Profilage racial: la Suisse deux fois condamnée

Suisse, 20.02.2024 – Dans un arrêt publié le 20 février, la CourEDH a doublement condamné la Suisse pour «profilage racial». D’abord, à la suite du dépôt de plainte d’un habitant de Zurich ayant subi un contrôle policier discriminatoire. La Cour estime que la Suisse a omis d’examiner des allégations de discrimination raciale à l’encontre de la police et constate une violation matérielle de l’interdiction de discrimination combinée avec le droit au respect de la vie privée et une violation du droit à un recours effectif. Elle demande à la Suisse la mise en place de lignes directrices légales. L’association humanrights.ch appelle à ce que la Suisse mette rapidement en œuvre cette décision, en demandant que les responsables à tous les échelons des institutions suisses agissent sérieusement contre les structures qui sous-tendent les actes racistes, afin que les choses changent et que les procédures de dénonciations des actes racistes aboutissent dans des délais réduits.

Ensuite, le même jour, la CourEDH a dénoncé que la Suisse a pratiqué l’enfermement d’un délinquant souffrant de troubles psychiques, sous le coup d’une mesure pénale, dans un établissement pénitentiaire classique où il ne pouvait recevoir les soins adéquats, en violation de l’art. 3 CEDH.

Sources: CourEDH, «AFFAIRE WA BAILE c. SUISSE», 20.04.2024 ; RTS, «La Suisse condamnée pour profilage racial par la Cour européenne des droits de l’homme», 20.04.2024 ; Amnesty.ch, «La CEDH condamne la Suisse pour profilage ethnique», 20.04.2024 ; swissinfo.ch, «La Suisse condamnée pour profilage racial», 26.04.2024 ; le Temps, «Contrôle au faciès: les juges de Strasbourg appellent à des directives plus claires pour les polices de Suisse», 20.02.2024 ; lematin.ch, «La Suisse condamnée pour discrimination lors d’un contrôle d’identité», 20.04.2024 ; 24heures, «La Suisse est condamnée pour profilage racial», 20.04.2024 ; le Courrier, «Profilage racial: la Suisse condamnée», 20.04.2024 ; 20minutes, «La Suisse condamnée pour profilage racial», 20.04.2024 ; Blick, «La Suisse condamnée pour profilage racial par le CEDH», 20.04.2024 ; Mediapart, «CEDH: la Suisse condamnée pour discrimination lors d’un contrôle d’identité», 20.04.2024 ; humanrights.ch, «Profilage raciste: la Suisse doit appliquer l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme sans attendre», 21.03.2024 ; le Courrier, «ʺLa police risque de perdre ses procèsʺ», 06.05.2024.

Cas relatifs

Cas individuel — 14/04/2025

«Mes enfants sont terrorisés. Je ne sais plus quoi faire ni comment arrêter ce calvaire.»

Léonie*, ressortissante Burundaise, est victime de persécutions dans son pays. En juin 2022, elle demande l’asile en Suisse avec ses trois enfants. Leur demande est rejetée en 2023 par le SEM puis par le TAF. La famille subit alors un véritable harcèlement policier: alors que Léonie* est hospitalisée en psychiatrie, son fils est arrêté à leur domicile pour être détenu à l’aéroport puis relâché. Sa fille aînée est également arrêtée à deux reprises, emmenée à l’aéroport puis relâchée. Enfin, la fille cadette se retrouve hospitalisée en psychiatrie, dans un état de choc, après que des agents ont essayé de l’arrêter au cabinet de sa psychologue. Malgré ces arrestations à répétition, Léonie* et ses enfants demandent le réexamen de leur décision d’asile, en raison d’éléments nouveaux survenus au Burundi et de l’état de santé de Léonie* qui se dégrade. Le SEM suspend l’exécution du renvoi de cette dernière, mais refuse de réexaminer la demande des enfants, désormais tous trois majeurs.
Cas individuel — 10/04/2025

Des violences conjugales reconnues par un Centre LAVI sont jugées trop peu intenses par les tribunaux

Eja*, originaire d’Afrique de l’est, rencontre Reto*, ressortissant suisse, en 2019. Leur mariage est célébré en avril 2021 et Eja* reçoit une autorisation de séjour. L’année qui suit est marquée par des disputes et des violences au sein du couple, et une première séparation de courte durée. En février 2023, Eja* consulte le Centre LAVI du canton, qui la reconnait victime d’infraction. En juillet, Eja* dépose une plainte pénale contre son époux pour harcèlement moral, rabaissements et injures, discrimination raciale et contraintes. En novembre 2023, Eja* dépose une deuxième plainte. Son médecin confirme des symptômes de stress émotionnel élevé. En février 2024, le SPoMi révoque l’autorisation de séjour d’Eja* et prononce son renvoi de Suisse, au motif que la durée effective de la communauté conjugale n’a pas dépassé trois ans. En août 2024, le Tribunal cantonal rejette le recours déposé par Eja*, au motif que l’intensité des violences psychologiques n’atteint pas le seuil exigé par la jurisprudence. Le Tribunal conclut à l’absence de raison personnelle majeure permettant de justifier le maintien de l’autorisation de séjour d’Eja*. Le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 14 novembre 2024, confirme la décision du SPoMi et rejette le recours d’Eja*.
Cas individuel — 08/10/2024

Coincé en Suisse sans liberté de mouvement parce que le SEM et le TAF estiment qu’il n’a pas su prouver son identité

Félicien*, originaire du Soudan du Sud, vit en Suisse au bénéfice d’un permis B (Cas de rigueur), obtenu à la suite d’un accident qui l’a rendu paraplégique. Bien qu’enregistré par le SEM comme ressortissant soudanais, Félicien* n’a aucune pièce d’identité ni autre document d’état civil national démontrant son origine: il lui est donc impossible de voyager. Après avoir en vain tenté de se faire établir un passeport soudanais, il demande un passeport pour étrangers auprès des autorités suisses. Le SEM rend une décision négative à sa demande, au motif qu’il est de la responsabilité de Félicien* de démontrer son identité. Saisi par recours, le TAF confirme la décision du SEM, considérant que Félicien* n’a pas démontré que les autorités de son pays d’origine auraient prononcé à son endroit un refus formel, définitif et infondé.
Cas individuel — 01/01/2024

Harcelée en Croatie, une famille est menacée d’y être renvoyée

En 2019, Romina* et Khaleel* quittent l’Afghanistan avec leur fille (Emna*), encore mineure et leurs trois fils majeurs. Ils demandent l’asile en Suisse en octobre 2020, après être passé∙es par la Croatie. La famille raconte avoir tenté de passer la frontière entre la Bosnie et la Croatie à plus de 15 reprises, avoir été arrêté∙es par les autorités croates puis maltraité·es, volé·es, déshabillé·es et frappé·es. En février 2020, le SEM rend une décision NEM Dublin. Le mandataire d’Ehsan* et Noura* dépose un recours au TAF contre la décision du SEM. En avril 2021, le SEM annule sa décision de NEM Dublin pour le second fils et sa famille, qui reçoivent une admission provisoire. En juillet 2021, le TAF prononce les arrêts qui rejettent respectivement les recours de Moussa*, de Ehsan* et Noura* et de Romina* et Khaleel*.