Un couple d’apatrides palestinien·nes se voit refuser à tort l’aide sociale
Arrivé·es en Suisse en décembre 2024 par le biais d’un regroupement familial avec leur fils (regroupement ALCP), Mona* et Skandar*, déposent auprès du SEM une demande de reconnaissance de leur statut d’apatrides. Leur demande est acceptée en août 2025. Dépourvu de toute source de revenus, Mona* et Skandar* demandent l’aide sociale, comme leur nouveau statut le leur permet, auprès du Service social Régional de Lausanne. Leur requête est rejetée, la personne en charge de leur dossier leur indiquant que les personnes apatrides n’auraient droit qu’à l’aide d’urgence. Skandar* et Mona* formulent un recours contre ce refus auprès de la DGCS, à la suite de quoi le CSR annonce qu’il annule sa décision de refus.
Personnes concernées (*Prénom fictif): Mona* et Skandar*
Origine: Palestine
Statut: Permis B (apatrides)
Chronologie
2024 : arrivée en Suisse et obtention de permis B (déc.)
2025 : demande de reconnaissance du statut d’apatride auprès du SEM (juin) ; décision positive du SEM (août) ; demande d’aide sociale, refus du CSR et recours auprès de la DGCS (sept.) ; annulation par le CSR de sa décision de refus (sept.) ; nouvelle décision positive du CSR (oct.)
Questions soulevées
- Le fait que des personnes doivent formuler un recours pour accéder à une prestation à laquelle elles ont droit – qui leur a été indûment refusée – ne questionne-t-il pas l’accès à un service qui se prétend accessible à tous·tes ? Quid de celles et ceux qui ne disposent pas d’un soutien juridique ?
- Alors que le canton prétend vouloir lutter contre le non-recours aux prestations, comment est-ce possible que les personnes en charge de ses offices – surtout celles ayant trait à des demandes de première nécessité – puissent ignorer le cadre légal et refuser l’accès aux prestations – alors même que les personnes démontrent les bases légales justifiant de leur droit ?
Description du cas
Skandar*, né en 1952 en Cisjordanie et Mona*, née en 1965 dans un camp de refugié.es palestinien.nes au Liban, arrivent en Suisse décembre 2024 grâce à une procédure de regroupement familial ALCP avec l’un de leurs fils qui possède la nationalité italienne. Lors de l’examen de leur demande de regroupement familial, la commune où résident leurs trois fils avaient demandé à ces derniers de signer une garantie de prise en charge de leurs parents.
En juin 2025, Mona* et Skandar* déposent une requête de reconnaissance de leur statut d’apatrides auprès du SEM. Leur demande est acceptée en août 2025, leur octroyant le statut d’apatrides.
En septembre 2025, après avoir été réorientés par le Centre social d’intégration des réfugié.e.s (CSIR) qui ne s’estimait pas compétent, le couple dépose une demande de revenu d’insertion auprès du Service social Régional (CSR) de Lausanne, ville où il réside. Lors de leur rendez-vous, iels sont accompagné·es par une proche qui travaille dans le domaine du droit. La personne du CSR en charge du dossier informe le couple que, selon les informations reçues de sa supérieure, les personnes reconnues apatrides n’ont droit qu’à l’aide d’urgence. Malgré les explications apportées par l’accompagnante sur le droit des apatrides aux prestations d’aide sociale, le CSR maintient son refus. Une décision écrite est demandée.
La semaine suivante, Mona* et Skandar* reçoivent une décision de refus formel par courrier postal. Dans ce document, le CSR explique que le refus repose sur le point 1.1.3.4 des normes RI, qui dresse la liste des personnes exclues de l’aide sociale.
Mona* et Skandar*, aidé·es d’une juriste du CSP Vaud, recourent contre cette décision auprès de la DGCS. Le couple rappelle qu’il séjourne en Suisse au bénéfice d’autorisations de séjour (permis B), et qu’il ne fait donc pas partie des personnes exclues de l’aide sociale qui figurent dans la liste exhaustive de l’article 2 LARA.
Concernant leur statut d’apatrides, Mona* et Skandar* soulignent également que la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) a rappelé que la Suisse a ratifié des conventions relatives au statut des apatrides en reconnaissant leur besoin d’être protégés. Elle a admis que, par conséquent, les apatrides peuvent prétendre à l’aide sociale sur les mêmes bases que les réfugié·e·s reconnu·e·s (CSIAS, Soutien des personnes dans le domaine de l’asile et des réfugiés, 2019, point 4.3). Le couple ajoute que le SEM confirme ce principe dans ses informations officielles sur l’apatridie. Enfin, Skandar* et Mona* rappellent que la Suisse a ratifié en 1972 la Convention relative au statut des apatrides, qui garantit aux apatrides le même traitement en matière d’assistance et de secours publics qu’aux nationaux suisses. Refuser le revenu d’insertion revient à bafouer directement ces engagements internationaux.
À la suite de ce recours, le CSR annule sa décision de refus, et reconvoque Mona* et Skandar* pour enregistrer leur demande d’aide sociale. Il aura fallu l’intervention de deux professionnelles et un recours à la DGCS pour qu’un couple sans aucune source de revenu puisse simplement enregistrer une demande de prestations sociale à laquelle la loi lui confère un droit. Finalement, le CSR admet son erreur et rend une décision positive d’octroi du revenu d’insertion en faveur du couple.
Sources : Lettre de refus du CSR, demande de statut d’apatride, décision positive de reconnaissance d’apatridie du SEM, recours contre la décision du CSR.