Il a droit à un permis, le canton lui propose un statut précaire

En 2005, « Martin » rencontre sa future épouse « Christine ». Le couple arrive en Suisse en 2011 et « Martin » obtient un permis de séjour. Après leur séparation, le canton refuse de renouveler son permis et propose l’octroi d’une admission provisoire face au danger qu’il encourt en cas de retour dans son pays. « Martin » saisit alors le TF, qui reconnaît qu’un tel obstacle au renvoi lui donne en principe droit au renouvellement du permis selon l’art. 50 LEtr.

Mise à jour

Suite à des éléments nouveau apparus pendant la procédure, la situation personnelle de « Michel » a évolué, raison pour laquelle l’art. 50 ne pouvait plus s’appliquer. Finalement, il a obtenu une admission provisoire (permis F), son renvoi étant considéré comme inexigible.

Personne(s) concernée(s) : « Martin », né en 1972

Statut : permis B par mariage -> non renouvellement

Résumé du cas

Suite à son mariage avec une Suissesse dans son pays d’origine et à leur venue en Suisse en avril 2011, « Martin », ressortissant congolais, est mis au bénéfice d’une autorisation de séjour. En juin 2012, le couple se sépare et le SPOP annonce à « Martin » son intention de ne pas renouveler son permis. En réponse, il met en avant les risques qu’il encourt en cas de retour, lesquels devraient conduire les autorités à renouveler son permis en application de l’art. 50 LEtr (réintégration sociale dans le pays de provenance fortement compromise). En effet, « Martin » a quitté sans préavis un emploi politiquement sensible, dans lequel il a été témoin de violations compromettant des représentants du parti au pouvoir. En cas de retour, il serait considéré comme déserteur, risquant des sévices, l’emprisonnement, voire un assassinat politique. Le SPOP maintient cependant son refus de renouveler le permis de « Martin » et se limite à annoncer son intention de transmettre son dossier à l’ODM afin qu’une admission provisoire lui soit octroyée, l’exécution de son renvoi ne pouvant être exigée (art. 83 al. 4 LEtr) compte tenu du danger auquel il serait exposé. Après confirmation de cette décision par le Tribunal cantonal, la mandataire de « Martin » saisit le Tribunal fédéral (TF). Elle s’appuie sur une jurisprudence (ATF 137 II 345) selon laquelle les éléments faisant obstacle au renvoi – que les autorités cantonales ne contestent pas dans le cas de « Martin » – doivent être considérés sous l’angle de la réintégration sociale dans le pays d’origine, dès lors que le renouvellement d’un permis obtenu par regroupement familial est requis au titre de l’art. 50 LEtr. Elle mentionne également le fait que les efforts d’intégration de « Martin », notamment la formation professionnelle qu’il suit, resteraient quasiment vains en cas d’octroi du statut précaire d’admis à titre provisoire. En mars 2014, le TF admet le recours et renvoie le dossier aux juges cantonaux pour nouvelle décision sur la base du critère de réintégration au titre de l’art. 50 LEtr.

Questions soulevées

 Comment comprendre que les autorités cantonales ignorent la jurisprudence fédérale qui impose que les obstacles au renvoi soient examinés sous l’angle de la réintégration compromise, un critère permettant le renouvellement d’un permis de séjour obtenu par regroupement familial ?

 N’est-ce pas inquiétant que l’on cherche à octroyer un statut précaire en lieu et place d’une autorisation de séjour dont le renouvellement est pourtant prévu par la loi ? Une telle décision ne vise-t-elle pas à attendre une hypothétique amélioration de la situation dans le pays d’origine afin de renvoyer « Martin », sapant ainsi tous les efforts d’intégration qu’il a entrepris en Suisse ?

Chronologie

2005 : rencontre du couple à Kinshasa

2010 : début de vie commune (jan.) et mariage (oct.) à Kinshasa

2011 : arrivée du couple en Suisse (août) et octroi d’un permis B à « Martin »

2012 : séparation reconnue par des mesures protectrices de l’union conjugale (juin)

2013 : refus du SPOP de renouveler le permis B de « Martin » (juil.) ; recours au Tribunal cantonal (août) ; rejet du recours et préavis positif pour l’octroi d’une admission provisoire (oct.) ; recours au TF (nov.)

2014 : arrêt du TF renvoyant le dossier au Tribunal cantonal (mars)

N.B. : Une nouvelle décision du Tribunal cantonal est toujours en attente au moment de la publication.

