Malgré l’impossibilité du renvoi, une famille passe 4 ans à l’aide d’urgence

Menacé en Palestine, « Issam » prend la fuite avec sa femme « Samra ». La Suisse leur refuse l’asile en 2003, décision confirmée sur recours en 2009. L’ODM, informé dès 2009 que le retour en Cisjordanie est rendu impossible par les accords d’Oslo, ne statue sur leur demande de réexamen qu’en avril 2014, malgré les graves problèmes psychiques de « Samra ». En attendant, le couple et ses 3 enfants seront restés 4 ans à l’aide d’urgence.

Personne(s) concernée(s) : « Issam », né en 1970, « Samra », née en 1978 et leurs trois enfants, nés en 2004 (jumeaux) et en 2008

Statut : demande d’asile rejetée -> admission provisoire après réexamen

Résumé du cas

Soupçonné par l’Autorité Palestinienne de collaboration avec Israël pour avoir travaillé dans un kibboutz, « Issam » fuit la Cisjordanie avec sa femme « Samra » et demande l’asile en Suisse. Leur demande est rejetée en 2003, une décision confirmée sur recours quatre ans plus tard. En attendant, « Issam » travaille dans l’agriculture et le nettoyage. Il est embauché en 2004 comme vendeur dans un magasin de meubles et tapis à Sion. Mais lorsque l’entreprise déménage dans le canton de Vaud puis à Genève, les autorités de ces cantons lui refusent toute autorisation de travail. « Samra » donne naissance à deux jumeaux en 2004 et à une petite fille en 2008. En 2009 le TAF refuse l’asile à la famille et confirme le renvoi, malgré les certificats médicaux attestant de la fragilité psychique de « Samra » – qui a débouché en 2006 sur une brève hospitalisation – et de son besoin de suivi psychiatrique. Le Tribunal affirme, sans citer ses sources, que des soins adéquats sont disponibles en Cisjordanie. Privée d’autorisation de travail, la famille se retrouve à l’aide d’urgence. En septembre 2009 la Délégation générale de Palestine à Berne remet à « Issam » une attestation indiquant que selon les accords d’Oslo, les réfugiés palestiniens et ceux vivant dans la diaspora ne peuvent pas retourner dans les territoires palestiniens. La mandataire adresse alors à l’ODM une demande de reconsidération vu l’impossibilité d’exécuter le renvoi. Mais l’Office reste silencieux pendant 4 ans et demi, tandis que la famille vit à l’aide d’urgence. En 2013, « Issam » est enfin autorisé à reprendre un emploi. En 2014, l’ODM leur accorde une admission provisoire.

Questions soulevées

• Comment l’ODM peut-il laisser passer plus de 4 ans sans se prononcer sur la demande de reconsidération de sa décision de renvoi, manifestement impossible en vertu des accords d’Oslo, alors qu’une famille, dont des enfants en bas âge, vit à l’aide d’urgence dans l’attente?

• Comment le TAF peut-il affirmer – sans citer ses sources – que des soins psychiatriques adéquats sont disponibles en Cisjordanie, contrairement à l’avis du médecin?

Chronologie

2001 : « Issam » et « Samra » déposent leur demande d’asile en Suisse (mai)

2003 : la demande d’asile est rejetée (juin) ; recours à la CRA (juil.)

2004 : « Issam » est embauché à Sion ; naissance des jumeaux (août)

2005 : l’entreprise où travaille « Issam » déménage à Lausanne, l’Office de l’emploi vaudois lui refuse une autorisation de travail

2008 : naissance du 3e enfant (avr.)

2009 : le TAF rejette le recours (juin) et la famille se retrouve à l’aide d’urgence ; demande de reconsidération de la décision de renvoi auprès de l’ODM (sept.)

2013 : « Issam » est à nouveau autorisé à travailler et retrouve un emploi (avr.)

2014 : la famille reçoit une admission provisoire (avr.)

