L’ODM refuse qu’un père travailleur sans statut
reste auprès de son fils

« Alvaro » est un travailleur sans statut qui a vécu 11 ans en Suisse et dont la demande de permis humanitaire a été rejetée. L’ODM refuse de réexaminer sa situation, malgré le fait qu’il ait obtenu l’autorité parentale conjointe sur son fils (permis B) auquel il est fortement attaché.

Mise à jour

Post scriptum: la situation d'« Alvaro » a finalement pu être régularisée!
Suite à la décision du TAF, l’ODM a finalement tenu compte de l’attribution de l’autorité parentale conjointe. Un certificat médical soulignait de surcroît qu’ « Alvaro » « joue un rôle tout à fait significatif dans la vie de son fils. Sur un plan psychologique et affectif il participe à l’éducation de son enfant avec un effet très positif sur son émancipation et son autonomisation. ». Le 25 août 2010, l’ODM a octroyé à « Alvaro » un permis B humanitaire.

Personne(s) concernée(s) : « Alvaro », homme né en 1972 et son fils né en 1998

Statut : sans-papiers -> demande de permis B humanitaire

Résumé du cas

« Alvaro » arrive en Suisse en 1999 avec sa compagne et leur fils. Sans statut de séjour, il travaille dans la construction. En 2002, le couple se sépare, la compagne d’« Alvaro » ayant décidé de faire sa vie avec un autre homme. Malgré cette séparation, « Alvaro » poursuit une réelle et intense relation affective avec son enfant qu’il rencontre régulièrement et à l’entretien duquel il contribue largement. En 2005, « Alvaro » dépose une demande de régularisation de ses conditions de séjour – il vit alors depuis bientôt 6 ans en Suisse. L’OCP se montre favorable à l’octroi de cette autorisation, mais l’ODM puis le TAF la refusent, arguant principalement qu’ « Alvaro » ne se trouverait pas dans une situation d’extrême gravité en cas de retour dans son pays d’origine et que l’importance de la relation avec son fils doit être relativisée. En mai 2008, toujours sous la menace d’un renvoi, « Alvaro » demande le réexamen de sa situation. Quelques mois plus tard, le Tribunal tutélaire de Genève attribue l’autorité parentale conjointe aux deux parents, en se basant notamment sur un rapport du Service de la protection des mineurs qui souligne qu’ « Alvaro » est « très investi dans la vie de son fils« . En 2009, l’ODM refuse pourtant d’entrer en matière sur la demande de réexamen, au motif qu’aucun fait nouveau ne le justifie. Bien qu’informé de la décision du Tribunal tutélaire et de plusieurs rapports de spécialistes qui attestent d’une relation affective étroite entre « Alvaro » et son fils, l’ODM va maintenir sa position. Le 3 février 2010, le TAF estime que l’attribution de l’autorité parentale conjointe constitue un fait nouveau et tranche en faveur d’ « Alvaro ». Le TAF ordonne à l’ODM de reprendre l’examen du cas en tenant compte de tous les éléments.

Questions soulevées

 La Convention relative aux droits de l’enfant (art. 3 et 7 CDE) prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et que l’enfant a le droit d’être élevé par ses deux parents. Le droit international est-il inconnu de l’ODM ?

 Peut-on admettre que l’ODM rende sa décision en laissant de côté des éléments aussi importants que les appréciations rendues par les services sociaux spécialisés dans le domaine de l’enfance ?

Chronologie

1999 : arrivée en Suisse d’ « Alvaro », de sa compagne et de leur fils né en 1998

2002 : séparation des parents (avec maintien de relations étroites entre « Alvaro » et son fils)

2005 : demande de permis B humanitaire (28 février) ; obtention du droit de visite sur son fils (25 octobre)

2006 : refus de l’autorisation de séjour par l’ODM (13 mars) ; recours (1er mai)

2007 : rejet du recours par le TAF (2 novembre)

2008 : demande de réexamen (5 mai) ; attribution de l’autorité parentale conjointe aux deux parents (22 sept.)

