Refus de reconnaître le droit des enfants issus de l’UE de résider en Suisse avec leurs parents

Une correspondante dans le canton de Genève a porté à notre connaissance deux courriers identiques de l’Office fédéral des migrations (ODM), l’informant de son intention de refuser de délivrer un permis de séjour à deux enfants ressortissants de l’Union Européenne (UE) ainsi qu’à leurs parents, respectivement boliviens et russe, qui subviennent à leurs besoins.

Notre correspondante, mandataire des deux familles, invoque plusieurs arrêts du Tribunal fédéral (TF) relatifs à l’arrêt « Zhu et Chen » de la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui reconnaît aux enfants ressortissants de l’UE le droit de demeurer dans un autre État de l’UE avec leurs parents indépendamment de la nationalité de ces derniers. Selon le TF, cette jurisprudence est également applicable en Suisse (voir notamment les arrêts 2C_574/2010 du 15 novembre 2010 consid. 2.2.2 et 2C_606/2013 du 4 avril 2014 consid. 3.2).

Dès lors, les parents d’un enfant ressortissant de l’UE ont le droit de résider en Suisse avec celui-ci, à condition de posséder des ressources suffisantes pour ne pas dépendre de l’aide sociale, d’avoir une assurance maladie convenable et de disposer d’un logement adéquat. Or, quatre ans après le premier arrêt du TF reconnaissant ce droit, l’ODM est toujours dans le déni de cette jurisprudence (voir le cas d’« Ivana », ressortissante russe mère d’un enfant français).

En l’espèce, l’ODM réplique que « [l]’ALCP est un accord de nature économique, il diffère totalement de l’esprit et de la finalité des libertés tels que prévus au sein de l’UE dans le cadre du marché intérieur établi entre ses Etats membres. »

En somme, pour l’ODM les citoyens de l’UE ne peuvent se prévaloir d’aucun droit en Suisse si ce n’est celui de travailler. Lorsqu’ils sont mineurs, et dépendent encore financièrement de leurs parents, ils n’ont rien à faire ici, même si cela implique dans certains cas de devoir quitter l’Europe et vivre dans le pays d’origine de leurs parents.

Sources : courriers de l’ODM du 20 et 24 octobre 2014 et répliques du 27 et 30 octobre 2014.

Cas relatifs

Cas individuel — 24/07/2025

Reconnue invalide, elle reçoit une révocation d’autorisation de séjour et un refus de regroupement familial

Ximena* arrive en Suisse en septembre 2019. Elle trouve un emploi à 100%, et obtient, sur cette base, un permis B UE/AELE. Peu de temps après, elle dépose une demande de regroupement familial en faveur de son mari et de ses fils, âgés respectivement de 12 et 5 ans. En mars 2020, par suite d’un AVC, elle se retrouve en incapacité totale de travail. Malgré la reconnaissance de son invalidité par l’AI qui lui octroie une rente, les autorités migratoires lui refusent le droit de demeurer au motif que Ximena n’avait pas résidé en Suisse au moins deux ans avant la survenance de son invalidité. Son permis est ainsi révoqué et la demande de regroupement familial déposée en faveur de ses enfants des années plus tôt est refusée (l’époux est entre-temps retourné en Espagne suite à leur divorce). Tous les trois doivent quitter la Suisse.
Cas individuel — 31/08/2020

Non-respect de la jurisprudence relative à l’ALCP : le TF désavoue le Tribunal cantonal

Le SPOP et le Tribunal cantonal du canton de Vaud refusent le renouvellement de l’autorisation de séjour d’Antonio* et prononcent son renvoi alors qu’il a la garde exclusive sur son enfant de 13 ans, né en Suisse et scolarisé à l’école secondaire. Le Tribunal fédéral corrige le tir, jugeant que Bruno* a le droit de terminer son école obligatoire en Suisse et qu’Antonio* a un droit dérivé à séjourner en Suisse.
Cas individuel — 25/08/2016

Le SEM nie (encore !) la jurisprudence et opte pour le renvoi d’un enfant européen

« Sofia », ressortissante russe arrivée en Suisse en 2003 pour ses études, demande un permis de séjour sur la base de sa relation avec son fils, de nationalité belge. Ce dernier a un droit de séjour conformément à l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, que nie pourtant le Secrétariat d’Etat aux migrations.
Cas individuel — 19/04/2011

Livré à lui-même en Turquie, il ne peut pas rejoindre son père en Suisse

« Alim », âgé de 15 ans, est livré à lui-même en Turquie. Il fait une demande pour rejoindre son père, qui est suisse et vit ici. Mais cette demande est formulée après le délai d’un an inscrit dans la loi. Alors que le Tribunal cantonal admet des raisons familiales majeures, qui permettraient d’échapper à l’application stricte du délai, l’ODM, lui, ne veut rien savoir.