame. « Qazim » soutient son épouse moralement, mais aussi financièrement – dans la mesure de ses possibilités. De son côté, sa femme appuie sa demande de renouvellement du permis. L’office cantonal met plus d’un an à répondre, mais finit par transmettre la demande à Berne avec un préavis positif. Le 19 décembre 2008, l’ODM répond par la négative. Pour l’office fédéral, « Qazim » invoque son mariage, qui n’existe plus que formellement, dans le seul but de continuer à bénéficier d’une autorisation de séjour, ce qui est constitutif d’un abus de droit. Un recours est déposé devant le TAF.

Questions soulevées

 Quelle que soit l’issue que le TAF donnera à cette procédure, n’est-il pas problématique de voir qu’une situation humaine aussi difficile se heurte à une approche aussi rigide et soupçonneuse, qui ne fait qu’aggraver la situation ?

 La nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) a rendu encore plus délicate la situation des couples dont un des conjoints est originaire d’un pays tiers (hors Union européenne). En effet, dans leur cas, la cohabitation est une condition du renouvellement de l’autorisation (alors que les couples formés par des Suisses et/ou des ressortissants de l’Union européenne sont libres d’avoir des domiciles séparés). Cette exigence est-elle toujours compatible avec la réalité ? N’a-t-on pas dans le cas de « Qazim » anticipé sur le nouveau droit ?

Chronologie

2003 : mariage (8 août)

2004 : décision de mesures protectrices de l’union conjugale et interruption de la vie commune (2 nov.)

2007 : demande de renouvellement de l’autorisation de séjour (juillet) ; mise sous tutelle de l’épouse (25 juillet)

2008 : préavis cantonal positif (8 août) ; décision ODM négative (19 déc.)

2009 : recours devant le TAF (15 jan.)

Au moment de la rédaction de la fiche, un recours est en suspens devant le TAF.

Description du cas

« Qazim », originaire du Kosovo, épouse en 2003 une ressortissante suisse dans le canton de Genève. Suite à ce mariage, il obtient une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. Toutefois, sa femme tombe malade et a des comportements qui rendent la cohabitation impossible, à tel point que l’interruption de la vie commune devient inévitable. Suite à une décision sur mesures protectrices de l’union conjugale, les époux se séparent en novembre 2004 mais n’entament pas de procédure de divorce : ils souhaitent reprendre un jour la vie commune. « Qazim » continue à entretenir de bons contacts avec sa femme, il la soutient moralement et lui verse une pension alimentaire. En juillet 2007, l’épouse est mise sous tutelle à cause de son état de santé qui a déjà requis une hospitalisation dans un service psychiatrique.

« Qazim » a régulièrement bénéficié du renouvellement de son autorisation de séjour jusqu’en 2007. À partir mois de juillet 2007 il attend un an la réponse de l’autorité cantonale à sa nouvelle demande. Finalement, le 8 août 2008, l’autorité cantonale se déclare une fois de plus disposée à renouveler son permis et fait suivre le dossier à Berne. Le 19 décembre 2008, l’ODM prononce son refus : selon lui, « Qazim » invoque un mariage qui n’existe plus que formellement, dans le seul but de garder son permis. Pour l’autorité fédérale, ce comportement est constitutif d’un abus de droit justifiant le non renouvellement de l’autorisation de séjour. Pour légitimer sa position, L’ODM se base sur le fait que la vie commune a été très brève (15 mois) et qu’un retour à cette situation paraît peu vraisemblable. Estimant que « Qazim » n’a plus droit au regroupement familial, l’ODM examine alors sa situation sous l’angle de son intégration. L’ODM retient qu’il est au chômage depuis janvier 2008 et qu’il fait l’objet de poursuites et d’actes de défaut de bien, bien qu’il n’ait jamais été assisté. L’Office fédéral remarque aussi qu’il est retourné à plusieurs reprises dans son pays d’origine, notamment pour rendre visite à ses deux filles nées d’une précédente union. L’ODM déduit de ces éléments que son intégration n’est pas exceptionnelle et refuse donc la prolongation de son autorisation de séjour. Un délai de départ au 19 février 2009 lui est imparti.

Le 16 janvier 2009, « Qazim », aidé par une mandataire, dépose un recours contre cette décision devant le TAF. Le mémoire de recours soutient que « Qazim » n’invoque pas son mariage dans le seul but d’obtenir la prolongation de son autorisation de séjour. La jurisprudence du Tribunal fédéral ne fixe pas de critères définissant avec précision ce qu’est un abus de droit en la matière. Tout au plus elle explique que « l’existence d’un éventuel abus de droit doit être appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue, seul l’abus manifeste pouvant être pris en considération. » (ATF 121 II 97). Le TF juge dans ce même arrêt que l’absence totale de volonté de reprendre la vie commune est à considérer comme un indice d’un abus de droit manifeste, alors qu’ « (…) on ne saurait uniquement reprocher à des époux de vivre séparés et de ne pas envisager le divorce. » Or, dans le cas d’espèce, l’ODM n’a pas démontré que « Qazim » avait commis un abus de droit manifeste. De plus, ce sont les troubles de l’épouse qui sont à l’origine de la séparation du couple. Mari et femme sont toujours restés proches, et la conjointe a soutenu dans une lettre les démarches de son époux. Par ailleurs, si « Qazim » est au chômage, il fait néanmoins des efforts pour s’intégrer sur le marché du travail en suivant des cours de français et de peinture. Le recours souligne à ce propos que c’est aussi parce qu’il n’a pas eu d’autorisation de séjour depuis plus d’un an que « Qazim » peine à retrouver un emploi.

Au moment de la rédaction de cette fiche, le TAF doit encore se prononcer sur le recours.

Signalé par : Centre de contact Suisses-Immigrés (CCSI) (Genève), le 27 janvier 2009.

Sources : décision négative ODM (19.12.08) ; recours (15.1.09).

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