Perd-on sa famille à la majorité ?

"Yllka" a grandi avec sa belle-mère et ses demi-frères et sœurs. Tous rejoignent le père de famille, titulaire d’un permis C, qui demande le regroupement familial. Le permis n’est refusé qu’à "Yllka", majeure, qui est sensée retourner seule au Kosovo.

Personne(s) concernée(s) : « Yllka », femme, née en 1978 (son père, sa belle-mère et ses cinq demi-frères et sœurs sont tous titulaires du permis C)

Statut : aucun (refus de permis humanitaire après l’échec d’une demande de regroupement familial)

Résumé du cas

Un père de famille, d’origine kosovare, vit et travaille en Suisse depuis 1987. Quand le conflit armé éclate au Kosovo, il fait venir sa famille en faisant valoir son droit au regroupement familial. Sa femme et ses cinq enfants obtiennent une autorisation de séjour, mais pas sa fille aînée d’un premier mariage, « Yllka », qui vit pourtant et a grandi au sein de ce noyau familial quasiment depuis sa naissance, et qui a atteint sa majorité depuis peu. Le DFJP refuse la demande de regroupement familial et suggère à « Yllka » de faire une demande de permis B étudiant. Après avoir vécu six ans à Genève au bénéfice de ce permis et réussi son intégration avec l’aide de toute sa famille, une nouvelle demande de permis humanitaire est faite avec l’appui du canton. Mais l’ODM réitère sa volonté de renvoyer la jeune femme au Kosovo, où elle n’a plus ni famille, ni proche, ni aucune attache d’aucun type, et où la situation socio-économique lui rend impossible toute perspective d’avenir, voire la met en danger en raison de sa condition de jeune femme seule.

Questions soulevées

 Rentrer dans un pays dans lequel on n’a plus de parenté, dans lequel il n’y aucune perspective d’avenir, dans lequel on est socialement fragilisée du fait même d’être une jeune femme célibataire, n’est-ce pas une situation de détresse personnelle ?

 Pourquoi la solution temporaire du permis étudiant ne débouche-t-elle pas sur une appréciation positive, compte tenu des années d’intégration vécues dans l’intervalle et de ses attaches avec la Suisse ?

Chronologie

1987 : Arrivée du père en Suisse, qui obtient le permis C en 1997

1998 : Regroupement familial pour son épouse et leurs cinq enfants, mais pas pour « Yllka »

1999 : 12 mars : Recours contre la décision de l’OFE auprès du TF

2000 : 3 mars : Observations du DFJP qui défend OFE, suggestion faite à « Yllka » de faire une demande de permis B étudiant

2000 : 29 mai : TF refuse l’octroi d’un permis humanitaire

2000 : Obtention d’un permis B étudiant

2005 : Arrivée à échéance du permis étudiant, demande de permis humanitaire

2006 : 22 février : Refus de l’ODM à Berne

2006 : 23 mars : Recours contre la décision de l’ODM auprès du DFJP (transféré désormais au TAF)

Cas en suspens devant le TAF au moment de la rédaction de la fiche.

Description du cas

En 1987, un père de famille kosovar immigre en Suisse. Il travaille dans une agence de voyage et jouit d’une bonne situation. Sa fille aînée, « Yllka », qu’il a eue d’un premier mariage, sa femme et ses cinq enfants vivent au Kosovo dans le même foyer.

En 1999, la guerre éclate au Kosovo. L’homme fait venir sa femme et ses six enfants. Invoquant le regroupement familial, sa femme et cinq de ses enfants obtiennent le permis C, mais pas « Yllka », car elle est déjà majeure. Le DFJP ne prend pas en compte la réalité économique et culturelle du Kosovo qui mettent concrètement en danger la vie ou du moins la liberté de la jeune femme. Il suggère néanmoins à « Yllka » de faire une demande de permis B étudiant pour pouvoir rester en Suisse. « Yllka » est alors âgée de 21 ans, a été éduquée par sa belle-mère et a toujours vécu avec ses cinq frères et sœurs. Les autorités suisses veulent donc la renvoyer seule au Kosovo moins d’un an après la guerre.

L’affaire est portée jusqu’au TF, qui confirme l’avis du DFJP. « Yllka » obtient néanmoins un permis B étudiante de 2001 à 2005, et reste ainsi en Suisse auprès de sa famille. Un tel permis implique normalement une formation effective et la garantie d’un départ de Suisse à l’achèvement des études. Elle étudie le français qu’elle parle désormais parfaitement et travaille pour gagner son argent de poche. Elle est totalement indépendante des aides sociales.

En 2005, son permis arrive à échéance. Après six années passées en Suisse, l’hypothèse d’un retour lui est encore plus insupportable. Outre les faits que tous les membres de sa famille sont à Genève et qu’elle n’a toujours plus aucun proche ni contact au Kosovo, elle s’est depuis fortement intégrée dans ce pays. Elle demande donc à nouveau un permis B humanitaire invoquant une situation de détresse personnelle. Malgré un préavis favorable du canton de Genève, L’ODM rejette sa demande et décide de la renvoyer au Kosovo. L’ODM arrive à la conclusion que la situation de cette jeune femme ne la distingue en rien de ses concitoyens confrontés aux mêmes réalités dans son pays d’origine. Un recours contre cette décision est actuellement pendant devant le TAF.

Signalé par : Syndicat SIT (Genève), 19.02.07

Sources : Recours (contre le DFJP, contre l’ODM), décisions (de l’OCP, de l’OFE, de l’ODM) , arrêt du TF, copie du permis B étudiant, demandes de regroupement familial, etc.

Cas relatifs

Cas individuel — 11/04/2016

Un père séparé de ses enfants après onze ans passés en Suisse

Père de deux garçons âgés de 7 et 9 ans, « Amosa » est en Suisse depuis onze ans. Les autorités ordonnent son renvoi sans prendre en considération l’intérêt supérieur de ses enfants avec qui il entretient une relation étroite.
Cas individuel — 19/01/2016

Refus de régularisation pour un ado de 17 ans qui ne connaît que la Suisse

« Toni », 17 ans, est né et a toujours vécu en Suisse avec sa mère « Elena » et y a accompli toute sa scolarité. La demande d’asile de sa famille avait été rejetée en 1998. En dépit de l’absence de liens avec la Macédoine, son pays d’origine qu’il connaît à peine, on refuse de régulariser leur séjour, notamment en raison de la situation financière d’« Elena ».
Cas individuel — 24/08/2009

L’accueil d’une fillette mettrait en péril notre politique des étrangers

À la mort de sa tutrice, "Malika", jeune pupille de l’Etat algérien, est confiée à "Karim", un compatriote installé à Genève et naturalisé suisse, qui finançait son éducation. Mais les autorités suisses refusent d'accorder une autorisation d'entrée et de séjour à "Malika".
Cas individuel — 11/06/2007

L'autorité la prive de son père pour pouvoir expulser sa mère

"Meliane", 2 ans, risque de devoir partir avec sa mère en Côte d’Ivoire, malgré les liens affectifs étroits noués avec son père suisse. L’ODM refuse en effet un permis humanitaire à sa mère. Pourtant "Meliane" est aujourd’hui suissesse.