Description du cas

En 2005, le Congolais « Martin » se lie avec « Christine », Suissesse d’origine congolaise, lors de vacances qu’elle passe à Kinshasa. Après le maintien d’une relation à distance, « Christine » retourne dans cette ville en janvier 2010 et y épouse « Martin » en octobre. Voyant l’état de stress de son époux lié à un travail particulièrement sensible en tant que chauffeur pour un organe politique, « Christine » lui conseille de quitter ce poste dans les meilleurs délais, ce qu’il fait sans l’annoncer à son employeur. En août 2011, le couple part vivre en Suisse et « Martin » est mis au bénéfice d’une autorisation de séjour. Après plusieurs disputes, le couple se sépare en juin 2012.

En février 2013, le SPOP informe « Martin » de son intention de ne pas renouveler le permis qu’il a obtenu par regroupement familial. Le mois suivant, « Martin » réplique qu’il suit une formation de chauffeur de poids lourd et qu’il est engagé au sein du corps de sapeurs-pompiers, ce qui démontre sa bonne intégration et sa volonté de l’améliorer encore, après des mois passés à effectuer des missions temporaires. En avril, la mandataire de « Martin » indique par ailleurs que, compte tenu des circonstances dans lesquelles il a quitté son emploi à Kinshasa, sa réintégration dans son pays d’origine se trouve fortement compromise et son permis doit être renouvelé au titre de l’art. 50 LEtr. En effet, « Martin » a été témoin de scènes compromettant certains représentants du parti au pouvoir et ceux-ci chercheraient probablement à le faire taire, soit en le plaçant en détention et en le torturant, soit en le mettant à mort. En juillet 2013, le SPOP refuse de prolonger le permis de « Martin », estimant que les difficultés qui l’attendent en cas de renvoi relèvent non pas du critère de réintégration sociale fortement compromise prévu à l’art. 50 LEtr, mais de l’inexigibilité de l’exécution du renvoi. Le SPOP annonce donc son intention de soumettre le dossier de « Martin » à l’ODM en vue de l’octroi d’une admission provisoire (art. 83 al. 4 LEtr).

En septembre 2013, la mandataire saisit d’un recours le Tribunal cantonal vaudois. Elle mentionne à la fois la bonne intégration de son mandant et les risques qu’il encourt en cas de retour, ayant quitté sans préavis un poste politiquement très sensible. Compte tenu de tels risques, que le SPOP reconnaît d’ailleurs, c’est une autorisation de séjour au titre de l’art. 50 LEtr et non pas une admission provisoire qui devrait lui être octroyée. Cependant, le Tribunal confirme la décision du SPOP. Les juges cantonaux constatent que « Martin » a des « attaches familiales et culturelles » plus importantes dans son pays qu’en Suisse et en concluent que sa réintégration ne serait pas compromise. Pour eux, comme pour l’administration, les risques encourus en cas de retour dans son pays relèvent plutôt de l’inexigibilité du renvoi, un constat qui devrait conduire l’ODM à lui octroyer une admission provisoire.

Un nouveau recours est déposé en novembre 2013 auprès du Tribunal fédéral (TF) afin que soit reconnu le droit de « Martin » à une autorisation de séjour. La mandataire souligne que, selon un arrêt de principe de cette instance datant de mai 2011 (ATF 137 II 345), les risques encourus en cas de retour doivent être pris en considération en tant que critère de renouvellement d’un permis de séjour obtenu par regroupement familial, et non pas sous l’angle de l’exécution du renvoi. Par ailleurs, la mise au bénéfice d’une admission provisoire saperait les efforts considérables de « Martin » pour s’insérer professionnellement dans le domaine du transport de poids lourds, à l’issue de la formation qu’il suit actuellement, les employeurs n’acceptant pas toujours d’engager des personnes au bénéfice d’un statut provisoire. En mars 2014, le TF admet le recours de « Martin » et exige du Tribunal cantonal qu’il rende une nouvelle décision, dans laquelle il examinera si les risques encourus en cas de renvoi remplissent effectivement le critère de réintégration fortement compromise prévu à l’art. 50 al. 2 LEtr. Pour les juges fédéraux, il y a eu violation du droit par les instances cantonales dès lors qu’elles plaçaient, « sans nécessité, dans la situation juridiquement moins favorable de l’admission provisoire » une personne qui peut prétendre à un droit de séjour.

Signalé par : La Fraternité – CSP VD, mars 2014

Sources : recours et mémoire complémentaire adressés au Tribunal cantonal (13.08.13 et 7.10.13), arrêt du Tribunal cantonal (17.10.13), recours au TF (12.11.13), arrêt du TF 2C_1062/2013 (28.03.2014).

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