Dépendant de l’aide sociale parce qu’il est arrivé âgé en Suisse, il peine à voir son permis passer de F en B

Ghazi* a déposé une demande d’asile en Suisse à 64 ans. Il n’a ainsi pas pu cotiser 1 an à l’AVS avant d’atteindre l’âge de la retraite, ce qui l’empêche de bénéficier de la rente une fois atteints les 65 ans. De ce fait, il a dû batailler auprès du SEM pour voir son permis F transformé en permis B.

Personne concernée (*prénom fictif): Ghazi*

Origine: syrienne

Statut: Permis B

Né en 1950 en Syrie, Ghazi* est médecin généraliste. Il arrive en Suisse en décembre 2014, et y demande l’asile en 2015. En 2016, Ghazi* reçoit une admission provisoire (permis F). Il est alors à l’aide sociale (barème inférieur) dispensée par l’Hospice général, et touche donc 451 CHF par mois en plus du paiement de son loyer et de son abonnement de transports publics. Bien qu’il postule dans toute la Suisse romande, Ghazi* n’essuie que des refus, car il est à présent à quelques mois de ses 65 ans et qu’il ne détient pas un permis de séjour stable.

En mars 2017, Ghazi* dépose une demande de rente vieillesse (art. 16 al. 1 LAVS). La Caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC) lui refuse cette rente. Ghazi* fait opposition à cette décision, en arguant qu’il est arrivé à l’âge de 64 ans en Suisse et qu’il n’a ainsi pas eu l’occasion de travailler et de cotiser à l’AVS (art. 14 al. 2 LAVS). En décembre de la même année, la CCGC rend une décision sur opposition confirmant que Ghazi* ne peut prétendre à une rente AVS car même s’il avait eu un travail, il n’aurait matériellement pas pu comptabiliser plus de huit mois de cotisations personnelles (entre décembre 2014 et juillet 2015, date de son passage à l’âge de la retraite). Or, la LAVS exige un minimum de 11 mois de cotisation (art. 29 LAVS). Ghazi* n’a donc pas accès à l’AVS, mais il peut solliciter une demande de soutien auprès du Service des prestations complémentaires AVS/AI.

En janvier 2019, alors qu’il a séjourne en Suisse depuis 5 ans, Ghazi* dépose une demande de transformation de permis F en permis B. En juin 2021, le SEM annonce son intention de refuser la demande au prétexte que Ghazi* est dépendant de l’aide sociale et ne remplit donc pas la condition de l’intégration. La mandataire de Ghazi* répond au SEM en soulignant que dans le concept d’intégration, l’âge doit être pris en compte (art. 58a LEI), tout comme l’impossibilité d’exercer une activité lucrative, toujours en raison de son âge (art. 31 al. 5 OASA). En août 2021, Ghazi* reçoit finalement un permis de séjour B, alors qu’il a atteint l’âge de 71 ans.

Avec son permis B, Ghazi* n’est plus dépendant de l’Hospice général, mais il se trouve toujours à l’aide sociale. C’est le Service des prestations complémentaires (SPC) qui se charge de son dossier puisqu’il ne bénéficie pas de l’AVS. En 2025, lorsqu’il aura 10 ans de séjour en Suisse, il aura droit aux prestations complémentaires fédérales AVS. Il aura alors 75 ans. Ces prestations seront probablement un peu plus élevées que l’aide sociale actuelle, mais ne lui garantiront toujours pas l’indépendance financière.

Questions soulevées

  • Comment est-ce possible que la Suisse refuse aux personnes arrivées trop près de l’âge de la retraite la possibilité de s’affilier à l’AVS, alors que cela impactera tout le reste de leur vie? Que cela les rendra dépendant de l’aide sociale et les maintiendra ad aeternam dans une situation précaire?
  • Alors que Ghazi* remplit les conditions d’intégration (notamment par une activité bénévole débordante, des liens étroits avec la Suisse et une parfaite maitrise du français), comment le SEM peut-il s’arrêter sur sa dépendance à l’aide sociale, alors même que ce sont les lois suisses qui ont contraint Ghazi* à ne pas pouvoir prétendre à une rente AVS (car il n’a pas pu cotiser 1 an minimum à l’AVS avant ses 65 ans)?
  • L’exigence de l’indépendance financière pour la transformation du permis F en B des personnes arrivées près de l’âge de la retraite revient à priver ces dernières de toute possibilité de régulariser leur permis de séjour. Comment une telle pratique peut être maintenue alors qu’elle va à l’encontre de la jurisprudence du Tribunal fédéral, lequel a rappelé qu’ «il serait difficilement concevable que les personnes auxquelles l’asile a été refusé soient, lorsque leur renvoi est durablement impossible, indéfiniment contraintes de conserver un statut aussi précaire que celui qui découle de l’admission provisoire» (ATF 128 II 200)?

Chronologie

2014: arrivée en Suisse (déc.)

