Sans l’aide d’un mandataire elle aurait dû quitter la Suisse
Arrivée en 2001, bien intégrée, mariée en 2005 après 3 ans de vie commune avec un ressortissant suisse, « Elsa » se voit refuser en 2010 la prolongation de son permis B, le couple ayant mis fin à leur vie commune. Pour elle, c’est la catastrophe. Ce n’est qu’après un an et demi de démarches juridiques que l’ODM reviendra sur sa décision.
Personne(s) concernée(s) : « Elsa », femme née en 1971
Statut : permis B par mariage -> renouvellement après recours
Résumé du cas
En 2001, « Elsa », artiste camerounaise, arrive en Suisse. En 2005, elle se marie avec un Suisse et obtient un permis de séjour par regroupement familial. En janvier 2009, le mari d’« Elsa » demande les mesures protectrices de l’union conjugale : les époux vivront séparés. Le même mois, « Elsa » demande le renouvellement de son permis de séjour. Selon l’article 50 al. 1 let. a LEtr, la prolongation de l’autorisation de séjour du conjoint étranger après dissolution de la famille est un droit si « l’union conjugale a duré au moins trois ans et l’intégration est réussie ». En février 2010, l’ODM conclut au refus de la prolongation du permis de séjour ainsi qu’au renvoi de Suisse, au motif que l’intégration d’« Elsa » n’est pas réussie, parce qu’elle aurait trompé les autorités par sa « fausse identité » à son arrivée en Suisse, qu’elle n’a pas de qualifications professionnelles particulières et qu’elle a deux enfants restés au pays. « Elsa » fait recours grâce à l’appui d’une œuvre d’entraide. Sa fausse identité était en réalité son nom de scène, elle a toujours travaillé en respectant les règles et valeurs de la société suisse, n’a jamais touché l’aide sociale et participe à l’entretien de ses enfants restés au pays qui sont bientôt majeurs. En considérant que son intégration n’est pas réussie, l’ODM exerce son pouvoir d’appréciation de manière arbitraire. Suite au recours, l’ODM revient finalement sur sa décision. « Elsa » reçoit son permis B, après avoir vécu près d’un an et demi dans l’incertitude. Sur les lenteurs de la procédure, l’ODM répondra aux critiques du mandataire en se contentant de dire « qu’à l’impossible, nul n’est tenu ».
Questions soulevées
Est-il normal de devoir faire recours pour que l’ODM applique correctement le droit fédéral ? Que se passe-t-il dans un tel cas lorsque la personne ne peut pas compter sur l’appui d’une œuvre d’entraide ?
N’est-il pas contestable que l’ODM mette huit mois pour se prononcer sur la continuation d’un séjour proposée par un canton après une séparation, alors que les conditions légales sont manifestement remplies ?
Chronologie
2001 : arrivée en Suisse (6 mai)
2005 : mariage avec un homme de nationalité suisse (28 janv.)
2009 : demande des mesures protectrices de l’union conjugale (8 janv.) ; demande de renouvellement du permis de séjour (15 janv.)
2010 : refus de l’autorisation de séjour par l’ODM (16 fév.) ; recours (18 mars)
nouvelle décision de l’ODM et annulation de la décision du 16 février (12 mai)
Description du cas
En mai 2001, « Elsa », artiste camerounaise, arrive en Suisse avec un visa et un passeport sous son nom de scène. Après avoir rétabli sa véritable identité, elle se marie en janvier 2005 avec un Suisse avec lequel elle vit depuis trois ans. Elle obtient un permis de séjour au titre du regroupement familial. En janvier 2009, le mari d’« Elsa » demande les mesures protectrices de l’union conjugale : les époux vivront séparés. Le 15 janvier 2009, « Elsa » se rend à l’OCP pour demander le renouvellement de son permis de séjour, mais l’Office refuse d’entrer en matière, au motif que l’époux d’« Elsa » vient de déposer une demande de séparation. Selon l’article 50 al. 1 let. a LEtr, la prolongation de l’autorisation de séjour du conjoint étranger après dissolution de la famille est un droit si « l’union conjugale a duré au moins trois ans et l’intégration est réussie ». Avec l’aide d’un mandataire, « Elsa » reprend la démarche en précisant que la séparation adviendra après sept ans de vie commune, dont quatre de mariage. L’OCP donne alors un préavis favorable et transmet le dossier à l’ODM.
