Bourses vaudoises et permis F : tout n’est pas si rose

Dans une récente brève, nous faisions l’écho d’un article de La Liberté à propos de l’exclusion des personnes en procédure d’asile des bourses d’études ou d’apprentissage dans le canton de Vaud. Par la même occasion, nous annoncions qu’un amendement visant à réintégrer les personnes admises à titre provisoire dans le cadre de la nouvelle loi avait été approuvé. En réalité, l’amendement en question, porté par la majorité de la Commission compétente, exclut tout de même les jeunes dont les parents titulaires d’une admission provisoire dépendent de l’aide sociale (art. 8 let. g), à l’exception de ceux dont la qualité de réfugiés a été reconnue (art. 8 let. f).

Dans la mesure où l’intégration socioprofessionnelle des parents est souvent entravée tant qu’ils sont au bénéfice d’un permis F (admission provisoire) jugé instable par les employeurs, nombreux sont les enfants qui se verront à l’avenir empêchés d’obtenir une bourse d’études ou d’apprentissage. Fin 2013, 2’700 personnes étaient au bénéfice d’un permis F dans le canton de Vaud. Parmi celles-ci, 1’800 étaient en âge de travailler, mais seulement 26% de ces personnes étaient professionnellement actives.

Ceci est d’autant plus inquiétant lorsque l’on sait que 1) cinq ans de séjour et l’indépendance financière sont requis afin que ces parents accèdent à un statut de séjour plus stable (permis B) et 2) près de la moitié des personnes admises à titre provisoire demeurent 7 ans ou plus avec ce statut précaire. À ce sujet, voir le cas de « Houria » et de sa fille « Esma » née en Suisse, à qui le canton de Vaud a réattribué un permis F après 10 ans au bénéfice d’un permis B.

Les restrictions en matière de droits, associées à la longue durée de ce statut « provisoire », ont amené récemment un organe de l’ONU à exhorter la Suisse à « éliminer toute discrimination indirecte et tout obstacle injustifié à l’exercice par les personnes admises sur son territoire à titre provisoire de leurs droits fondamentaux », entre autres en facilitant leur accès à « des possibilités d’éducation » (voir Recommandations du CERD, 13 mars 2014, para. 16).

Par ailleurs, priver précisément les personnes aux moyens financiers limités que visent généralement de telles bourses paraît incohérent, si ce n’est contre-productif. En effet, c’est en encourageant les enfants de personnes à l’aide sociale à se former qu’on accroîtra les chances que les premiers ne se trouvent pas à l’avenir dans la même situation financière que les seconds.

Un autre amendement, porté par le député Jean-Michel Dolivo, visant à ce que tout enfant de personnes titulaires d’un permis F puisse accéder à de telles bourses a, lui, été balayé par le parlement cantonal lors des débats du 3 juin 2014.

Le 10 juin, les débats reprendront au sein du Grand Conseil vaudois et les dispositions concernées devraient alors être adoptées de manière définitive.

Pour plus d’informations, voir le site du Grand Conseil vaudois, séance du 10 juin 2014, point 8 de l’ordre du jour ainsi que le rapport de Commission, annexe I.

Cas relatifs

Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.
Cas individuel — 12/05/2014

Il a droit à un permis, le canton lui propose un statut précaire

En 2005, « Martin » rencontre sa future épouse « Christine ». Le couple arrive en Suisse en 2011 et « Martin » obtient un permis de séjour. Après leur séparation, le canton refuse de renouveler son permis et propose l’octroi d’une admission provisoire face au danger qu’il encourt en cas de retour dans son pays. « Martin » saisit alors le TF, qui reconnaît qu’un tel obstacle au renvoi lui donne en principe droit au renouvellement du permis selon l’art. 50 LEtr.
Cas individuel — 24/08/2009

L’ODM voulait le renvoyer sans vérifier s’il pourrait recevoir des soins

La demande d’asile de « Robert » est rejetée, mais son médecin atteste qu’il est gravement malade. L’ODM affirme qu’il pourra se soigner au Togo. Le TAF estime le contraire et reproche à l’ODM de ne citer aucune source. Le DFJP voudrait qu’à l’avenir ce soit au requérant de prouver qu’il ne pourra pas être soigné. Quelles en seraient les conséquences ?
Cas individuel — 24/08/2009

La législation l'empêche de revoir sa sœur, après 12 ans d’exil

Admise provisoirement depuis 1995, "Danica" se voit refuser le visa de retour dont elle a besoin pour quitter la Suisse et y revenir. Elle voulait revoir sa sœur, qu’elle n’a pas revue depuis plus de 10 ans, mais la législation, durcie en 2004, ne le permet pas.