Un couple avec enfant doit se battre pour se voir reconnaître son droit au mariage et au regroupement familial

Kayden* est originaire d’Angola et arrive en Suisse à l’âge de 5 ans. Jusqu’en 2015, il bénéficie d’un permis B, qu’il perd en 2016 suite à plusieurs infractions pénales. Kayden* a un fils né en 2014. Il se met en ménage avec Valérie, ressortissante suisse. En 2021, Valérie* est enceinte et le couple fait une demande d’autorisation de séjour pour Kayden* en vue de leur mariage, mais le Service de la population du canton de Fribourg (SPoMI) refuse la demande et prononce le renvoi de Suisse. La décision est motivée par le fait que Kayden* a transgressé à plusieurs reprises la loi, que son intégration économique serait un échec et que sa relation avec son fils se limiterait à l’exercice d’un droit de visite. Kayden* dépose un recours contre cette décision au près du Tribunal cantonal (TC). Le couple devra attendre jusqu’en octobre 2022 pour que le TC admette le recours de Kayden*. Le TC reconnait que rien ne permet de douter des intentions matrimoniales des fiancé·es et qu’un renvoi en Angola priverait les enfants du lien avec leur père. Il considère en outre qu’il serait disproportionné d’exiger le retour du recourant en Angola, pays qu’il a quitté à l’âge de cinq ans et qu’il ne connait pas, pour revenir en Suisse une fois le mariage conclu. Le TC annule donc la décision du SPoMI et l’invite à délivrer à Kayden* une autorisation de séjour en vue du mariage.

Personne concernée (*Prénom fictif): Kayden* et Valérie*

Origine : Angola

Statut : permis B

Chronologie

1998 : arrivée en Suisse
2000 : obtention du permis F
2003 : obtention du permis B
2016 : refus de renouvellement de l’autorisation de séjour
2021 : demande d’autorisation de séjour, refus (août), recours auprès du Tribunal cantonal (sept.)
2022 : recours admis par le Tribunal cantonal (oct.)

Questions soulevées

  • Est-il normal qu’un jeune couple doive effectuer une procédure judiciaire pour se voir reconnaître le droit au mariage et au regroupement familial ?
  • Les intérêts des deux enfants de Kayden* ne devraient-ils pas se trouver au cœur de la réflexion du Service de la population ? À cet égard, comment est-possible d’ignorer l’intérêt d’un enfant à naitre à vivre avec ses deux parents sous prétexte que, n’étant pas encore né, il n’a pas pu établir de lien avec son père ?
  • N’est-il pas disproportionné de reprocher durablement des événements passés privant ainsi Kayden* de ses droits fondamentaux?

Description du cas

Kayden* est originaire d’Angola et arrive en Suisse en 1998, à l’âge de 5 ans, pour y rejoindre ses parents. En 2000, la famille obtient une admission provisoire (permis F) puis, dès 2003, une autorisation de séjour (permis B) régulièrement renouvelée jusqu’en 2015. Cette année-là, Kayden* reconnait son fils né en 2014, pour lequel il obtient un droit de visite.

En 2016, Kayden* se voit refuser le renouvellement de son permis en raison de plusieurs condamnations pénales. En 2018, il est à nouveau condamné pour infractions à la LStup et à la LEI. La même année, il se met en ménage avec Valérie*, ressortissante suisse qu’il a rencontrée sur les bancs de l’école et dont la relation a débuté deux ans plus tôt.

En 2021, Kayden* dépose une demande d’autorisation de séjour en vue de son mariage avec Valérie* ainsi qu’une demande d’autorisation de séjour au titre du regroupement familial une fois le mariage conclu. Les auditions du couple par les autorités établissent un amour sincère et attestent de leur vie commune depuis 2018. Le couple annonce la grossesse de Valérie*.

En mars 2021, le Service de la population du canton de Fribourg (SPoMI) annonce néanmoins son intention de refuser la demande et de prononcer le renvoi de Suisse de Kayden*, au motif que celui-ci a transgressé à plusieurs reprises la loi, que son intégration économique serait un échec et que sa relation avec son fils se limiterait à l’exercice d’un droit de visite. La relation avec l’enfant à naître n’est pas prise en compte, bien que Kayden* ait produit une attestation de reconnaissance de paternité et une déclaration d’attribution de l’autorité parentale conjointe. Le refus du SPoMI est confirmé en août.