2009 : décision de non-entrée en matière sur la demande de réexamen (17 avril) ; recours (14 mai)

2010 : arrêt du TAF : le recours est admis ; la décision de l’ODM est cassée (3 février)

Description du cas

« Alvaro » arrive en Suisse en 1999 avec sa compagne et leur fils. Sans statut de séjour, il travaille dans la construction. En 2002, le couple se sépare, la compagne d’« Alvaro » ayant décidé de faire sa vie avec un autre homme. Malgré cette séparation, « Alvaro » poursuit une réelle et intense relation affective avec son enfant qu’il rencontre régulièrement et à l’entretien duquel il contribue largement. Il recourt rapidement aux services de Protection de la Jeunesse afin d’organiser son droit de visite. Son fils est mis au bénéfice d’une autorisation de séjour (permis B) compte tenu de l’union de sa mère avec un citoyen suisse. Avec les années, « Alvaro » s’intègre à la vie sociale et professionnelle genevoise, notamment en suivant des cours de français auprès de l’Université populaire de Genève.

En 2005, soucieux de régulariser sa situation et de pérenniser la relation affective qui l’attache à son fils, « Alvaro » dépose une demande de permis B humanitaire. L’OCP se montre favorable, mais l’ODM puis le TAF refusent, arguant principalement qu’ « Alvaro » ne se trouverait pas dans une situation d’extrême gravité en cas de retour dans son pays d’origine et que l’importance de la relation avec son fils doit être relativisée. « Alvaro » et son fils ne font pas ménage commun, ce qui paraît pourtant normal vu que son ex-compagne a la garde de leur enfant. L’ODM en déduit à tort que le lien qui unit le père à son fils ne mériterait pas le même degré de protection et que le droit de visite pourrait, sans difficultés majeures, être exercé depuis le pays d’origine du père (c’est-à-dire depuis le Pérou – qu’ « Alvaro » a quitté en 1990 déjà). Mais il existe deux empêchements majeurs, qui seront, en autres arguments, mis en avant dans un recours : la distance géographique et l’impossibilité de verser la pension alimentaire vu les écarts de salaire entre le Pérou et la Suisse. Le 2 novembre 2007, le TAF reconnaît ces difficultés mais rejette tout de même le recours.

En mai 2008, toujours sous la menace d’un renvoi, « Alvaro » demande le réexamen de sa situation en apportant de nouveaux éléments: en effet, son fils montre des difficultés psychologiques relationnelles et communicationnelles. Il nécessite donc une psychothérapie intensive et le maintien du cadre familial actuel, dont « Alvaro » est une composante essentielle au vu de son rôle stabilisateur. En juillet 2008, le Service de la protection des mineurs (SPM) établit un rapport détaillé duquel il ressort que le départ d’ « Alvaro » mettrait en péril tous les progrès d’intégration et l’équilibre de l’enfant. Par ailleurs, quelques mois plus tard, le Tribunal tutélaire de Genève attribue l’autorité parentale conjointe aux deux parents.

En 2009, l’ODM refuse d’entrer en matière sur la demande de réexamen, au motif qu’aucun fait nouveau ne le justifie. « Alvaro » fait recours contre cette décision. Malgré la décision du Tribunal tutélaire et des rapports de professionnels de la santé et de l’enfance précités, l’ODM maintient sa position. Le 3 février 2010, le TAF estime par contre que l’attribution de l’autorité parentale conjointe constitue un élément nouveau justifiant le réexamen et reprend les conclusions d’un rapport du SPM selon lequel il est important, pour le bien de l’enfant, de consolider la relation entre « Alvaro » et son fils. Le TAF casse donc la décision de l’ODM, parce que celui-ci a refusé à tort d’entrer en matière sur les éléments présentés par « Alvaro ». Une nouvelle décision devra donc être prise sur sa demande de réexamen.

Signalé par : Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (Genève), février 2010

Sources : décision de l’ODM (13.3.06) ; recours (1.5.06) ; arrêt du TAF C-336/2006 (2.11.07) ; demande de réexamen (5.5.08) ; ordonnance du Tribunal tutélaire (22.9.08) ; décision de l’ODM de non-entrée en matière (17.4.09) ; recours (14.5.09) ; arrêt du TAF C-3164/2009 (3.2.10)

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