Une Française ne peut pas faire venir son fils auprès d’elle

«Tidiane », d’origine sénégalaise, se voit refuser le regroupement familial avec sa mère « Nathalie », ressortissante française. Selon le SPOP, la demande répond à des motivations économiques et constituerait un abus de droit, « Tidiane » approchant la majorité. « Nathalie » revendique son droit, au titre de l’ALCP, à le faire venir sans autre condition qu’un logement convenable jusqu’à ce qu’il ait 21 ans.

Mise à jour

Il obtient enfin un permis pour vivre auprès de sa mère Le 31 mars 2014, le Tribunal cantonal vaudois juge qu'il n'est pas établi que la demande de regroupement familial formulée par « Nathalie » en faveur de son fils constitue un abus de droit, les motifs invoqués pour justifier les 5 années écoulées entre l'arrivée de mère en Suisse et la demande de regroupement étant considérés vraisemblables. Cependant, le Tribunal estime qu'il s'agit d'un cas "limite" et ne leur octroie pas de dépens, ce qui aurait permis de couvrir les frais de défense juridique.

Personne(s) concernée(s) : « Nathalie » née en 1973 et « Tidiane » né en 1995

Statut : refus de regroupement familial -> recours pendant

Résumé du cas

« Nathalie », Française d’origine sénégalaise, vit en Suisse depuis 2008 et est titulaire d’un permis B UE/AELE depuis 2010. Venue en Suisse pour travailler, elle laisse son fils, « Tidiane », chez son père au Sénégal mais continue d’entretenir avec lui une relation étroite et pourvoit entièrement à ses besoins. Dès 2008, « Tidiane », étant en conflit avec son père, est placé dans un internat. Depuis 2011, « Nathalie » tente de faire venir son fils auprès d’elle. Le père y étant dans un premier temps opposé, il tarde à réunir les documents nécessaires. Finalement, ce n’est qu’en 2013, à l’âge de 17 ans, que « Tidiane » peut rejoindre sa mère. Toutefois, le SPOP refuse de lui accorder une autorisation de séjour et prononce son renvoi, reprochant à « Nathalie » d’avoir trop tardé et demandé le regroupement familial juste avant que l’âge limite soit atteint. Ainsi, le SPOP la soupçonne d’avoir commis un abus de droit en demandant le regroupement familial pour des raisons économiques et non d’unité de la famille. Enfin, la dépendance partielle de « Nathalie » à l’aide sociale ne lui permettrait pas de prendre en charge son fils. Dans son recours au Tribunal cantonal, la mandataire explique que « Nathalie » a toujours travaillé et que l’aide sociale qu’elle reçoit depuis peu de temps complète son revenu. En outre, l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) que la Suisse a signé avec l’Union européenne ne prévoit qu’une seule condition au regroupement familial pour les enfants et beaux-enfants de ressortissants communautaires salariés : celle de disposer d’un logement adéquat. Enfin, selon l’Accord les enfants et beaux-enfants ont droit au regroupement familial jusqu’à l’âge de 21 ans et non pas jusqu’à leur majorité. Ainsi, les 17 ans de « Tidiane » ne sont pas proches de la limite prévue. Le recours est toujours pendant.

Questions soulevées

 Comment justifier le non-respect par le SPOP du droit au regroupement familial très large dont bénéficient les ressortissants de l’Union européenne, au titre de l’ALCP ? L’autorité cantonale n’abuse-t-elle pas de son pouvoir d’appréciation en imposant des délais qui ne sont prévus que dans les cas de figure relevant de la Loi sur les étrangers ?

 Comment le SPOP peut-il conclure par ailleurs à un abus de droit alors que « Tidiane » est encore loin de l’âge limite et que les liens mère-fils sont manifestement étroits ?

Chronologie

2008 : arrivée en Suisse de « Nathalie », permis L UE/AELE

2010 : octroi d’un permis B UE/AELE

2013 : entrée en Suisse de « Tidiane », refus de l’autorisation de séjour et recours au Tribunal cantonal (juil.)

N.B. Le recours est toujours pendant devant le Tribunal cantonal.

Description du cas

« Nathalie », Française d’origine sénégalaise, vit en Suisse depuis 2008 et est titulaire d’un permis B UE/AELE depuis 2010, suite à l’obtention d’un permis L UE/AELE. Venue en France, puis en en Suisse pour travailler, elle laisse son fils, « Tidiane », âgé de 8 ans, au Sénégal chez son père. Toutefois, elle continue d’entretenir une relation étroite avec celui-ci via des voyages et des appels téléphoniques. Aussi, « Nathalie » est seule à l’entretenir financièrement et est très impliquée dans sa scolarité, puisqu’elle a régulièrement des contacts avec ses enseignants. « Nathalie » souhaite faire venir son fils auprès d’elle depuis 2011, mais le refus du père de réunir les documents nécessaires retarde la démarche, alors que « Tidiane » est en conflit avec son père et placé en internat dès 2008. Il arrive finalement en Suisse en 2013.