En septembre 2021, Kayden*, appuyé par son mandataire, dépose un recours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal (TC), soulignant que Valérie* dispose d’un revenu permettant d’assumer les charges financières de la famille et d’un logement suffisamment grand. Le mandataire reproche au SPoMI de ne pas avoir établi de pesée des intérêts en tenant compte du temps écoulé depuis les infractions commises. Il rappelle que ni l’endettement ni les soucis financiers de Kayden* ne peuvent justifier seuls le refus de la demande de mariage. Enfin, le mandataire revient sur l’intérêt supérieur de l’enfant à naître, qui n’a pas été évoqué, ainsi que celui du fils de Kayden*. Pour celui-ci, il est rappelé que la Justice de paix a reconnu une amélioration des relations entre le recourant et la mère, un bon déroulement du droit de visite et des progrès comportementaux du garçon, et a ainsi décidé de remplacer les mesures de curatelles par une surveillance judiciaire. Ainsi, la distance entre les lieux de résidence des parents doit donc être évaluée dans la décision, de même que le coût et les moyens de transport possibles : avec un renvoi, le droit de visite sera impossible à pratiquer. Le mandataire invoque ainsi une violation des art. 8 et art. 12 CEDH. En novembre, l’acte de naissance de la fille de Kayden* est transmis au TC. Le couple doit encore attendre près d’un an, soit jusqu’en octobre 2022, pour que le TC admette le recours de Kayden*. Le TC reconnait qu’aucun élément concret ne permet de douter des véritables intentions matrimoniales des fiancé∙es. Il met l’accent sur le repentir de Kayden* vis-à-vis de son passé pénal, soulignant qu’à la suite de la perte de son permis il n’a plus été condamné (excepté pour infraction à la LEI), qu’il a amélioré son comportement et se montre un père responsable. Enfin, le TC admet qu’il y a lieu de tenir compte de l’intérêt supérieur de ses enfants : en cas de renvoi en Angola l’exercice d’un droit de visite ne pourra que très difficilement être mis en œuvre. Le TC reconnait enfin qu’il serait disproportionné d’exiger le retour du jeune homme en Angola, pays qu’il a quitté à l’âge de cinq ans et qu’il ne connait pas, pour revenir en Suisse une fois le mariage conclu. Le TC annule donc la décision du SPoMI et l’invite à délivrer à Kayden* une autorisation de séjour en vue du mariage.

Signalé par : CCSI Fribourg

Source : Décision du Tribunal cantonal (601 2021 140)

Cas relatifs

Cas individuel — 13/02/2024

Décès d’un jeune demandeur d’asile: la responsabilité directe des autorités suisses

Cas 459 / 13.02.2024 Alam* arrive en Suisse à 17 ans et demande l’asile après avoir vécu des violences en Grèce où il a reçu protection. Les autorités suisses prononcent une non-entrée en matière et son renvoi, malgré des rapports médicaux attestant de la vulnérabilité d’Alam*. Celui-ci met fin à ses jours à la suite du rejet de son recours par le TAF.
Cas individuel — 21/06/2023

Une famille afghane NEM était tiers sûr vers la Grèce obtient néanmoins une admission provisoire

Zoya* et Yanis* bataillent 16 mois contre une non-entrée en matière était tiers sûr Grèce, alors que la famille connait de nombreux problèmes de santé psychologique et des violences conjugales. Finalement, le SEM leur délivre une admission provisoire.
Cas individuel — 27/05/2016

Un père arraché à son épouse enceinte et ses enfants

« Awat » habitait à Genève avec son épouse « Mariame » enceinte de trois mois, et leurs deux filles, « Melete » et « Awatif ». Enfin réunie après un long périple et un exil forcé, cette famille se voit à nouveau séparée, cette fois par les autorités suisses : le père est renvoyé en Italie. Le Tribunal ne retient ni son droit à la vie familiale, ni l’intérêt supérieur de ses enfants à grandir auprès de leur père.