L’ODM lui retire sa nationalité, car il estime que ses 8 ans de mariage étaient bidons

En 2006, après six ans de mariage avec une suissesse, « Abdel », originaire du Maroc, obtient la naturalisation facilitée. En 2008, après huit ans de mariage le couple divorce, ce qui conduit l’ODM à annuler, en 2010, la naturalisation d’« Abdel », car il le soupçonne d’avoir fraudé.

Mise à jour

Le 27 septembre 2011, le TAF a rejeté le recours. Il a estimé que la séparation était intervenue dans un court laps de temps (deux ans) après la naturalisation facilitée, ce qui permettait de présumer qu’Abdel avait menti sur son union conjugale au moment de sa naturalisation. Pour le TAF, cette présomption est renforcée par l’absence d’enfants, les divergences d’opinions politico-religieuses et la différence d’âge entre les époux. Abdel a recouru contre cette décision auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier a reconnu que certains arguments du TAF, notamment celui de la différence d’âge, n’étaient pas fondés. Il a toutefois confirmé la décision négative dans un arrêt daté du 22 décembre 2011. Il a estimé qu’aucun des arguments apportés par Abdel ne permettait de contredire la présomption d’obtention frauduleuse de la nationalité et que l’annulation de cette dernière était donc légitime.

Personne(s) concernée(s) : « Abdel », homme né en 1968

Statut : naturalisation par mariage annulation après divorce

Résumé du cas

En 1998, « Abdel », d’origine marocaine, fait la connaissance de sa future femme, une suissesse qu’il épouse deux ans plus tard. En 2006, « Abdel » obtient sa naturalisation facilitée, conformément à l’art. 27 LN. En 2008, soit après dix ans de vie de couple, « Abdel » et son épouse décident conjointement de divorcer. Le divorce est prononcé fin 2008, mais l’ancien couple continue de vivre ensemble jusqu’à ce qu’il trouve des appartements séparés en 2009. Cette même année, les autorités fribourgeoises dénoncent la possibilité d’un abus. Selon elles, le divorce serait, en effet, intervenu trop rapidement à la suite de la naturalisation. De plus, le couple n’a pas eu d’enfants et la différence d’âge de onze ans entre « Abdel » et son ex-épouse serait significative. En 2010, deux ans après le divorce et suite à la dénonciation cantonale, l’ODM entame, selon l’art. 41 LN, une procédure d’annulation de la naturalisation facilitée d’« Abdel ». L’ancien couple subit alors des interrogatoires qui passent au crible leur vie intime à travers de nombreuses questions inquisitoriales. Les deux anciens partenaires n’en réaffirment pas moins tous deux la réalité et la qualité de leur vie de couple, même si, après dix ans de relation, une certaine usure les a conduit à se séparer. L’ex-épouse témoigne : « ce n’est en aucun cas un mariage blanc. Nous avons vécu ensemble heureux, comme tout le monde (…) nous avons décidé d’un commun accord de divorcer ». En novembre 2010, malgré les récits concordants de l’ancien couple sur leur vie commune, puis sur les raisons de leur divorce, l’ODM estime que leur relation matrimoniale n’était pas effective au moment de la demande de la naturalisation facilitée d’ « Abdel » et décide de l’annuler. En décembre 2010, un recours devant le TAF est déposé pour démontrer que les conditions de l’art. 41 LN ne sont pas remplies.

Questions soulevées

Aucun fait concret n’a conduit à mettre en question la sincérité de ce mariage avant la naturalisation. Est-il normal que le divorce, qui concerne aujourd’hui un couple sur deux en Suisse, se traduise, dans un tel cas, par une interprétation unilatérale de l’administration ?

La modification de l’art. 41 LN, qui entre en vigueur en mars 2011, allonge le délai pendant lequel les autorités peuvent annuler la naturalisation facilitée suite à son obtention : les étrangers naturalisés après mariage ont-ils encore un droit au divorce ?

Chronologie

1998 : formation du couple

2000 : mariage (28 janv.)

2005 : demande de naturalisation facilitée (8 sept.)

