Regroupement familial refusé à tort : le TF rappelle les conditions de l’ALCP

Dans son arrêt 2C_909/2015 du 1er avril 2016, le Tribunal fédéral s’est prononcé en faveur de l’octroi d’une autorisation de séjour pour regroupement familial à un adolescent dont la mère brésilienne et le beau-père, ressortissant portugais, résident en Suisse. Le SPOP avait rejeté la demande, la considérant comme abusive car le jeune homme était âgé de 18 ans. Une décision confirmée par le Tribunal cantonal vaudois, qui avait également reproché à la mère d’avoir attendu 6 ans avant de déposer la demande.

Dans son arrêt, le TF rappelle que selon l’ALCP, un ressortissant européen a le droit au regroupement familial de son conjoint et de ses beaux-enfants jusqu’à 21 ans, à la seule condition de disposer d’un logement convenable (Annexe I art. 3 ALCP). Une demande intervenant 3 ans avant cet âge limite ne saurait donc être considérée comme abusive. Par ailleurs, contrairement à la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr), l’ALCP ne prévoit pas de délai pour déposer cette demande. Cet argument a donc été invoqué à tort par les autorités cantonales. Affirmant que le regroupement était compatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant, dont les parents sont les premiers garants, et qu’aucun élément ne démontrait la présence d’un abus de droit, le TF a admis le recours. Il a renvoyé la cause au SPOP pour qu’une autorisation de séjour soit octroyée à l’adolescent, trois ans après sa demande. La position du TF remet donc en cause les directives du SEM selon lesquelles il peut y avoir un indice d’abus de droit « de manière générale plus la demande intervient tardivement sans motifs fondés ou plus l’enfant est âgé » (Chapitre 7.5.3 OLCP).

Sources : arrêt 2C_909/2015 du 1er avril 2016 ; Directives OLCP – 06/2016

Cas relatifs

Cas individuel — 12/05/2025

Européen, il fait les frais d’une mauvaise application du cadre légal par les autorités d’immigration

Nino* est originaire du Brésil. En février 2023, il fait l’objet d’une condamnation pour séjour illégal et reçoit une interdiction d’entrée en Suisse (IES), valable jusqu’en janvier 2025. En octobre 2023, Nino* est naturalisé italien. Désormais citoyen de l’UE et au bénéfice d’un contrat de travail, il dépose une demande de permis de séjour. Mais les autorités genevoises refusent en raison de son revenu qu’elles jugent insuffisant et de son IES encore valable. Nino* fait opposition en arguant que l’accord sur la libre circulation (ALCP) ne pose aucune exigence en termes de revenu et qu’en tant que ressortissant européen son IES doit être levée. En février 2025, le SEM lui octroie finalement un permis B.
Cas individuel — 05/04/2017

Le SEM pose des conditions supplémentaires au regroupement familial selon l’ALCP

Le SEM pose des conditions supplémentaires à l’octroi d’un permis au titre du regroupement familial et prive ainsi une jeune femme du droit, prévu par l’ALCP, de rester avec sa mère, son frère et son beau-père en Suisse. Le TAF corrige le tir en octroyant le permis, reconnaissant que toutes les exigences légales sont remplies.
Cas individuel — 19/04/2011

Livré à lui-même en Turquie, il ne peut pas rejoindre son père en Suisse

« Alim », âgé de 15 ans, est livré à lui-même en Turquie. Il fait une demande pour rejoindre son père, qui est suisse et vit ici. Mais cette demande est formulée après le délai d’un an inscrit dans la loi. Alors que le Tribunal cantonal admet des raisons familiales majeures, qui permettraient d’échapper à l’application stricte du délai, l’ODM, lui, ne veut rien savoir.
Cas individuel — 06/01/2011

Regroupement familial : discrimination d’un Suisse
par rapport à des Européens?

« Ratana », d’origine thaïe, est mariée à « Philippe », citoyen suisse. Ils souhaitent faire venir la fille de « Ratana », 13 ans, restée en Thaïlande. Les autorités refusent parce que le délai d’un an pour adresser la demande a été dépassé, mais reconnaissent que si « Philippe » avait été un ressortissant européen, le droit au regroupement familial aurait été garanti par l’ALCP.