Renvois des Erythréens déboutés dans un pays de transit: à quel prix et pour quel résultat?

Suisse, 09.06.2024 – Les Chambres fédérales ont adopté le 9 juin dernier la motion 23.4440 de Petra Gössi (PLR) demandant au Conseil fédéral de conclure un accord de transit avec un État tiers pour y renvoyer les Érythréen·nexs débouté·exs. Une mesure que les associations de terrain estiment abjecte, ne tenant pas compte des violations des droits humains qu’elle entraînera, et irréaliste, car inefficace et inapplicable.

Le Conseil fédéral avait pourtant souligné que le renvoi dans un pays de transit ne résoudra pas le refus de réadmission de l’Erythrée de ses ressortissant·exs débouté·exs de l’asile. Ainsi, à la fin de la période de transit, c’est à nouveau la Suisse qui devra accepter ces personnes.

Ces dernières années, c’est à huit reprise que le CAT a épinglé la Suisse pour avoir sous-évalué le danger couru par des ressortissant∙es érythréen∙nes (voir notre brève). La Suisse serait-elle véritablement sourde face aux recommandations des instances internationales?

Sources: Coordination asile.ge, «Motion Gössi sur les débouté∙es érythréen∙nes: une motion abjecte et irréaliste», 17.06.2024 ; rts.ch, «Le Parlement veut expulser les requérants érythréens déboutés vers un pays tiers»,10.06.2024 ; le Temps, «Le parlement insiste pour expulser les Erythréens déboutés dans un pays de transit», 10.06.2024 ; swissinfo.ch, «Le Parlement veut renvoyer des Erythréens vers un pays tiers», 10.06.2024 ; le Temps, «Au Conseil des Etats, la droite veut une application plus stricte de l’asile», 13.03.2024 ; le Courrier, «Où renvoyer les requérants érythréens?»

Voir également: ODAE romand, «Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : actualisation 2020», rapport thématique, décembre 2020 ; ODAE romand, «Le CAT tacle une fois encore la Suisse pour une décision de renvoi vers l’Erythrée», brève, 29.07.2023.

Cas relatifs

Cas individuel — 15/10/2024

Le TF ordonne la reconnaissance du statut d’apatride pour un ressortissant kurde

Kurde de Syrie vivant en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire (permis F), Aryian* dépose une demande de reconnaissance d’apatridie en 2015. Le SEM puis le TAF refusent sa demande, au motif qu’Aryian*, qui appartient à la catégorie des Kurdes dits ajnabi, aurait soit reçu la nationalité syrienne en 2012, soit n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour l’obtenir. Saisi par Aryian*, le Tribunal fédéral (TF) casse la décision du SEM. Dans son arrêt rendu en avril 2021, il réfute l’absence de «raisons valables» au départ d’Aryian* de la Syrie ainsi que l’affirmation selon laquelle le recourant n’aurait pas fourni les efforts nécessaires pour acquérir la nationalité syrienne. Il considère en outre qu’on ne peut exiger d’Aryian* qu’il attende de pouvoir retourner en Syrie pour obtenir la citoyenneté. Le TF admet donc le recours et ordonne au SEM de reconnaitre Aryian* comme apatride.
Cas individuel — 16/01/2024

Persécuté pour des motifs politiques, les autorités suisses estiment pourtant le renvoi possible

Seymur* vient d’Azerbaïdjan, où il connait des persécutions liées à ses opinions politiques. Il demande l’asile en Suisse, qui refuse et ordonne le renvoi, malgré les intimidations que sa famille subit toujours.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.
Cas individuel — 15/01/2013

Plus de 6 ans d'attente avant que le TAF statue sur son cas

Suite à sa demande d’asile, « Tadele » reçoit une décision de NEM en 2002 et voit sa demande de réexamen rejetée en 2005. Il recourt auprès du TAF qui mettra plus de quatre ans à réclamer un complément d’instruction et près de deux ans à statuer sur la licéité du renvoi en Ethiopie.