Parce qu’elle se sépare d’un mari violent, l’ODM la renvoie

En 2002, « Zlata » rejoint son ami, titulaire d’un permis C. Ils se marient en 2005, après avoir eu deux enfants. Victime de violences conjugales, elle quitte son mari en 2006. l’ODM refuse alors de prolonger le permis B, obtenu par mariage, et prononce son renvoi.

Mise à jour

Le 24 juillet 2009, le TAF rejette le recours de « Zlata ». Selon le Tribunal, elle se trouve certes dans une position de vulnérabilité, puisque elle élève seule deux enfants en bas âge et est actuellement enceinte d’un troisième enfant. Sa réintégration dans son pays d’origine ne serait pas compromise pour autant, l’économie croate étant vue comme « performante et stable » par le tribunal. Son manque d’intégration professionnelle lui est reproché, et les violences conjugales sont encore une fois minimisées. Quant au droit de visite de son ex-mari sur ses enfants, ils peut être selon le TAF exercé à distance.

Personne(s) concernée(s) : « Zlata », femme née en 1982 ; ses deux enfants, nés en 2002 et 2004

Statut : permis B (prolongation refusée)

Résumé du cas

En 2002, « Zlata » immigre illégalement en Suisse afin de rejoindre son ami, dont elle attend un enfant. Ils se marient en 2005, après avoir eu deux enfants. « Zlata » reçoit alors un permis B, en application de l’article 17 LSEE al. 2, qui prévoit de délivrer une autorisation de séjour au conjoint du détenteur d’un permis C « aussi longtemps que les époux vivent ensemble ». En 2006, après avoir été victime de nombreux épisodes de violence conjugale, « Zlata » se sépare de son mari. Un an plus tard, l’ODM refuse de prolonger son autorisation de séjour et lui donne trois mois pour quitter le pays, car le but de son séjour, à savoir vivre auprès de son mari, n’existe plus. L’ODM affirme qu’il y a lieu de relativiser les violences conjugales, puisque la plainte pénale déposée par « Zlata » a été classée. Dans un recours, sa mandataire répond que l’abandon de la plainte pénale est fréquent dans les cas de violence conjugale, pour ne pas amplifier les tensions. Cela n’enlève rien au fait que la relation a cessé à cause des violences subies. De plus, la décision de l’ODM ne reconnaît pas le degré avancé d’intégration de « Zlata ». Enfin, elle ne s’inspire nullement de la directive ODM 654 qui prévoit la prolongation de l’autorisation de séjour après la dissolution de la communauté conjugale pour éviter des situations d’extrême rigueur. Pourtant cette pratique a été consacrée par les débats sur la nouvelle loi. L’article 50 LEtr, entré en vigueur au 1er janvier 2008, prévoit en effet la prolongation de l’autorisation de séjour malgré la séparation en cas de raisons personnelles majeures, « notamment lorsque le conjoint est victime de violence conjugale ». Le recours est encore en suspens devant le TAF.

Questions soulevées

 Quitter son mari est souvent très difficile pour une femme victime de violences conjugales. En décidant de renvoyer une femme battue, l’ODM ne condamne-t-il pas les femmes étrangères mariées à des personnes établies en Suisse à rester en couple malgré les violences subies dans le seul but de ne pas perdre leur permis de séjour ?

 Pourquoi l’ODM, auquel l’ancienne LSEE donnait déjà un large pouvoir d’appréciation, n’applique-t-il par sa directive 654, ce d’autant plus que six mois après entre en vigueur la LEtr, dont l’article 50 prévoit spécifiquement cette situation ?

Chronologie

1999 – 2001 : 3 séjours en Suisse en tant que touriste

2002 : entrée illégale en Suisse (16 février), naissance du premier enfant (21 août)

2004 : naissance du deuxième enfant (22 juin)

2005 : 8 décembre : mariage, octroi d’un permis B annuel

2006 : 4 juin : des mesures protectrices de l’union conjugale officialisent la séparation survenue le 7 avril

2007 : 13 août : l’ODM refuse la prolongation du permis acceptée par le canton (6 septembre : recours)

Au moment de la rédaction de la fiche descriptive, le cas est en suspens devant le TAF.

