La Suisse reste sourde aux dénonciations du Comité des Nations Unies contre la torture
30.08.2023, Suisse – Comme nous l’avons souligné dans différents rapports, dès 2016, la Suisse est devenue plus stricte en matière d’asile à l’égard des ressortissant·exs originaires d’Erythrée: la désertion ou la menace d’un éventuel enrôlement dans le service militaire ne constituent désormais plus une raison suffisante pour obtenir le statut de réfugié·ex. Selon la Suisse, un renvoi vers l’Erythrée est donc exigible.
Dans un récent communiqué, l’OSAR critique fortement ces durcissements et insiste sur le fait que les décisions de renvoi de ressortissant∙exs érythréen∙nexs contreviennent aux accords internationaux protégeant les victimes de torture. Le CAT a d’ailleurs dénoncé la pratique des autorités helvétiques à six reprises, rappelant la nécessité de prendre en compte les constats du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains en Erythrée.
Le 18 juillet 2023, le CAT a publié sa décision. L’affaire concerne K. Berhane, un Érythréen qui a fait preuve d’une conscience politique sans équivoque et d’une attitude de dissidence claire à l’égard du régime érythréen. Après une rafle menée par les autorités érythréennes, il a quitté le pays, craignant d’être enrôlé de force. K. Berhane a demandé l’asile en Suisse, mais sa demande a été rejetée lorsqu’il est passé à l’âge adulte.
Dans sa décision, le CAT réaffirme que les personnes qui n’ont pas effectué leur service militaire sont en danger du simple fait de leur désertion ou de leur refus de servir. Il observe que la torture et les mauvais traitements infligés aux personnes qui ont fui le service militaire sont reconnus par la Suisse et par plusieurs organes des Nations Unies. Il rappelle que le Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Érythrée a indiqué que les demandeur·eusexs d’asile renvoyé∙exs seraient soumis∙exs à des sanctions sévères, y compris de longues périodes de détention au secret, de torture et de mauvais traitements. Dans son rapport de 2019, le Rapporteur avait aussi exprimé sa préoccupation concernant le retour de 56 Erythréens qui séjournaient en Suisse, étant donné que les conditions de leur retour ne pouvaient pas être correctement contrôlées. Le CAT a ainsi estimé que le retour de Berhane en Érythrée constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
L’ODAE est particulièrement inquiet de la pratique de la Suisse à l’encontre des personnes érythréennes. Le SEM et le TAF continuent de prononcer des décisions de renvoi, malgré une série non négligeable de décisions du CAT qui confirment le risque de torture et de détention qui attend les érythréen∙nes une fois rentré·exs au pays.
Sources: OSAR, «Épinglée six fois par le Comité des Nations Unies contre la torture, la Suisse ne réagit pas», 30.08.2023 ; CAT, «Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 983/2020», 18.07.2023.
Voir également: ODAE romand, «Renvoi en Erythrée: La Suisse condamnée par le CAT pour sa pratique qui viole l’interdiction de la torture», brève, 15.02.2023; ODAE romand, «Érythrée: aucune amélioration des droits humains, selon le rapporteur spécial de l’ONU», brève, 10.06.2022 ; ODAE romand, «Décisions de renvoi vers l’Érythrée: la Suisse condamnée à deux reprises par le CAT», brève, 21.02.2022 ; ODAE romand, «Rapport thématique – Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : actualisation 2020», rapport thématique, 15.12.2020 ; ODAE romand, «Rapport thématique – Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : une communauté sous pression», rapport thématique, 29.11.2018 ; ONU, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 26.06.1987.