Une mineure non-accompagnée attend 3 ans
avant de se voir refuser l’asile
« Helen », mineure érythréenne à la santé fragile, attend trois ans avant de se voir refuser l’asile par l’ODM. Comme elle a quitté son pays alors qu’elle était en âge d’effectuer son service militaire, la qualité de réfugiée lui est néanmoins reconnue et l’admission provisoire octroyée.
Personne(s) concernée(s) : « Helen », née en 1995.
Origine : Erythrée
Statut : demande d’asile-> admission provisoire
Résumé du cas
En 2010, « Helen », jeune Érythréenne âgée de quatorze ans fuyant un mariage forcé et l’enrôlement obligatoire dans l’armée, demande l’asile en Suisse. Elle s’installe à Genève où sa tante réside depuis longtemps. Cependant, lors de son audition au centre d’enregistrement de Vallorbe, l’ODM l’informe de sa décision de l’attribuer au canton de Saint-Gall pour la durée de la procédure. « Helen », mineure et fragilisée par les événements traumatisants auxquels elle a dû faire face lors de son voyage jusqu’en Suisse, formule un recours au TAF et demande à rester auprès de sa famille. En octobre 2010, le TAF annule la décision de l’ODM, jugeant qu’il y a lieu de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant. En l’espèce, le tribunal estime qu’au vu de son jeune âge, du fait qu’elle est seule et séparée de ses parents, « Helen » se trouve dans une situation d’extrême vulnérabilité. Pour le tribunal toujours, les autorités ont le devoir de la protéger et de la prendre en charge par l’adoption de mesures raisonnables et adéquates. Malgré cette analyse, « Helen » doit attendre presque deux ans avant d’être convoquée à une audition fédérale. Le mandataire avait pourtant adressé à l’ODM de multiples relances et des certificats médicaux attestant d’une dépression et d’angoisses causées par l’instabilité de sa situation et les traumatismes vécus. Enfin, ce n’est qu’en 2013 que l’ODM rend sa décision lui refusant l’asile au motif qu’Helen n’aurait pas tenu des propos parfaitement identiques alors que trois ans s’étaient écoulés entre les deux auditions. Cependant, le renvoi est considéré comme illicite et des motifs d’asile postérieurs à la fuite sont admis, car « Helen » n’a pas effectué son service militaire et risque d’être persécutée en cas de retour. La qualité de réfugiée lui est donc reconnue et une admission provisoire octroyée.
Questions soulevées
Comment l’ODM peut-il justifier sa décision d’attribuer « Helen » au canton de Saint-Gall alors que son seul soutien moral, bienvenu vu son extrême vulnérabilité, se trouve à Genève? Pour quelle raison l’intérêt supérieur de l’enfant et le principe de l’unité de la famille n’ont-t-ils pas été pris en compte ?
Alors que le TAF affirme qu’il est du devoir de l’État de protéger et de prendre en charge « Helen », comment expliquer que l’ODM la laisse dans une attente aussi longue – deux ans pour l’audition, puis un an pour la décision – malgré les relances son mandataire ?
Chronologie :
2010 : demande d’asile (juin), 1ère audition fédérale (juillet), recours contre l’attribution au canton de St-Gall (juillet), décision du TAF d’attribution au canton de Genève (oct.)
2011 : 1ère relance du mandataire auprès de l’ODM en absence d’audition fédérale (sept.)
2012 : 2e relance (fév.), audition fédérale (avril)
2013 : 1ère relance du mandataire en l’absence de décision de l’ODM (mars), 2e relance (juin), rejet de la demande d’asile et octroi d’une admission provisoire (juillet)
Description du cas :
« Helen », jeune Érythréenne âgée de quatorze ans, arrive en Suisse en juin 2010. Elle fuit son pays avec sa cousine pour échapper à un mariage forcé que son père voulait organiser pour lui épargner l’enrôlement obligatoire dans l’armée (les femmes sont astreintes au service militaire en Erythrée). « Helen » dépose une demande d’asile au centre de Vallorbe et s’installe à Genève dans l’appartement de sa tante qui y vit depuis de nombreuses années. En juillet 2010, après une première audition fédérale, l’adolescente apprend qu’elle est attribuée au canton de Saint-Gall (art. 27 LAsi). Très ébranlée par cette annonce et ayant besoin de vivre auprès de ses proches, « Helen » dépose un recours au TAF contre cette décision. De leur côté, les médecins insistent sur la nécessité pour « Helen » de maintenir la « proximité de la famille » au vu de la situation « alarmante » dans laquelle elle se trouve. Elle souffre de dépression et de fortes angoisses liées aux événements traumatisants dont elle a été victime lors de sa fuite. Durant son périple, « Helen » a en effet été séquestrée, emprisonnée et a subi plusieurs tentatives de viol. Le soutien de sa famille se révèle donc indispensable pour éviter une péjoration de son état. Dans son arrêt d’octobre 2010, le TAF annule la décision de l’ODM, jugeant qu’il y a lieu de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant en lui garantissant une évolution dans un environnement sain et en maintenant les liens avec sa famille. De plus, le Tribunal rappelle que dans la décision d’attribution d’un requérant à un canton il faut prendre en compte le principe d’unité de la famille. En l’espèce, le Tribunal estime qu’au vu de son jeune âge, du fait qu’elle est seule et séparée de ses parents, « Helen » se trouve dans une situation d’extrême vulnérabilité. Aussi, les autorités ont le devoir de la protéger et de la prendre en charge par l’adoption de mesures raisonnables et adéquates.
Malgré les certificats médicaux attestant de l’état de santé très préoccupant d’« Helen » et plusieurs lettres de relance de la part du mandataire, dont la dernière menaçant de signaler la situation à la Conseillère fédérale en charge du DFJP, l’ODM attend près de deux ans avant de convoquer enfin « Helen » à une audition fédérale. Cependant, malgré l’extrême vulnérabilité d’« Helen », la procédure ne s’accélère toujours pas. En effet, ce n’est qu’en juillet 2013, soit un an plus tard, que l’ODM se prononce enfin sur son cas. Dans sa décision, l’Office rejette la demande d’asile d’« Helen » arguant que les conditions de vraisemblance ne sont pas remplies. Il est reproché à « Helen » de n’avoir pas tenu des propos parfaitement identiques lors des différentes auditions. Le fait que plus de trois ans se sont écoulés depuis le dépôt de sa demande d’asile et les fortes angoisses dont souffre « Helen » quant à l’issue de la procédure ne sont donc pas pris en compte par les autorités fédérales. Cependant, « Helen » ayant quitté illégalement son pays alors qu’elle était en âge d’effectuer son service militaire, et au vu des risques de punition qu’elle encourrait si elle devait être renvoyée, la qualité de réfugiée lui est reconnue et une admission provisoire lui est octroyée.
Signalé par : Centre social protestant – Genève, juillet 2013
Sources : arrêt du TAF du 01.10.10, décision de l’ODM du 23.07.13, lettre de relance 26.09.11, lettre de relance 28.02.12, lettre de relance 22.03.13, lettre de relance 05.06.13, certificats médicaux.