2015: dépôt de la demande d’asile

2016: admission provisoire (permis F)

2017: demande et refus de rente vieillesse (mars), opposition et décision sur opposition (déc.)

2019: demande de transformation du permis F en permis B

2021: obtention du permis B (août.)

Description du cas

Né en 1950 en Syrie, Ghazi* est médecin généraliste et réside à Damas avec sa femme. Avec le conflit qui débute, la vie en Syrie n’est plus possible et le couple décide de s’exiler, leurs enfants vivant en France et en Suisse. En décembre 2014, Ghazi* et son épouse arrivent à Genève au bénéfice d’un visa Schengen. Bien que la demande de permis soit en cours et qu’il ait une promesse d’embauche, le droit de travailler est refusé à Ghazi* (refus du médecin cantonal de le laisser exercer). Son visa expirant en février 2015 et son passeport syrien étant échu en mars suivant, il se retrouve dans l’impossibilité de voyager et sa demande de permis de séjour se transforme en demande d’asile. En 2015, sa femme abandonne la demande d’asile et obtient un statut de séjour en France, auprès de l’un de ses enfants.

En 2016, Ghazi* reçoit une admission provisoire (permis F). Il est alors à l’aide sociale (barème inférieur) dispensée par l’Hospice général, et touche donc 451 CHF par mois en plus du paiement de son loyer et de son abonnement de transports publics. Bien qu’il postule dans toute la Suisse romande pour travailler auprès de nombreu·sexs employeur·sexs, Ghazi* n’essuie que des refus, car il est à présent à quelques mois de ses 65 ans et qu’il ne détient pas un permis de séjour stable. Cette situation d’impossibilité de travail lui pèse et il connait une période de dépression. Souhaitant rester actif, Ghazi* se lance dans diverses activités de bénévolat, toujours à Genève.

En mars 2017, Ghazi* dépose une demande de rente vieillesse (art. 16 al. 1 LAVS). La Caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC) lui refuse cette rente, au prétexte qu’il n’a jamais cotisé à l’assurance-vieillesse et survivants (art. 29 al.1 LAVS). Ghazi* fait opposition à cette décision, en arguant qu’il est arrivé à l’âge de 64 ans en Suisse et qu’il n’a ainsi pas eu l’occasion de travailler et de cotiser à l’AVS (art. 14 al.2 LAVS). En décembre de la même année, la CCGC rend une décision sur opposition confirmant que Ghazi* ne peut prétendre à une rente AVS car même s’il avait eu un travail, il n’aurait matériellement pas pu comptabiliser plus de huit mois de cotisations personnelles (entre décembre 2014 et juillet 2015, date de son passage à l’âge de la retraite). Or, la LAVS exige un minimum de 11 mois de cotisation (art. 29 LAVS). Ghazi* n’a donc pas accès à l’AVS, mais il peut solliciter une demande de soutien auprès du Service des prestations complémentaires AVS/AI. Avec moins de 10 ans de séjour sur le territoire, cet appui ne peut être que réduit.

En janvier 2019, alors qu’il a passé 5 ans sur le territoire, Ghazi* dépose une demande de transformation de permis F en permis B. Avec l’aide d’une mandataire, il justifie avoir cherché du travail activement, que ses activités bénévoles rempliraient un temps complet de travail s’il avait été embauché, et démontre que sa présence à Genève est nécessaire pour aider sa fille, qui vient elle-même d’avoir une petite fille. En octobre 2020, le Canton approuve sa demande.

En juin 2021, le SEM annonce son intention de refuser la demande au prétexte que Ghazi* est dépendant de l’aide sociale et ne remplit donc pas la condition de l’intégration. La mandataire de Ghazi* répond au SEM en soulignant que dans le concept d’intégration, l’âge doit être pris en compte (art. 58a LEI), ainsi que son impossibilité d’exercer une activité lucrative, toujours en raison de son âge (art. 31 al. 5 OASA). En août 2021, Ghazi* reçoit finalement un permis de séjour B, alors qu’il a atteint l’âge de 71 ans.

Avec son permis B, Ghazi* n’est plus dépendant de l’Hospice général, mais il se trouve toujours à l’aide sociale. C’est le Service des prestations complémentaires (SPC) qui se charge de son dossier puisqu’il ne bénéficie pas de l’AVS. Ainsi, il touche 2’332 CHF par mois, son loyer n’est assumé que jusqu’à hauteur de 1’100 CHF (ce qui est très faible à Genève, il doit donc compléter près de 500 CHF par mois) et se trouve donc dépendant de l’appui de ses enfants.

En 2025, lorsqu’il aura 10 ans de séjour en Suisse, il aura droit aux prestations complémentaires fédérales AVS, probablement un peu plus élevées que l’aide sociale actuelle, mais qui ne lui garantiront toujours pas l’indépendance financière.

Signalé par:  CSP-Genève – octobre 2023

Sources: Echanges avec Ghazi* ; décision sur opposition CCGC ; décision de permis B du SEM

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