Déboutée de l’asile, une famille se bat pour rester unie et ne pas être renvoyée

Arrivé en 2016 en Suisse, Yemane*, originaire d’Éthiopie, reçoit une décision de renvoi en novembre 2018. Asmarina*, originaire d’Érythrée, a vécu cinq ans en Grèce avec sa fille aînée, dans des conditions très précaires et sans accès à des soins pour son enfant, en situation de handicap physique. À cause de ces conditions invivables, elle est contrainte de quitter la Grèce et demande l’asile en Suisse. Ayant obtenu l’asile en Grèce, elle reçoit une décision de NEM de la part du SEM qui prononce son renvoi en novembre 2017. Asmarina* et Yemane* se rencontrent en Suisse et ont une fille en 2019. Au vu des différentes situations, la famille doit se battre pour ne pas être séparée entre plusieurs pays.

Personne·s concernée·s (*prénom∙s fictif∙s): Yemane* et sa compagne Asmarina*

Origine: Ethiopie/Erythrée

Statut: demandes d’asile -> rejet et NEM Etat tiers sûr (Grèce)

Résumé du cas

D’origine Éthiopienne, Yemane* a souffert de discriminations. Après avoir été détenu dans des conditions inhumaines, il fuit l’Éthiopie et arrive en Suisse en 2016, où il dépose une demande d’asile. Sa mère et sa sœur étaient déjà en Suisse et ont obtenu une admission provisoire (permis F). En novembre 2018, le SEM rejette sa demande d’asile et prononce une décision de renvoi. La mandataire de Yemane* oppose un recours contre cette décision. Le 20 décembre 2018, le TAF rejette le recours (D-6624/1018).

Asmarina*, quant à elle, a déposé une demande d’asile en Suisse en 2017. Avant cela, elle a vécu cinq ans en Grèce avec sa fille née en 2013, dans des conditions très précaires, un logement insalubre et sans accès à des soins pour son enfant, en situation de handicap physique. Ayant auparavant obtenu l’asile en Grèce, elle reçoit une décision de NEM de la part du SEM qui prononce son renvoi vers la Grèce en novembre 2017.

C’est en Suisse qu’Asmarina* et Yemane* se rencontrent. Leur fille nait en 2019. En novembre 2020, la mandataire de Yemane* dépose une demande de réexamen auprès du SEM, insistant sur la bonne intégration de Yemane*, notamment grâce à ses différents emplois. Elle ajoute que la famille, qui vit regroupée dans le même domicile, ne doit pas être séparée, et demande également de surseoir au renvoi vers la Grèce d’Asmarina* et de ses enfants. En effet, Yemane* et leur fille commune ne sont pas enregistrés en Grèce et n’ont pas d’autorisation de séjour dans cet État. Ainsi, l’exécution du renvoi vers la Grèce d’ Asmarina* et de sa première fille entraînerait une séparation irrémédiable et définitive de la famille, en violation du droit au respect de la vie familiale au sens de l’art. 8 CEDH.

Dans un courrier, le SEM propose à la famille de rester groupée en acceptant de déménager tous et toutes ensemble en Grèce. Ce à quoi la mandataire répond que cette proposition signifierait éloigner toute la famille de la mère et de la sœur de Yemane*. De plus, la Grèce n’offre toujours pas une prise en charge adaptée en matière d’accès aux soins, en particulier pour le premier enfant de Asmarina*. Le 30 mars 2021, le SEM rejette la demande de réexamen. Au moment de rédiger ce document, un recours a été déposé par la mandataire contre cette décision.

Questions soulevées

Alors que le conflit au Tigré (Ethiopie) s’est intensifié depuis plusieurs mois et que la situation des droits humains y est dramatique, la Suisse ne devrait-elle pas renoncer aux renvois vers l’Ethiopie?

De nombreuses organisations dénoncent depuis plusieurs années les conditions d’accueil des personnes exilées en Grèce. Au vu des problèmes de santé de la fille aînée d’Asmarina*, un renvoi vers ce pays ne violerait-il pas l’intérêt supérieur de l’enfant?

Peut-on accepter qu’une famille entière, dont une enfant en bas âge et une autre en situation de handicap, subissent durablement le système de l’aide d’urgence, sans autre choix qu’un renvoi en Ethiopie ou en Grèce?

