L’argent d’un requérant d’asile peut être confisqué

Un requérant d’asile doit toujours pouvoir prouver la provenance de l’argent qu’il a sur lui. Pour n’avoir pas pu le faire, « Aristide » s’est fait confisquer la somme qu’on lui avait prêtée. Saisi d’un recours, le TAF confirme la légalité de cette saisie.

Personne(s) concernée(s) : « Aristide », homme né en 1971.

Statut : demandeur d’asile

Résumé du cas

En possession de 1’600 frs lors d’un contrôle de police à la gare de Lausanne, « Aristide » donne des explications plausibles sur l’origine de cet argent. Une cousine à Paris lui en a envoyé une partie, comme le prouve une quittance de la Western Union, et un ami, qui le confirmera par écrit, lui a prêté quelques centaines de francs. Par ailleurs « Aristide » gagne quelque argent en revendant des cartes téléphoniques et des portables. Malgré cela, la police lui confisque 1’500 francs et l’ODM confirme ensuite que cet argent sera placé sur le compte de sûreté destiné à rembourser les frais d’aide sociale. Après un recours, l’argent envoyé par la cousine, dont l’origine est formellement démontrée, sera restitué. Mais le reste est conservé par les autorités, qui estiment que l’attestation du prêteur est douteuse. Le TAF souligne que tout demandeur d’asile doit pouvoir prouver l’origine de l’argent qu’il détient, s’il ne veut pas se le voir confisquer. De surcroît, la législation prévoit que même si l’origine de l’argent est prouvée, toute somme que le requérant possède excédant les 1’000 frs, mis à part un salaire éventuel, doit être confisquée.

Questions soulevées

N’est-il pas excessif de placer les requérants d’asile sous une forme de tutelle qui les oblige en permanence à justifier la provenance de leur argent ?

Comment se fait-il que des explications plausibles ne sont pas prises en considération, au mépris du principe de bonne foi ?

L’opinion selon laquelle les requérants d’asile sont des profiteurs est courante, mais combien de personnes savent que ces derniers n’ont simplement pas le droit de détenir plus de 1’000 francs, toute somme excédentaire servant automatiquement à rembourser l’aide qu’ils ont perçue ?

Chronologie

2006 : 6 septembre : confiscation de 1’500 frs lors d’un contrôle de police

2006 : 14 novembre : décision ODM confirmant la saisie

2006 : 27 novembre : recours et production d’une quittance pour une part du montant

2007 : 16 avril : restitution par l’ODM du montant dont l’origine est démontrée

2007 : 29 août : rejet du recours par le TAF, qui confirme la saisie du solde

Description du cas

Le 6 septembre 2006, « Aristide » fait l’objet d’un contrôle de police en gare de Lausanne. Il est alors en possession de 1’603.55 frs. Il fournit des explications précises sur les origines de cette somme : environ 600 frs proviennent d’un petit commerce de cartes téléphoniques et de portables, 758.20 lui ont été envoyés par une cousine à Paris et 300 frs résultent d’un prêt. La police ne lui laissera que 103.55 frs. Peu après, l’ODM confirme, dans une décision en bonne et due forme, la saisie de 1’500 frs, versés sur le compte de sûreté servant à rembourser les frais d’assistance (la loi révisée parle désormais de « taxe spéciale », dont le montant est fixé à 15’000 frs).

En dehors du salaire (qui fait l’objet d’un prélèvement automatique de 10%), la loi prévoit la saisie de toute valeur patrimoniale détenue par un demandeur d’asile afin de rembourser les frais d’aide sociale (art. 87 LAsi). Seul un montant de 1’000 frs peut éventuellement être laissé au requérant, pour autant qu’il démontre la provenance légale de l’argent (art. 14.3 aOA2  art. 16.4 OA2).

« Aristide » a heureusement conservé la quittance de Western Union, attestant le transfert de 758.20 frs que lui a fait sa cousine. Sur cette base, l’ODM revient partiellement sur sa décision et lui restitue ce montant. L’ami qui lui avait prêté 450,- frs, sur lesquels il restait encore 300 frs, lui fournit aussi une attestation. Mais cette fois, les autorités ne veulent pas en tenir compte, considérant qu’il s’agit d’une attestation de complaisance, établie après coup. Quant aux 600 frs gagnés par un petit travail de revente de cartes téléphoniques et de portables : sans aucune preuve l’argent est a priori suspect.

Comme le note le TAF dans son arrêt du 29 août 2007 : « le fardeau de la preuve revient à la personne qui est tenu de fournir des sûretés, ce qui signifie que si elle n’arrive pas à apporter cette preuve, les autorités sont en droit de saisir les sommes litigieuses en leur totalité et de les verser sur son compte de sûreté ». (Depuis le 1er janvier 2008 : les autorités les affectent au paiement de la taxe spéciale de 15’000 frs qui est imposée aux requérants d’asile).

Signalé par : site Web du TAF

Sources : décision du TAF du 29 août 2007 (C-1259/2006)

Cas relatifs

Cas individuel — 29/10/2024

Quatre ans de procédure pour se voir reconnaître son statut de victime de violences domestiques

Arrivée en Suisse en 2018 à la suite de son mariage avec un ressortissant suisse, Amanda* est rapidement victime de violences domestiques. À la suite de la séparation du couple, et malgré les documents attestant des violences subies par Amanda* ainsi que de ses craintes, fondées, de représailles de sa belle-famille en cas de retour, le SEM refuse de renouveler son autorisation de séjour et prononce son renvoi vers le Sri-Lanka. Amanda* dépose un recours au TAF contre cette décision. En août 2023, le TAF lui donne raison : il annule la décision du SEM et ordonne l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur d’Amanda* sur la base de l’art. 30 LEI qui permet de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte de cas individuels d’une extrême gravité (F-2969/2020). Le TAF que reconnait les violences domestiques subies par Amanda* – que le SEM avait minimisées, voire niées – et leurs conséquences sur son état de santé, tout comme les difficultés de réintégration en cas de retour au pays d’origine, constituent des éléments suffisants pour admettre la prolongation de son séjour en Suisse.
Cas individuel — 13/08/2024

Plus de 30 ans en Suisse, à l’AI, âgé de 64 ans : aucune perspective pour un permis B

Albert* dépose des demandes de transformation de son permis F en permis B, mais se les voit refusées, au motif que son intégration ne serait pas réussie. Un jugement qui enlève à Albert, aujourd’hui âgé de 64 ans et reconnu en incapacité totale de travail par l’assurance invalidité, toute possibilité de régularisation future de son statut de séjour en Suisse.
Cas individuel — 18/07/2022

Menacé de renvoi Dublin par la Suisse, il doit survivre dans la clandestinité

Franck* a fui son pays natal en raison de son orientation sexuelle. Arrivé en Suisse, il est frappé d’une décision de renvoi Dublin vers l’Italie et entre dans la clandestinité. Au cours de sa procédure d’asile, comme dans la clandestinité, Franck* est confronté à des conditions de vie difficiles.
Cas individuel — 11/05/2022

Après avoir subi des persécutions LGBTIQphobes dans son pays, il doit survivre en Suisse

Témoignage. Franklin* demande l’asile en Suisse au motif de nombreuses persécutions LGBTIQphobes subies dans son pays d’origine. Son parcours pour obtenir l’asile en Suisse est émaillé d’attaques homophobes dans ses lieux de vie.