2006 : obtention de la naturalisation facilitée (21 déc.)

2008 : divorce (4 nov.)

2009 : dénonciation cantonale (2 sept.)

2010 : annulation par l’ODM de la naturalisation facilitée (12 nov.) ; recours devant le TAF (9 déc.)

N.B. : décision du TAF en attente

Description du cas

En 2000, « Abdel », d’origine marocaine, se marie avec une suissesse qu’il connaît depuis deux ans. Suite au mariage, il obtient une autorisation de séjour qui est renouvelée chaque année. En 2005, après cinq ans de mariage, il dépose une demande de naturalisation facilitée, selon l’art. 27 LN. En novembre 2006, « Abdel » et son épouse signent, conformément à la procédure, une déclaration écrite qui confirme leur communauté conjugale effective et leur résidence commune. Ils confirment également n’envisager ni séparation, ni divorce au moment de la demande de naturalisation. Après avoir signé cette déclaration, « Abdel » obtient par décision de l’ODM la naturalisation facilitée.

En juillet 2008, 18 mois après l’obtention de la naturalisation facilitée d’« Abdel », le couple dépose une requête commune de divorce, mais continue encore de vivre ensemble avant de se séparer début 2009. Cette même année, les autorités fribourgeoises de la police des étrangers dénoncent alors à l’ODM une possibilité de fraude lors de l’obtention de la naturalisation facilitée d’« Abdel ». Selon elles, il aurait dissimulé des faits importants ou établi des déclarations mensongères au moment de sa demande de naturalisation. Les autorités fondent leurs arguments sur le laps de temps relativement court entre l’obtention de la naturalisation et le divorce, l’absence d’enfants durant le mariage et la différence d’âge de onze ans entre les deux époux. En 2010, deux ans après le prononcé du divorce, l’ODM entame une procédure d’annulation de la naturalisation facilitée d’« Abdel », selon l’art. 41 LN.

Les époux sont dès lors convoqués à des auditions lors desquelles l’ODM les questionne sur leur relation de couple et sur de nombreux détails en lien avec leur vie privée. Concernant l’absence d’enfants au sein du couple, l’ODM interroge l’ex-épouse d’« Abdel » sur ce que pensaient ses beaux-parents du fait qu’aucun enfant n’était issu du mariage de leur fils. De même, on lui demande : « (…) quelles mesures ou éventuels traitements avez-vous suivis dans le but d’avoir des enfants ? ». Concernant les raisons du divorce, Abdel écrit dans une lettre : « nous avions des projets communs de vie familiale, mais comme beaucoup de couples, les différentes circonstances de la vie ont été difficiles et ont eu raison de notre union ». Quant à l’ex-épouse d’« Abdel », celle-ci déclare que : « ce n’est en aucun cas un mariage blanc. Nous avons vécu ensemble heureux, comme tout le monde (…) nous avons décidé, d’un commun accord de divorcer ». Et, elle ajoute : « pour ma part, c’est quelqu’un de toujours important, un ami ».

En novembre 2010, bien que les deux intéressés ont confirmé conjointement, lors des auditions, de ne pas avoir envisagé de divorcer au moment de la naturalisation, mais plus tard au début de l’année 2008, l’ODM prend la décision d’annuler la naturalisation facilitée d’« Abdel ». Selon l’autorité fédérale, «Abdel » et son épouse ne formaient pas une communauté conjugale effective et stable au moment de la signature de la déclaration des époux en novembre 2006. L’ODM considère qu’il existe un « enchaînement logique et rapide des évènements », de même que des divergences politique et religieuse, et un manque d’activités communes. En décembre 2010, « Abdel » dépose un recours afin de démontrer que les conditions de l’art. 41 LN ne sont pas remplies. Le TAF n’a pas encore statué au moment de la rédaction de la fiche.

Signalé par : Centre social protestant (CSP) de Genève, décembre 2010.

Sources : décision d’annulation ODM (12.11.10) ; PV d’audition (16.07.10) ; recours devant le TAF (9.12.10).

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