Il a toute sa vie ici mais doit partir

« Eduardo » est en Suisse depuis 12 ans, depuis son adolescence. Sans papier, il régularise sa situation en se mariant avec son amie de longue date. Après un an de mariage, le couple se sépare. 2 ans plus tard, « Eduardo » apprend que son autorisation de séjour ne sera pas renouvelée et qu’il doit quitter la Suisse, alors que toute sa proche famille y vit légalement.

Mise à jour

Dans un arrêt du 20 février 2012, le Tribunal cantonal vaudois a annulé la décision du SPOP de révoquer le permis d'« Eduardo ». En effet, selon les juges cantonaux, « Eduardo » peut rester en Suisse au titre de l'art. 50 al. 1 let. b (« raisons personnelles majeures ») du fait de sa bonne intégration dans ce pays et des difficultés de réintégration en Equateur, pays qu'il a quitté depuis 12 ans avec toute sa famille proche. Suite à cet arrêt, le SPOP a transmis le dossier à l'ODM. Celui-ci a suivi à son tour la position du Tribunal cantonal vaudois, en octroyant un permis B à« Eduardo » le 2 avril 2012.

Personne(s) concernée(s) : « Eduardo», homme né en 1985

Statut : permis B par mariage -> non renouvellement

Résumé du cas

En 1999, « Eduardo », 14 ans, arrive en Suisse avec sa famille. Volontaire et appliqué, il apprend vite le français et s’intègre bien. À la fin de sa scolarité, il se met en quête d’une place d’apprentissage. Malgré sa motivation, il n’en trouve pas car il ne dispose pas de permis de séjour. Il abandonne donc ses projets de formation et entre sur le marché du travail. En 2007, le jeune homme se marie avec son amie depuis 6 ans, Suissesse, et reçoit une autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial (art. 42 al. 1 LEtr). Fin 2008, le couple se sépare, mais ne divorce pas. Fin 2010, « Eduardo » devient père d’une petite fille, qu’il a eue avec sa nouvelle compagne. Début 2011, « Eduardo » reçoit une lettre du Service cantonal de la population (SPOP) l’informant de son intention de révoquer son autorisation de séjour puisqu’il vit séparé de son épouse et qu’aucune reprise de la vie commune n’est envisagée. Il demande au service concerné de prolonger son autorisation de séjour pour raisons personnelles majeures (art. 50 al.1 LEtr), arguant que le renvoi est excessif au vu de la durée de son séjour en Suisse (presque 12 ans), et du fait qu’il y est arrivé à l’adolescence, période charnière pour l’intégration et la construction de la personnalité. Il ajoute que toute sa famille vit en Suisse au bénéfice d’une autorisation de séjour. Le SPOP maintient pourtant sa décision, révoque le permis d’« Eduardo » et prononce son renvoi de Suisse, arguant que son mariage est terminé, mais également « qu’il ne fait pas état de qualifications professionnelles particulières et que son degré d’intégration ne saurait être considéré comme exceptionnel ». « Eduardo » fait recours auprès du Tribunal cantonal vaudois, insistant sur la durée de son séjour, la présence de sa famille, sa bonne intégration et le fait qu’il s’apprêtait à faire une demande de naturalisation. Il ajoute qu’en cas de renvoi, sa compagne à nouveau enceinte, leur fille et lui-même seraient confrontés à des difficultés de réintégration insurmontables, vu l’important taux de chômage prévalant en Equateur et leur manque de relations là-bas. Le Tribunal ne s’est pas encore prononcé.

Questions soulevées

 Pourquoi un jeune homme arrivé en Suisse à l’âge de 14 ans suite à la décision de ses parents ne peut pas rester en Suisse après douze ans de séjour alors qu’il est intégré, possède un travail fixe et a de fortes attaches familiales dans ce pays ?

 Quelles seront les conséquences d’un renvoi sur le plan humain pour ce jeune homme qui a vécu toute son adolescence en Suisse ?

Chronologie

1999 : entrée en Suisse, accompagné de sa mère, son beau-père et ses frères et sœurs (nov.)

2007 : mariage avec son amie suisse, mis au bénéfice d’une autorisation de séjour (mai)

2008 : séparation du couple (nov.)

2010 : devient père d’une petite fille, de sa nouvelle compagne

2011 : révocation de l’autorisation de séjour et décision de renvoi (mai), recours auprès du Tribunal cantonal vaudois (juin). Décision en attente.

Description du cas

La famille d’« Eduardo » arrive en Suisse en 1999, alors qu’il a 14 ans. D’origine équatorienne, sa famille est sans statut légal. La famille essaye de se régulariser dès 2002, après avoir découvert que la sœur d’ « Eduardo » avait des problèmes de santé importants. L’ODM refuse d’entrer en matière, décision confirmée par l’instance de recours en 2006. Dès son arrivée en Suisse, « Eduardo » fait des efforts pour s’intégrer et apprendre le français : il suit des cours intensifs et est, malgré son âge avancé, autorisé à poursuivre sa scolarité obligatoire pour bonne conduite jusqu’à l’obtention de son diplôme en 2004. « Eduardo » décide ensuite d’entamer une formation professionnelle et cherche activement une place d’apprentissage. Malgré sa bonne volonté, le fait qu’il ne dispose pas d’un permis de séjour lui est reproché. Il abandonne donc ses projets de formation pour rechercher un travail. Là encore, ne pas avoir de permis pose problème. En 2007, il obtient un contrat de travail. Cette même année, il épouse son amie suisse, avec laquelle il est en couple depuis 6 ans. Suite à ce mariage, il est mis au bénéfice d’une autorisation de séjour par regroupement familial (art. 42 al.1 LEtr). A la fin 2008, le couple décide de se séparer, mais ne divorce pas. L’autorisation de séjour d’« Eduardo » continue dans un premier temps à être renouvelée.

