Modification de la LEI: interdiction de voyager pour les personnes admises à titre provisoire ?

Naem a 24 ans. Kurde de Syrie, il est arrivé en Suisse en 2015 et a été admis à titre provisoire (permis F). Sa famille a voulu le rejoindre, mais s’est retrouvée bloquée en Allemagne à cause du Règlement Dublin. Si la modification de la LEI proposée par le Conseil fédéral entre en vigueur, Naem aura l’interdiction de leur rendre visite, sous peine de se voir retirer son admission provisoire.

En effet, le Conseil fédéral a mis en consultation une modification de la LEI qui contient plusieurs adaptations du statut de l’admission provisoire, dont notamment l’interdiction de voyager dans le pays d’origine et dans tout autre pays que la Suisse, sauf si le voyage a pour but de préparer son retour définitif dans son pays d’origine. Actuellement, la législation est déjà restrictive et les voyages ne sont possibles que dans certains cas particuliers, mais ils restent le seul moyen pour de nombreuses personnes de garder contact avec la famille et les proches. Les associations actives sur le terrain s’inquiètent donc de cette restriction à la liberté de mouvement et au droit d’entretenir des relations familiales.  

A plusieurs reprises et notamment dans son dernier rapport d’observation, l’ODAE romand a montré qu’entre les restrictions à la liberté de mouvement, les obstacles au regroupement familial et l’accès difficile au travail et à la formation, les personnes admises à titre provisoire font face à un statut précaire qui met en péril leur santé mentale et fait obstacle à leur intégration.

Sources : Situation signalée par un∙e correspondant∙e ; Conseil fédéral, « Admission provisoire : changement de canton autorisé en cas d’emploi, interdiction de voyager dans le pays d’origine et dans les autres pays », 21 août 2019 ; Revue Vivre Ensemble, « Editorial : interdiction de voyager ? De l’acharnement gratuit », 1 octobre 2019 ; CSP, « Réponse à la consultation sur l’avant-projet Modification de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI): restriction des voyages à l’étranger et modification du statut de l’admission provisoire », 29 octobre 2019.

Voir également : ODAE romand, « Pas de refonte du statut d’admission provisoire, mais un accès facilité au marché de l’emploi », brève, 16 mars 2018 ; ODAE romand, « Les conditions d’accueil mettent en péril la santé mentale des réfugié∙e∙s », brève, 11 novembre 2017 ; ODAE romand, « Permis F : admission provisoire ou exclusion durable ? », rapport, octobre 2015.

Cas relatifs

Cas individuel — 30/10/2025

En Suisse depuis 10 ans et chargée seule de trois enfants dont l’une en situation de handicap, sa demande de permis B est préavisée négativement au motif qu’elle ne travaille pas

Imène* arrive en Suisse en 2014, avec son époux et leurs deux enfants âgés de 4 et 6 ans. La famille reçoit une admission provisoire (permis F). La dernière enfant du couple naît en 2015 et est rapidement diagnostiquée d’un trouble de développement général et d’un TSA. Imène* se sépare de son mari en raison de violences conjugales. Celui-ci refusant de maintenir des liens avec sa famille, Imène* se retrouve seule en charge des 3 enfants. En 2024, après dix ans passés en Suisse, elle dépose une demande de transformation de permis F en B pour elle et ses enfants, auprès du Service de la population de son canton. En mai 2025, l'autorité cantonale l’informe de son intention de refuser la demande. L’autorité considère que son intégration ne serait pas réussie, en raison de sa dépendance à l’aide sociale. Le fait qu’Imène* doivent s’occuper seule de trois enfants dont la cadette nécessite une attention constante et rapprochée n’est aucunement pris en compte. La procédure est en cours.
Cas individuel — 17/03/2015

Admise « provisoirement » depuis 14 ans, elle obtient enfin un permis B

Titulaire d’un permis F, « Sanija », veuve suite à la guerre d’ex-Yougoslavie, à la santé fragile, essuie trois refus de se faire délivrer un permis B en raison d’un manque d’intégration. Ce n’est que grâce à un solide argumentaire de sa mandataire que les autorités acceptent de stabiliser son séjour en Suisse, après quatorze ans, par un titre de séjour.
Cas individuel — 13/01/2015

Admis « provisoirement » depuis 12 ans il ne peut pas voir sa famille en Allemagne

Titulaire d’un permis F depuis 12 ans, « Seyoum » demande un « visa de retour », document officiel nécessaire pour rendre visite à sa famille en Allemagne et revenir en Suisse. L’ODM refuse au motif qu’il dépend de l’aide sociale. « Seyoum » est comme enfermé en Suisse.
Cas individuel — 03/07/2013

Après 20 ans en Suisse, « Houria » se voit réattribuer un statut précaire

« Houria » et sa fille mineure voient leur permis B remplacé, après dix années, par une admission provisoire. Le Tribunal cantonal vaudois, qui reconnaît les efforts d’« Houria » pour trouver un emploi, estime néanmoins que sa détresse psychologique et l’incapacité totale de travailler qui en résulte ne justifient pas sa dépendance à l’aide sociale.