En juin 2009, l’ODM annonce son intention de refuser la prolongation du permis au motif que l’intégration d’« Elsa » n’est pas réussie. Il considère comme un défaut d’intégration le fait qu’« Elsa » aurait trompé les autorités par une « fausse identité » à son arrivée en Suisse. De plus, elle ne disposerait pas de qualifications professionnelles particulières et a laissé deux enfants au Cameroun. Consternée par la position de l’ODM, « Elsa » envoie ses observations afin que l’Office modifie son appréciation. Le 11 février 2010, n’ayant reçu aucune nouvelle de l’ODM et parce que l’absence d’autorisation de séjour porte préjudice à « Elsa » dans de nombreux domaines, son mandataire adresse une mise en demeure à l’ODM de statuer dans ce dossier en se plaignant d’un déni de justice. L’ODM rend quatre jours plus tard une décision concluant au refus de la prolongation du permis de séjour ainsi qu’au renvoi de Suisse, pour les mêmes motifs que ceux invoqués en juin 2009.
« Elsa » fait recours contre cette décision. Concernant son intégration, le mandataire d’« Elsa » rappelle que selon l’article 4 de l’Ordonnance sur l’intégration des étrangers, est bien intégré celui qui, notamment, respecte l’ordre juridique suisse et participe à la vie économique. Or « Elsa » travaille depuis plusieurs années et n’a jamais bénéficié de l’aide sociale ni fait l’objet d’aucune plainte. Son intégration doit donc être considérée comme réussie. En avançant le contraire, l’ODM exerce son pouvoir d’appréciation de manière arbitraire. De plus, suite à son mariage, « Elsa » a renoncé à sa vie dans son pays d’origine. Elle assure toutefois à distance l’entretien de ses deux enfants bientôt majeurs, et un tel soutien serait difficile si elle ne pouvait compter que sur de modestes revenus d’artiste au Cameroun. De plus, les époux éprouvent toujours des sentiments amoureux l’un envers l’autre et envisagent de reprendre la vie commune. Un renvoi au Cameroun mettrait donc injustement un terme à leur mariage. Par ailleurs, le mandataire relève qu’après cinq ans de mariage écoulés, « Elsa » a aujourd’hui droit à une autorisation d’établissement conformément à l’article 42 al. 3 LEtr. Sur la question de son arrivée en Suisse sous un nom d’artiste, le recours souligne que ces faits sont antérieurs au mariage et ne doivent pas être pris en compte dans l’appréciation de l’intégration.
Suite au recours, l’ODM revient sur sa décision, admettant qu’« Elsa » a effectivement une situation professionnelle stable et qu’elle est bien intégrée, et constatant que ses deux enfants restés au Cameroun ont atteint leur majorité. L’ODM justifie les huit mois d’attente comme un délai raisonnable en soulignant « qu’à l’impossible nul n’est tenu ». En raison de la dissolution de la famille, « Elsa » ne peut plus se prévaloir d’un droit à l’obtention d’un permis C. Son mandataire en fait alors la demande en application de l’article 34 al. 4 LEtr. En attendant, « Elsa » a reçu son permis B… après avoir vécu un an et demi dans une incertitude extrêmement déstabilisante.
Signalé par : Centre social protestant (Genève), mai 2010
Sources : décision de l’ODM (16.2.10) ; recours au TAF (18.3.10) ; nouvelle décision de l’ODM (12.5.10) ; décision de radiation du TAF (19.5.10) ; informations complémentaires reçues du mandataire