En juillet 2013, le SPOP refuse de délivrer une autorisation de séjour à « Tidiane » et prononce son renvoi. Dans sa décision, le SPOP fait valoir que l’on peut s’attendre à ce qu’une demande de regroupement familial se fasse dans les plus brefs délais suite à l’entrée en Suisse de la personne. Selon l’autorité administrative, le regroupement perd ainsi tout son sens lorsqu’un parent vit durant des années séparé de son enfant et le fait venir juste avant qu’il ait atteint l’âge limite. Pour le SPOP, « Nathalie » est donc soupçonnée d’abus de droit. En effet, sa demande de regroupement familial répondrait à des motivations économiques et non à une volonté d’instaurer une vie familiale. En outre, « Nathalie », touchant l’aide sociale, ne serait pas en mesure d’assurer l’entretien de son fils.

Contestant cette décision, sa mandataire dépose un recours au Tribunal cantonal vaudois le même mois. Elle explique que « Nathalie » a toujours travaillé, cumulant parfois plusieurs emplois et ne dépend que partiellement de l’aide sociale depuis janvier 2013, afin de compléter son salaire. De plus, elle rappelle qu’à l’exception de l’exigence de disposer d’un logement adéquat, l’ALCP ne prévoit aucune condition pour le regroupement familial avec son enfant jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de 21 ans. En effet, selon les directives relatives à l’application de l’ALCP (directives OLCP), les travailleurs ressortissants de l’UE ne perdent pas leur droit au regroupement familial en cas de dépendance à l’aide sociale. Elle rejette également l’accusation d’abus de droit arguant que « Nathalie » a toujours eu une relation très étroite avec son fils dont l’entretien est à sa charge exclusive et que les 17 ans de « Tidiane » ne sont pas exactement proches de la limite des 21 ans imposée par l’ALCP. Enfin, si l’âge limite pour demander le regroupement familial est fixé à 21 ans, c’est justement pour donner une possibilité aux enfants de terminer leurs études avant de rejoindre leurs parents. Ainsi, des moments d’éloignement entre parents et enfants sont envisagés par l’Accord. Par ailleurs, rien n’interdit aux parents séparés de prévoir un changement de garde au cours de la vie de l’enfant.

À l’heure où nous rédigeons, le recours est toujours pendant devant le Tribunal cantonal.

Signalé par : CSP – Vaud, octobre 2013

Sources : décision du SPOP (01.07.13), recours au Tribunal cantonal (29.07.13), courrier complémentaire adressé au Tribunal cantonal (28.08.13).

Cas relatifs

Cas individuel — 05/04/2017

Le SEM pose des conditions supplémentaires au regroupement familial selon l’ALCP

Le SEM pose des conditions supplémentaires à l’octroi d’un permis au titre du regroupement familial et prive ainsi une jeune femme du droit, prévu par l’ALCP, de rester avec sa mère, son frère et son beau-père en Suisse. Le TAF corrige le tir en octroyant le permis, reconnaissant que toutes les exigences légales sont remplies.
Cas individuel — 24/02/2017

Le regroupement familial d’un couple avec enfant est entravé sans justes motifs

Après son mariage au Portugal avec « Carina », ressortissante portugaise, « Edon », de nationalité kosovare, demande le regroupement familial pour rester avec son épouse et leur futur enfant en Suisse. En plus d’un délai de traitement de dossier excessivement long, le SPoMi lui octroie un permis de séjour soumis à des conditions non prévues par l’ALCP.
Cas individuel — 29/08/2011

Une mère seule en Bosnie ne peut pas rejoindre ses enfants en Suisse

« Iljana » vit seule en Bosnie, alors que toute sa famille vit en Suisse. Son fils étant Suisse, elle demande une autorisation de séjour par regroupement familial, qui lui est refusée car elle devrait selon la LEtr disposer d’un permis de séjour valable dans un pays de l’ALCP. Si son fils avait été un citoyen de l'UE vivant en Suisse, cette demande aurait été acceptée...
Cas individuel — 22/06/2011

Une mère somalienne seule et exilée
ne peut pas rejoindre ses filles suisses

« Jahara », exilée au Kenya suite à la guerre civile qui ravage la Somalie, souhaite venir vivre auprès de ses deux filles suisses, car ses conditions de vie, dans un camp de réfugiés, sont précaires (agressions, isolement). Mais, selon la loi, elle ne peut prétendre au regroupement familial et une demande de permis humanitaire est rejetée par l’ODM.