Nouveau durcissement du TAF sur les renvois en Érythrée

Dans un arrêt du 10 juillet 2018 (E-5022/2017), le TAF conclut que les renvois vers l’Érythrée sont licites et exigibles même pour celles et ceux qui risquent d’être recrutés pour le service national à leur retour. Le jeune homme de 21 ans concerné par l’arrêt est donc tenu de quitter la Suisse. Pour le TAF, un risque de violation de l’interdiction du travail forcé existe en cas d’enrôlement dans le service national, mais il n’est pas suffisamment grave pour empêcher les renvois. Sur les conditions de ce service national, le tribunal affirme que même si la durée est difficile à prévoir, elle est en général de cinq à dix ans. Il estime que les mauvais traitements, abus sexuels et emprisonnements « ne sont pas commis de manière à ce point généralisée » (communiqué du TAF) que cela rendrait les renvois illicites.

L’absence de sources fiables et indépendantes sur l’Érythrée est régulièrement mise en avant par les organisations de défense des droits humains et par les autorités suisses elles-mêmes (déclaration de la Suisse lors du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, le 12 mars 2018). Un rapport publié en 2016 par la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’Homme faisait état de graves violations des droits humains, notamment : réduction en esclavage, détention arbitraire, représailles contre des tiers, disparitions forcées, torture, persécutions, viols et exécutions extrajudiciaires. Avec cet arrêt, la Suisse adopte une pratique parmi les plus restrictives d’Europe vis-à-vis des Érythréens.

Sources : communiqué du TAF du 12.07.2017. Voir également le communiqué de l’OSAR du 12.07.2018 et les brèves de l’ODAE romand du 06.07.2017, du 14.09.2017 et du 26.04.2018.

Cas relatifs

Cas individuel — 04/12/2025

Le TF déboute le SEM et le TAF pour avoir arbitrairement changé la date de naissance d’un requérant mineur non accompagné

Ismail* arrive seul en Suisse en septembre 2023, à l’âge de 16 ans. Lorsqu’il dépose sa demande d’asile, il indique être né le 8 avril 2007 et fournit deux documents corroborant ses dires. Malgré la reconnaissance de la minorité d’Ismail* par l’Italie, pays par lequel il a transité, le SEM modifie sa date de naissance après l’avoir interrogé sur ses données personnelles lors d’une première audition mais sans réaliser d’expertise médico-légale. Saisi par recours, le TAF confirme la décision du SEM, bien qu’il admette que le choix de la date a pour seul but de rendre Ismail* majeur. Ce dernier dépose alors un recours au TF qui lui donne finalement raison, estimant qu’aucun élément ne permet de remettre en question ses propos et que s’il avait un doute sur son âge, le SEM aurait dû procéder à une expertise médico-légale.
Cas individuel — 27/05/2016

Un père arraché à son épouse enceinte et ses enfants

« Awat » habitait à Genève avec son épouse « Mariame » enceinte de trois mois, et leurs deux filles, « Melete » et « Awatif ». Enfin réunie après un long périple et un exil forcé, cette famille se voit à nouveau séparée, cette fois par les autorités suisses : le père est renvoyé en Italie. Le Tribunal ne retient ni son droit à la vie familiale, ni l’intérêt supérieur de ses enfants à grandir auprès de leur père.
Cas individuel — 14/07/2014

La Suisse condamnée par la CourEDH pour avoir ordonné le renvoi d’un père dont la fille mineure vit en Suisse avec un permis F

Gabriel*, Marisol*, Diana* la fille de Marisol*, et Jessica* leur fille commune, déposent une demande d’asile en Suisse en 2002. Après un premier refus, leur procédure est réouverte. En 2009, le couple se sépare mais reste marié et en contact régulier. L’autorité parentale sur Jessica* est attribuée à Marisol*, mais Gabriel* est très impliqué dans la vie de sa fille avec un droit de visite élargi. Suite à un nouveau rejet de leur demande d’asile, le couple saisit le TAF. Ce dernier considère alors que comme Marisol* et Gabriel* sont séparés, leur demande doit être examinée distinctement. Il octroie une admission provisoire à Marisol* et Jessica* au motif de l’intégration de cette dernière en Suisse, mais confirme le renvoi de Gabriel*. Le coupe fait appel à la CourEDH, qui casse cette décision. Elle décrète que le renvoi de Gabriel* violerait le droit fondamental à la vie privée et familiale tel que protégé par l’art. 8 CEDH