Chronologie

2016: arrivée en Suisse de Yemane* et dépôt de sa demande d’asile (juin);

2017: arrivée d’Asmarina* en Suisse et dépôt de sa demande d’asile (août), décision NEM Grèce (nov.);

2018: rejet de la demande d’asile de Yemane* (nov.), recours et arrêt négatif du TAF (déc.);

2019: naissance de leur fille;

2020: dépôt d’une demande de réexamen pour la famille (nov.) ; 2021: rejet de la demande de réexamen par le SEM (mars).

Description du cas

D’origine Éthiopienne, avec un père issu de la minorité ethnique tigré, Yemane* a grandi avec sa famille dans une région à majorité oromo et a souffert de discriminations. A la suite d’une altercation avec un homme du pouvoir, il est emprisonné arbitrairement et subi des mauvais traitements. Il fuit l’Éthiopie et arrive en Suisse en 2016, où il dépose une demande d’asile. Sa mère et sa sœur étaient déjà en Suisse depuis quelques mois et ont obtenu une admission provisoire (permis F).

En novembre 2018, le SEM rejette sa demande d’asile et prononce une décision de renvoi. La mandataire de Yemane* oppose un recours contre cette décision quelques semaines plus tard. Elle argue qu’au vu de la situation de guerre en Éthiopie et de l’appartenance de Yemane* à la minorité tigré, discriminée en Éthiopie, un renvoi vers ce pays n’est pas exigible. D’autant plus que Yemane* a été détenu dans des conditions inhumaines en Ethiopie, de manière abusive et disproportionnée. Elle ajoute que sa mère, malade, et sa sœur se trouvent en Suisse, et que son soutien leur est nécessaire.

Le 20 décembre 2018, le TAF rejette le recours (D-6624/1018), indiquant que l’état de santé de la mère de Yemane* ne justifie pas qu’il puisse rester en Suisse. Pour le TAF, il n’existerait pas non plus de risque concret et sérieux pour lui d’être victime de traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH) en cas de retour en Éthiopie.

Asmarina*, quant à elle, a déposé une demande d’asile en Suisse en 2017. Avant cela, elle a vécu cinq ans en Grèce avec sa fille née en 2013, dans des conditions très précaires, un logement insalubre et sans accès à des soins pour son enfant, en situation de handicap physique. Ayant reçu l’asile en Grèce, elle reçoit une décision de NEM de la part du SEM qui prononce son renvoi en novembre 2017.

C’est en Suisse qu’Asmarina* et Yemane* se rencontrent. Leur fille nait en 2019. Yemane* s’occupe également du premier enfant d’Asmarina*, ce qui permet de stabiliser la situation personnelle et affective de l’enfant. La maladie de cette dernière lui impose un suivi médical régulier, qui n’avait pas été possible en Grèce. Le couple vit toutes ces années en foyer et à l’aide d’urgence, dans l’attente d’une éventuelle régularisation.

En novembre 2020, la mandataire de Yemane* dépose une demande de réexamen auprès du SEM, insistant sur la bonne intégration de Yemane*, notamment grâce à ses différents emplois. Elle ajoute que la famille, qui réside dans le même domicile, ne doit pas être séparée, et demande également de surseoir au renvoi vers la Grèce d’Asmarina* et de ses enfants. En effet, Yemane* et leur fille commune ne sont pas enregistrés en Grèce et n’ont pas d’autorisation de séjour dans cet Etat. Ainsi, l’exécution du renvoi vers la Grèce d’Asmarina* et de sa fille aînée entraînerait une séparation irrémédiable et définitive de la famille, en violation du droit au respect de la vie familiale au sens de l’art. 8 CEDH.

Dans un courrier, le SEM propose à la famille de rester groupée en acceptant de déménager tous et toutes ensemble en Grèce. Ce à quoi la mandataire répond que cette proposition signifierait éloigner toute la famille de la mère et de la sœur de Yemane*. De plus, la Grèce n’offre toujours pas une prise en charge adaptée en matière d’accès aux soins, en particulier pour le premier enfant de Asmarina*. Le 30 mars 2021, le SEM rejette la demande de réexamen. Au moment de rédiger ce document, un recours a été déposé par la mandataire contre cette décision.

Signalé par: SAJE/EPER – Vaud, avril 2021

Sources: arrêt du TAF D-6624/1018 du 20 décembre 2018 ; demande de réexamen du SAJE/EPER du 17 novembre 2020 ; complément à la demande de réexamen du SAJE du 1er décembre 2020 ; prise de position du SAJE/EPER du 22 février 2021 ; seconde décision du SEM du 30 mars 2021.

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