L’ODM viole le droit d’être entendu de personnes sérieusement atteintes dans leur santé

Dans un récent arrêt, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rappelé à l’ordre l’Office fédéral des migrations (ODM) pour manque de transparence et de motivation d’une décision concernant une personne à la santé fragile. Le Tribunal estime que « cette manière de procéder viole incontestablement le droit d’être entendu » (arrêt du TAF C-6457/2010 du 4 avril 2012, consid. 3.3.) et ordonne des instructions complémentaires.

La recourante avait expressément demandé à l’ODM de lui indiquer les sources sur lesquelles il se fondait pour estimer que l’exécution de son renvoi en Équateur était exigible, malgré les problèmes de santé et le manque de moyens financiers évoqués. L’Office n’a toutefois pas fourni les éléments demandés, ni au cours de la procédure de première instance, ni au stade du recours. Outre le manque de transparence des sources utilisées par l’ODM indiquant que les soins nécessaires étaient accessibles dans le pays d’origine, le TAF relève que la motivation de la décision est insuffisante au regard de la situation personnelle d’une personne dont la situation médicale est évolutive, mais qui présente aussi d’éventuelles difficultés de réinsertion professionnelle dans son pays d’origine.

L’ODAE romand a documenté plusieurs cas similaires où l’ODM n’a pas cité ses sources et/ou n’a pas motivé suffisamment des décisions dans lesquelles une nécessité médicale était invoquée (voir les cas de Magos, Robert et Alana). À l’instar de l’arrêt d’avril 2012, il arrive dès lors souvent que le TAF renvoie le dossier à l’ODM, ce qui rallonge considérablement la procédure.

Vu la gravité des conséquences possibles du renvoi d’une personne sérieusement atteinte dans sa santé et dont l’accès aux soins nécessaires n’est pas garanti, il est tout à fait préoccupant que le droit d’être entendu ne soit pas mieux respecté par l’Office chargé d’examiner de telles demandes. Il arrive en effet souvent que des recours ne soient pas déposés faute de moyens financiers.

Source : arrêt du TAF C-6457/2010 du 4 avril 2012

Cas relatifs

Cas individuel — 01/04/2025

Prolongation de délai Dublin: le TAF casse une décision du SEM qu’il juge simplificatrice et décontextualisée

Nadir*, originaire d’Afghanistan, arrive en Suisse en 2023 et dépose une demande d’asile. Le SEM refuse d’entrer en matière et lui signifie une décision de renvoi Dublin. En janvier 2024, le SEM obtient une prolongation du délai de transfert de Nadir* au motif que ce dernier se serait opposé à son renvoi: lorsque l’autorité cantonale a tenté d’arrêter Nadir* dans ses locaux afin de le renvoyer en Croatie, ce dernier est accusé de s’être tapé la tête contre un mur avant d’être hospitalisé. Nadir* recourt contre la décision auprès du TAF. Le tribunal admet le recours, soulignant que Nadir* s’est présenté tous les lundis auprès du service de la population de façon parfaitement collaborative. Il reconnait le caractère involontaire de son hospitalisation, laquelle a été ordonnée par un médecin. Le TAF estime que le SEM propose une lecture «simplificatrice et décontextualisée» qui fait abstraction de la réalité médicale.
Cas individuel — 13/02/2024

Décès d’un jeune demandeur d’asile: la responsabilité directe des autorités suisses

Cas 459 / 13.02.2024 Alam* arrive en Suisse à 17 ans et demande l’asile après avoir vécu des violences en Grèce où il a reçu protection. Les autorités suisses prononcent une non-entrée en matière et son renvoi, malgré des rapports médicaux attestant de la vulnérabilité d’Alam*. Celui-ci met fin à ses jours à la suite du rejet de son recours par le TAF.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.
Cas individuel — 05/11/2012

Un réfugié reconnu passe sept mois
en détention administrative

« Beasrat » demande l’asile en Suisse après avoir vécu dans des conditions d’extrême précarité en Italie, malgré la reconnaissance de sa qualité de réfugié. Refusant d’y retourner, il passe sept mois en détention administrative, non sans séquelles sur sa santé psychique.