Description du cas

Originaire de Cisjordanie, « Issam » travaille comme informaticien au Département de l’aviation civile à Jéricho. Pendant les périodes de couvre-feu, lorsqu’il ne peut se rendre sur place, il travaille dans des champs exploités par un kibboutz. Pour cette raison, il est soupçonné de collaborer avec Israël, de même que trois jeunes Palestiniens qui sont abattus par les autorités palestiniennes. Il décide alors de fuir avec sa femme « Samra ». Ils arrivent en Suisse en mai 2001 et y déposent une demande d’asile. En juin 2003, leur demande est rejetée par l’ancien ODR, qui allègue des invraisemblances dans leur récit. « Issam » et « Samra » font alors recours auprès de la CRA.

Entre-temps, « Issam » travaille comme ouvrier agricole et comme aide de bureau-nettoyage. En 2004, il est embauché en tant que vendeur de meubles et tapis par un magasin de Sion. Mais l’entreprise ferme ses portes en 2005 pour concentrer ses activités sur le canton de Vaud. Malgré les démarches entreprises pour que « Issam » puisse être embauché dans le magasin de Lausanne, l’Office de l’emploi du canton de Vaud lui refuse une dérogation : en effet, un requérant d’asile ne peut en principe pas travailler en dehors de son canton d’attribution. « Issam » se retrouve donc sans emploi. En mars 2009, son ancien employeur reprend contact avec lui en lui proposant de l’embaucher dans son magasin de Genève. Mais là aussi, l’autorisation de travail est refusée par les autorités cantonales, malgré les courriers insistants de l’employeur.

En juin 2009, le TAF – l’autorité de recours remplaçant la CRA – confirme le rejet de la demande d’asile d’« Issam » et « Samra », et prononce leur renvoi ainsi que celui de leurs trois enfants nés en 2004 et 2008, malgré les certificats médicaux soulignant qu’un retour en Cisjordanie n’est pas envisageable puisque « Samra » a besoin d’un suivi psychiatrique régulier, inaccessible dans son pays. En effet, la santé psychique de « Samra » s’est fragilisée progressivement, à cause de la situation de précarité vécue par la famille, d’une grossesse difficile et des nouvelles de la guerre au Proche-Orient. En 2006, elle est hospitalisée à la suite de menaces de suicide. Le TAF affirme, sans citer ses sources, que des soins psychiatriques adéquats sont disponibles en Cisjordanie. Dès ce moment, « Issam » et « Samra » perdent l’autorisation de travailler et la possibilité de bénéficier de l’aide sociale, et se retrouvent ainsi à l’aide d’urgence (environ 1000 francs par mois pour toute la famille).

Sommé par les autorités d’effectuer les démarches nécessaires au rapatriement de la famille, « Issam » se rend auprès de la Délégation générale de Palestine à Berne pour lui faire part de sa situation. Cette dernière lui remet une attestation indiquant que selon les accords d’Oslo, les réfugiés palestiniens et ceux vivant dans la diaspora ne sont pas en mesure de retourner dans les territoires de l’Autorité Palestinienne. Sur cette base, en septembre 2009, la mandataire demande à l’ODM de réexaminer la décision de renvoi. Mais les autorités restent silencieuses pendant quatre ans, durant lesquels la famille est contrainte de vivre de l’aide d’urgence. Ce n’est qu’en 2013 qu’« Issam » est autorisé à reprendre un emploi. Depuis avril 2013, il travaille dans un magasin de meubles et est à nouveau financièrement indépendant. En avril 2014, après 13 ans de séjour en Suisse, une admission provisoire est accordée par l’ODM, notamment en raison de la durée du séjour des enfants.

Signalé par : Centre Suisse-Immigrés Valais – avril 2014

Sources : courriers de la mandataire (28.09.2009, 30.05.2012, 02.09.2013), attestation de la Délégation générale de Palestine à Berne (01.09.2009), arrêt du TAF (22.06.2009), demandes d’autorisation de travail (08.02.2005, 07.05.2009, 19.06.2009).

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