Description du cas

De 1999 à 2001, « Zlata » séjourne plusieurs fois en Suisse en tant que touriste. En 2002, alors qu’elle est enceinte, elle entre illégalement sur le territoire helvétique afin de rejoindre son ami, un ressortissant serbe qui bénéficie d’un permis d’établissement (permis C). Six mois plus tard naît leur premier enfant. En 2004 naît leur second enfant. « Zlata » et son ami se marient en 2005. Les autorités octroient alors à « Zlata » un permis de séjour (permis B) en vertu de l’art. 17 al. 2 LSEE, qui prévoit de délivrer une autorisation de séjour au conjoint du détenteur d’un permis d’établissement « aussi longtemps que les époux vivent ensemble ». Après 4 mois de vie commune, le mari de « Zlata » se manifeste cependant de manière toujours plus violente…

En 2006, la police doit intervenir suite à des menaces de mort proférées par le mari de « Zlata » à l’égard de sa femme. Après avoir été victime de violences physiques, « Zlata » se sépare de son mari et dépose une plainte pénale. Le 4 juillet 2006, des mesures protectrices de l’union conjugale sont prononcées par le juge compétent. Vu la situation, le canton est favorable à la prolongation du permis B. Mais le 10 juillet 2007, l’ODM annonce son intention de refuser la prolongation de l’autorisation de séjour de « Zlata » et de prononcer son renvoi. L’ODM argumente le but du séjour de « Zlata », à savoir vivre auprès de son mari, n’existe plus. Appuyé par une mandataire, « Zlata » tente de faire valoir les faits suivants : elle se sent intégrée en Suisse, parle couramment le français, travaille de telle sorte qu’elle pourrait entièrement subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants si son mari était en mesure de lui verser une pension, n’a plus aucun réseau familial en Croatie et ne saurait de quoi vivre une fois là-bas.

Malgré ces arguments, l’ODM refuse le 13 août 2007 la prolongation du séjour et impose à « Zlata » un délai de départ. Dans sa décision, l’ODM souligne le fait que la plainte pénale contre le mari a finalement été classée et « qu’il y a lieu de relativiser cet événement ». De plus, selon l’Office fédéral, les pièces versées au dossier ne permettent pas de conclure à l’intégration de « Zlata ». « Son séjour peut être considéré comme court (5 ans et 6 mois) en comparaison aux vingt années passées dans son pays d’origine », et, même si elle n’a plus de réseau familial en Croatie, « elle retrouvera le milieu socioculturel qui est le sien ». « Quant au père, s’il désire exercer son droit de visite, rien ne l’empêche de le faire en se rendant en Croatie. ».

Un recours est déposé devant le TAF. Il souligne que les violences conjugales ne doivent pas être minimisées, même si la plainte pénale a été classée. Dans pareilles situations, il est en effet habituel que la victime ne souhaite pas aller jusqu’au bout de la démarche pénale, compte tenu de la relation affective ayant existé, de l’ambivalence des sentiments, ainsi que de l’existence d’enfants communs, qui pousse à préserver autant que possible une entente parentale. De plus, l’ODM ne s’inspire nullement de sa propre directive 654, qui prévoit la prolongation de l’autorisation de séjour après la dissolution de la communauté conjugale pour éviter des situations d’extrême rigueur. Pourtant cette pratique a été consacrée par les débats sur la nouvelle loi. L’article 50 LEtr, entré en vigueur le 1er janvier 2008, prévoit en effet la prolongation de l’autorisation de séjour malgré la séparation en cas de raisons personnelles majeures, « notamment lorsque le conjoint est victime de violence conjugale ». Au moment où cette fiche est publiée, le recours est encore en suspens devant le TAF.

Signalé par : Centre social protestant (Vaud), novembre 2007.

Sources : Décision de l’ODM (13.8.2007), recours (6.9.2007).

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