Début 2011, le Service cantonal concerné (SPOP) annonce son intention de révoquer le permis d’« Eduardo », car aucune reprise de la vie conjugale n’est envisagée, et que la durée du mariage a été relativement brève (17 mois). Pour que l’autorisation de séjour d’un ressortissant étranger précédemment marié à un Suisse soit prolongée, il faut que la durée du mariage ait été supérieure à 3 ans ou que le séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures (art. 50 al.1 LEtr). Dans sa réponse au SPOP, « Eduardo » demande qu’il soit autorisé à poursuivre son séjour en Suisse, pour des raisons personnelles majeures (art. 50 al.1 let.b LEtr), et subsidiairement qu’on lui accorde une autorisation de séjour pour cas personnel d’extrême gravité (art. 30, al. 1 LEtr). Il explique qu’il vit en Suisse depuis plus de 11 ans, qu’il y est bien intégré et qu’il y a forgé sa personnalité. Il met également en avant que toute sa famille y vit au bénéfice d’autorisations de séjour. Son frère et sa sœur se sont mariés respectivement avec une étrangère au bénéfice d’un permis d’établissement et avec un Suisse. Sa mère et son petit frère ont obtenu un permis B humanitaire car toute leur famille vit en Suisse et qu’un retour en Equateur serait problématique… Dans son argumentation « Eduardo » ajoute qu’il rencontrerait des difficultés d’intégration en cas de retour en Equateur. En effet, il n’y a pas vécu depuis ses 14 ans, il n’y connaît presque plus personne et le taux de chômage est tel qu’il ne pourrait pas y trouver un emploi lui permettant de subvenir à ses besoins.

De plus « Eduardo » est désormais père d’une petite fille depuis fin 2010 qu’il a eue avec sa nouvelle compagne. Celle-ci est également équatorienne, arrivée en Suisse à l’âge de 14 ans, en situation irrégulière. Sa famille fait partie des familles soutenues par le collectif vaudois de soutien aux sans-papiers et dont les dossiers sont en réexamen auprès du SPOP en vue d’une régularisation.

Le SPOP ne se laisse pas convaincre par les arguments d’« Eduardo », révoque son autorisation de séjour et lui donne un délai de départ de 3 mois. Il retient que le mariage d’« Eduardo » est terminé, que son intégration en Suisse n’est pas exceptionnelle et que son retour en Equateur n’impliquerait pas une séparation de la famille, puisqu’il pourra vivre avec sa femme et son enfant dans leur pays d’origine commun. Un recours contre cette décision a été déposé devant le Tribunal cantonal vaudois invoquant la durée du séjour d’« Eduardo » en Suisse, le fait qu’il s’y soit forgé sa personnalité, la présence de sa proche famille, les conditions de vie difficiles prévalant en Equateur, et le fait que sa compagne soit à nouveau enceinte. Comme gage de sa bonne intégration, « Eduardo » explique qu’il avait l’intention d’entamer les démarches de naturalisation lorsqu’il a reçu la décision négative du SPOP. Au moment de la rédaction de cette fiche, la décision du Tribunal n’est pas connue.

Signalé par : La Fraternité (Centre social protestant – Vaud), juillet 2011

Sources : courrier du SPOP (28.01.11), prise de position d’« Eduardo » (23.02.11) ; décision du SPOP (18.05.11) ; recours auprès du Tribunal cantonal vaudois (16.06.11)

Cas relatifs

Cas individuel — 22/11/2023

Une retraite trop basse pour vivre et pas d’accès aux prestations complémentaires

Alors qu’elle a été régularisée, les autorités genevoises ne prennent pas en compte les années passées à Genève sans statut de résidence d’Emanuela*. En conséquence, cette dernière n’a pas accès aux prestations complémentaires AVS et doit continuer à travailler à l’âge de 71 ans.
Cas individuel — 30/11/2010

Régularisation refusée pour « Tiago » qui a
vécu toute son adolescence en Suisse

Agé de 11 ans, « Tiago » arrive en Suisse en 2001 avec sa mère et sa sœur, pour s’y installer durablement. Ils n’ont pas d’autorisation de séjour mais demandent un permis humanitaire en 2007. En 2010, même s’il a vécu une partie de son enfance, puis toute son adolescence en Suisse, « Tiago » voit sa demande de régularisation définitivement rejetée par le TAF.
Cas individuel — 02/11/2010

Le canton de Fribourg bloque une
demande de permis pourtant exemplaire

« Chris », originaire d’Angola, dépose une demande d’asile en 2005, qui sera refusée définitivement après un recours devant le TAF. Depuis son arrivée, il travaille et apprend le français. En 2010, malgré sa parfaite intégration reconnue par ses employeurs et de nombreux amis, le Service cantonal refuse d’ouvrir une procédure d’octroi d’un permis B humanitaire.
Cas individuel — 22/09/2009

Familie trotz guter Integration und behindertem Kind und nach über 9 Jahren Aufenthalt in der Schweiz nicht als Härtefall anerkannt

Une famille déboutée de l'asile, vivant en Suisse depuis 1997, dépose une demande de cas de rigueur auprès du canton de Zurich en 2007. Les…