Après avoir subi des persécutions LGBTIQphobes dans son pays, il doit survivre en Suisse
Témoignage. Franklin* demande l’asile en Suisse au motif de nombreuses persécutions LGBTIQphobes subies dans son pays d’origine. Son parcours pour obtenir l’asile en Suisse est émaillé d’attaques homophobes dans ses lieux de vie.
Personne concernée: Franklin* (prénom fictif)
Origine: Philippines
Statut: procédure d’asile en cours
Entretien avec l’ODAE romand: 03.03.2022
Résumé du cas
Franklin* est originaire des Philippines et persécuté depuis 2019 par son gouvernement pour son activisme comme journaliste et personne LGBTIQ+. Il obtient un visa pour la Suisse et dépose une demande d’asile à Zurich en août 2021.
Durant sa première audition avec le SEM en novembre 2021, il apporte des preuves de ses persécutions et des menaces qu’il a reçues dans son pays, ainsi que de l’arrestation de plusieurs de ses proches. Son deuxième entretien a lieu en janvier 2022.
Attribué à un foyer du canton de Berne, il affiche au quotidien son expression de genre et son orientation sexuelle. Il perçoit du mépris et des insultes de la part des autres résident·es. Les responsables de la sécurité ORS le défendent et se montrent respectueux de son identité et de son expression de genre. Franklin* se sent déprimé, il pense au suicide. Il est loin de son ami, loin de ses proches, et se sent seul.
Franklin* rencontre régulièrement l’association Queeramnesty, qui lui propose de l’aide pour recevoir un suivi psychologique. Au foyer, il peut cuisiner, ce qui améliore sa situation. Néanmoins, en attente d’une décision d’asile, il reçoit uniquement une aide sociale pour requérant·es d’asile.
Franklin* cherche maintenant à reprendre pied et à se reconstruire. Il n’ose pas contacter sa famille aux Philippines, qui serait mise en danger, et doit se contenter de liens avec son éditeur et son avocat. Récemment, il a rompu avec son ami, resté au pays, avec qui il avait une relation depuis 8 ans. Il regrette sa vie aux Philippines, en particulier lorsqu’il réalise son isolement depuis qu’il est arrivé en Suisse, et qu’il ne se sent pas la possibilité de vivre vraiment à sa façon dans le foyer.
Questions soulevées
- Alors que des organisations internationales soulignent les vulnérabilités propres aux personnes LGBTIQ+ dans l’asile (par ex: rapport de l’Agence de l’Union Européenne pour les droits fondamentaux de mars 2017), on constate par le témoignage de Franklin* que les comportements lgbtiqphobes dans les Centres fédéraux d’asile ou les lieux d’hébergement collectifs arrivent encore. Un logement adapté, individuel, des personnes LGBTIQ+ dès leur arrivée en Suisse ne serait-il pas plus adapté?
- Faire résider des personnes LGBTIQ+ réfugiées dans des centres d’hébergement collectif, où les comportements lgbtiqphobes existent, ne risque-t-il pas de les pousser à cacher leur orientation, identité ou expression de genre?
Chronologie
2021: Arrivée en Suisse, attribution en hébergement collectif dans le canton de Berne, première audition;
2022: Deuxième audition sur les motifs d’asile.
Description du cas
Franklin*, originaire des Philippines où il est actif en tant que journaliste engagé et où il s’affiche comme personne LGBTIQ+, est persécuté depuis 2019 par son gouvernement et menacé de mort. Durant 2 ans, il se cache puis il obtient un visa pour la Suisse, qu’il atteint en 2021 en avion. A ce moment, il apprend être sur une liste gouvernementale de surveillance («watchlist»), mais il se trouve déjà hors des Philippines. En août 2021, il dépose une demande d’asile à Zurich, avant d’être transféré dans un foyer du canton de Berne.
Lors de sa première audition avec le SEM en novembre 2021, il apporte des preuves de ses persécutions et des menaces qu’il a reçues dans son pays, ainsi que de l’arrestation de plusieurs de ses proches. Son second entretien a lieu en janvier 2022. Aujourd’hui, la réponse est toujours pendante. Franklin* s’est senti à l’aise pour raconter son histoire, en présence d’un interprète. Il a ressenti du respect durant les auditions, de la part des personnes présentes.
Dans son foyer, il affiche au quotidien son expression de genre et son orientation sexuelle. Il perçoit du mépris et des insultes de la part des autres résident·es. Par exemple, tout le monde quitte la salle commune à chacune de ses entrées. Il ressent aussi des difficultés liées à la vision très religieuse de beaucoup des autres résident·es. Dans le foyer, les responsables de la sécurité ORS interviennent pour le défendre, se montrent respectueux de son identité et de son expression de genre et sont prêts à l’aider. Au début, il est seul dans sa chambre, puis une autre personne vient partager les lieux. C’est une période difficile, Franklin* se sent déprimé, il pense au suicide. Il est loin de son ami, loin de ses proches et se sent seul.
Franklin* rencontre régulièrement l’association Queeramnesty, qui lui propose de l’aide pour recevoir un suivi psychologique. Le problème qu’il ressent, c’est l’homophobie ambiante, un sentiment qu’il espérait fuir en quittant les Philippines. Il préconise de sensibiliser au maximum les personnes dans les foyers et les centres fédéraux d’asile (responsables, employé·es et résident·es) à la situation des personnes LGBTIQ+.
Dans le premier centre fédéral d’asile où il s’est retrouvé, la nourriture n’était pas bonne et il n’a presque pas mangé. Au foyer, il peut cuisiner, ce qui améliore sa situation. Néanmoins, en attente d’une décision d’asile, il reçoit uniquement une aide sociale pour requérant·es d’asile. Ce qui représente très peu d’argent pour faire des courses, surtout dans un village qui n’offre pas les mêmes possibilités (notamment des magasins à prix cassés ou des distributions de produits alimentaires) que la ville. Se déplacer n’est pas non plus une option, étant donné que le coût du transport est à sa charge.
Son souhait est de vivre en ville, mais pour changer de foyer, Franklin* doit attendre le résultat de sa procédure d’asile. Dans le foyer, il voudrait se sentir bien, pouvoir décorer sa chambre et vivre librement selon son expression de genre. Son accès aux soins est limité. Il doit attendre d’avoir un statut pour pouvoir prendre rendez-vous avec un·e oculiste ou un·e dentiste, tout comme pour reprendre son traitement hormonal.
Concernant les liens avec la communauté LGBTIQ+, Franklin* participe à des Safe Place, où il se sent à l’aise de s’exprimer. Pour l’instant, son combat pour les droits LGBTIQ+ passe par la rédaction d’articles. Il n’ose pas contacter sa famille aux Philippines, qui serait mise en danger, et doit se contenter de liens avec son éditeur et son avocat. Franklin* cherche maintenant à reprendre pied et à se reconstruire. Récemment, son ami, resté au pays, avec qui il avait une relation depuis 8 ans, l’a quitté. Il regrette sa vie aux Philippines, en particulier lorsqu’il réalise qu’en Suisse, dans un foyer, il ne peut toujours pas vivre comme il le souhaiterait.
Signalé par: Queeramnesty, Berne – février 2022
Sources: entretien avec Franklin*