Le SEM veut renvoyer vers l’Érythrée, au risque de violer le droit international

Pour le directeur du SEM, « les conditions sont réunies pour des renvois en Érythrée ». Début avril 2018, le SEM a annoncé son intention de lever certaines admissions provisoires (lire le rapport de l’ODAE romand sur l’admission provisoire) octroyées à des ressortissant·e·s erythréen·ne·s. Cela concernerait environ 3’200 personnes (un tiers des Erythréen·ne·s admis à titre provisoire). Cette annonce fait suite à un arrêt du TAF (D-2311/2016) qui a considéré comme licite et exigible le renvoi d’une femme ayant effectué plusieurs années de service militaire, et qui selon les juges ne risquerait plus d’être enrôlée en cas de retour dans son pays. Or, cet arrêt a été contesté devant le Comité de l’ONU contre la torture (CAT : G/SO 229/31), qui a recommandé à la Suisse de suspendre le renvoi, le temps d’examiner cette plainte. Cette recommandation a d’ailleurs été suivie par le SEM. Dans une lettre adressée à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, le cabinet d’avocat qui a déposé cette plainte au CAT lui demande d’attendre avant de procéder à des levées d’admissions provisoires, car celles-ci pourraient violer la Convention contre la torture. Le 18 avril 2018, un appel s’opposant à la politique du SEM a également été adressé à Madame Sommaruga par les œuvres d’entraide. Il souligne que les informations sur la situation en Érythrée sont bien trop lacunaires pour y effectuer des renvois, comme le reconnait d’ailleurs le TAF lui-même dans son arrêt (D-2311/2016) sur lequel se fonde le SEM.

En cas de levée de leur admission provisoire, les renvois forcés vers l’Érythrée étant à ce jour impossibles, ces personnes se retrouveraient contraintes de vivre sous le régime précaire de l’aide d’urgence, « privées de toutes chances d’intégration » comme le souligne l’appel des œuvres d’entraide (lire le témoignage d’une mère de famille, depuis 8 ans à l’aide d’urgence).

Sources : « La Suisse réexamine l’admission provisoire de 3200 Erythréens », RTS info, le 05.04.18 ; «Les conditions sont réunies pour des renvois en Erythrée», Le Temps, le 12.04.18 ; communiqué de presse de l’OSAR du 18.04.2018 ; voir également la brève du 14.09.2017

Cas relatifs

Cas individuel — 10/09/2024

Un couple avec enfant doit se battre pour se voir reconnaître son droit au mariage et au regroupement familial

Kayden* est originaire d’Angola et arrive en Suisse à l’âge de 5 ans. Jusqu’en 2015, il bénéficie d’un permis B, qu’il perd en 2016 suite à plusieurs infractions pénales. Kayden* a un fils né en 2014. Il se met en ménage avec Valérie, ressortissante suisse. En 2021, Valérie* est enceinte et le couple fait une demande d’autorisation de séjour pour Kayden* en vue de leur mariage, mais le Service de la population du canton de Fribourg (SPoMI) refuse la demande et prononce le renvoi de Suisse. La décision est motivée par le fait que Kayden* a transgressé à plusieurs reprises la loi, que son intégration économique serait un échec et que sa relation avec son fils se limiterait à l’exercice d’un droit de visite. Kayden* dépose un recours contre cette décision au près du Tribunal cantonal (TC). Le couple devra attendre jusqu’en octobre 2022 pour que le TC admette le recours de Kayden*. Le TC reconnait que rien ne permet de douter des intentions matrimoniales des fiancé·es et qu’un renvoi en Angola priverait les enfants du lien avec leur père. Il considère en outre qu’il serait disproportionné d’exiger le retour du recourant en Angola, pays qu’il a quitté à l’âge de cinq ans et qu’il ne connait pas, pour revenir en Suisse une fois le mariage conclu. Le TC annule donc la décision du SPoMI et l’invite à délivrer à Kayden* une autorisation de séjour en vue du mariage.
Cas individuel — 07/05/2014

Malgré l’impossibilité du renvoi, une famille passe 4 ans à l’aide d’urgence

Menacé en Palestine, « Issam » prend la fuite avec sa femme « Samra ». La Suisse leur refuse l’asile en 2003, décision confirmée sur recours en 2009. L’ODM, informé dès 2009 que le retour en Cisjordanie est rendu impossible par les accords d’Oslo, ne statue sur leur demande de réexamen qu’en avril 2014, malgré les graves problèmes psychiques de « Samra ». En attendant, le couple et ses 3 enfants seront restés 4 ans à l’aide d’urgence.
Cas individuel — 04/10/2012

Un paraplégique et sa mère seront renvoyés
sans égard aux avis médicaux

« Meliha » et son fils « Fadil » déposent en 2011 une demande d’asile en Suisse. Ils invoquent d’emblée la paraplégie de « Fadil » et les difficultés qu’a sa mère, à la santé fragile et avec peu de ressources, de le prendre en charge seule. Pourtant, aucun des certificats médicaux établis en Suisse ne fera changer d’avis l’ODM et le TAF quant à l’exigibilité de leur renvoi.