L’aide sociale pourrait ne plus être une cause de retrait de permis après 10 ans de séjour

Suisse, 13.06.2023 – Le Conseil des États, peu après le Conseil national, accepte lui aussi l’initiative parlementaire «La pauvreté n’est pas un crime». Cette modification législative agit contre la pauvreté en Suisse et ouvre la voie pour une amélioration de la situation précaire vécue par les personnes qui n’ont pas la nationalité suisse.

Pour rappel, l’initiative parlementaire dénonce deux articles spécifiques de la loi sur les étrangers et l’intégration (art.62 et art. 63). Depuis 2019, la nouvelle loi permet le retrait de permis de séjour ou d’établissement en Suisse pour la simple raison d’avoir recours à l’aide sociale. En conséquence, de nombreuses personnes, sans passeport suisse et en situation de précarité, ne demandent pas d’aide financière. L’initiative exige ainsi que les personnes vivant en Suisse depuis plus de 10 ans ne puissent plus être renvoyées du pays pour l’unique motif de toucher l’aide sociale lorsqu’elles en ont besoin.

Sources : Caritas Suisse, «La pauvreté n’est pas un crime – Après le Conseil national, le Conseil des États a lui aussi adopté l’initiative parlementaire», 13.06.2023 ; SSP-VPOD, «La pauvreté n’est pas un crime!», 23.02.2023 ; EPER, «La pauvreté n’est pas un crime : le Conseil des États  doit agir contre la pauvreté et pour l’inclusion», 22.02.2023.

 Voir également : Caritas Suisse, «Une existence digne pour tous – Le système de sécurité sociale présente de nombreuses lacunes», 11.07.2023 ; EPER, «La pauvreté n’est pas un crime», 12.09.2022 ; ODAE romand, «Un premier pas pour l’initiative «La pauvreté n’est pas un crime»», 28.05.2021 ; ODAE romand, «Lancement de l’alliance « La pauvreté n’est pas un crime»», 21.03.2023.

Cas relatifs

Cas individuel — 17/06/2025

Un couple européen est menacé de renvoi car il recourt partiellement à l’aide sociale

Andrea* et son épouse Lidia*, ressortissant·es italien·es arrivé·es en Suisse en 2022, se voient menacés de retrait de leur permis B obtenu sur la base de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), au motif qu’il et elle recourent parfois à l’aide sociale en complément de leur revenu. Ce, bien qu’Andrea* travaille depuis août 2024 avec un contrat à durée indéterminée, et effectue un minimum de 30 heures par semaine pour un salaire mensuel d’environ 2'800 CHF. Avec l’appui d’un mandataire, le couple rappelle au Service de la population que la qualité de travailleur·se s’obtient à la simple condition d’«accomplir pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération». Par ailleurs, le Tribunal fédéral a reconnu la qualité de travailleur à une personne qui percevait un revenu mensuel net d’environ 2'500.-. Il faudra encore présenter au SPoMi trois nouvelles fiches de salaire d’Andrea* ainsi que les preuves des allocations liées à sa seconde paternité pour que les autorités classent l’affaire.
Cas individuel — 29/10/2024

Quatre ans de procédure pour se voir reconnaître son statut de victime de violences domestiques

Arrivée en Suisse en 2018 à la suite de son mariage avec un ressortissant suisse, Amanda* est rapidement victime de violences domestiques. À la suite de la séparation du couple, et malgré les documents attestant des violences subies par Amanda* ainsi que de ses craintes, fondées, de représailles de sa belle-famille en cas de retour, le SEM refuse de renouveler son autorisation de séjour et prononce son renvoi vers le Sri-Lanka. Amanda* dépose un recours au TAF contre cette décision. En août 2023, le TAF lui donne raison : il annule la décision du SEM et ordonne l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur d’Amanda* sur la base de l’art. 30 LEI qui permet de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte de cas individuels d’une extrême gravité (F-2969/2020). Le TAF que reconnait les violences domestiques subies par Amanda* – que le SEM avait minimisées, voire niées – et leurs conséquences sur son état de santé, tout comme les difficultés de réintégration en cas de retour au pays d’origine, constituent des éléments suffisants pour admettre la prolongation de son séjour en Suisse.
Cas individuel — 15/10/2024

Le TF ordonne la reconnaissance du statut d’apatride pour un ressortissant kurde

Kurde de Syrie vivant en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire (permis F), Aryian* dépose une demande de reconnaissance d’apatridie en 2015. Le SEM puis le TAF refusent sa demande, au motif qu’Aryian*, qui appartient à la catégorie des Kurdes dits ajnabi, aurait soit reçu la nationalité syrienne en 2012, soit n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour l’obtenir. Saisi par Aryian*, le Tribunal fédéral (TF) casse la décision du SEM. Dans son arrêt rendu en avril 2021, il réfute l’absence de «raisons valables» au départ d’Aryian* de la Syrie ainsi que l’affirmation selon laquelle le recourant n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour acquérir la nationalité syrienne. Il considère en outre qu’on ne peut exiger d’Aryian* qu’il attende de pouvoir retourner en Syrie pour obtenir la citoyenneté. Le TF admet donc le recours et ordonne au SEM de reconnaitre Aryian* comme apatride.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.