Renvoi en Erythrée: La Suisse condamnée par le CAT pour sa pratique qui viole l’interdiction de la torture

30.01.2023, Suisse – Le 30 janvier 2023, le Comité contre la torture (CAT) a de nouveau cassé une décision des autorités suisses qui rejetaient la demande d’asile et prononçaient le renvoi d’une ressortissante érythréenne.

Le Comité se base sur les constats du Rapporteur spécial sur l’Erythrée des graves violations des droits humains – et en particulier des droits des femmes – commises dans le cadre du service national, ainsi que le risque indéniable de persécutions contre les personnes qui se sont soustraites au service militaire.  Il reproche au SEM de s’être limité à décréter que les propos de la requérante n’étaient pas crédibles et rappelle que ce dernier aurait dû s’enquérir d’informations impartiales et objectives sur le pays, afin d’examiner les risques réels encourus par la requérante en raison de son profil et de sa situation individuelle. Ceci, indépendamment de la question de la vraisemblance de ses propos.

Compte tenu du fait qu’il s’agit d’une femme en âge d’être soumise à la conscription et d’une demandeuse d’asile déboutée, le CAT conclut qu’elle «court un risque prévisible, réel, actuel et personnel d’être soumise à la torture si elle est renvoyée dans son pays». Partant, son renvoi en Erythrée constitue une violation de l’article 3 de la Convention.

Plus généralement, le CAT reproche au SEM de citer des rapports de manière sélective, en «omettant» les parties qui font état du risque de mauvais traitement ou qui soulignent le manque d’informations disponibles sur de tels risques. 

Il s’agit du quatrième arrêt rendu par le CAT condamnant la pratique des autorités suisses à l’égard des ressortissant·es érythréen·nes, sans que le SEM ne change sa pratique.

Source : CAT/C/74/D/887/2018 

Voir également :

Arrêt du CAT du 30 août 2022 : CAT/C/73/D/872/2018

Arrêt du CAT du 3 juin 2022 : CAT/C/73/D/914/2019

Arrêt du 8 février 2022 : CAT/C/72/D/916/2019

Notre rapport thématique « Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s: actualisation 2020 »

Cas relatifs

Cas individuel — 22/12/2022

Débouté à deux reprises malgré des agressions homophobes attestées en Ukraine

Témoignage – Emir* quitte l’Ukraine en 2020 suite à des persécutions liées à son orientation sexuelle. En Suisse, sa demande d’asile est refusée par le SEM et son recours rejeté par le TAF. Il repart en Ukraine, où il subit de nouvelles violences. Revenu en Suisse, sa demande d’asile essuie le même refus des autorités.
Cas individuel — 02/05/2021

Déboutée de l’asile, une famille se bat pour rester unie et ne pas être renvoyée

Arrivé en 2016 en Suisse, Yemane*, originaire d’Éthiopie, reçoit une décision de renvoi en novembre 2018. Asmarina*, originaire d’Érythrée, a vécu cinq ans en Grèce avec sa fille aînée, dans des conditions très précaires et sans accès à des soins pour son enfant, en situation de handicap physique. À cause de ces conditions invivables, elle est contrainte de quitter la Grèce et demande l’asile en Suisse. Ayant obtenu l’asile en Grèce, elle reçoit une décision de NEM de la part du SEM qui prononce son renvoi en novembre 2017. Asmarina* et Yemane* se rencontrent en Suisse et ont une fille en 2019. Au vu des différentes situations, la famille doit se battre pour ne pas être séparée entre plusieurs pays.
Cas individuel — 24/07/2013

Une femme afghane seule avec 4 enfants
doit faire recours pour obtenir l’asile

« Nahid » et ses quatre enfants demandent l’asile en Suisse. Leur demande est rejetée par l’ODM, qui dans un premier temps suspend l’exécution du renvoi avant de juger que le retour à Kaboul est exigible. Sur recours, le TAF reconnaît pourtant la vraisemblance des motifs d’asile.
Cas individuel — 20/12/2011

Une rescapée de Srebrenica est renvoyée
malgré de graves problèmes psychiques

« Halida », rescapée du massacre de Srebrenica, demande l’asile en Suisse en 2000 alors qu'elle a à peine 18 ans. 11 ans plus tard, malgré ses troubles psychiques et la naissance d'un bébé, l’ODM puis le TAF vont prononcer son renvoi (et celui de son nouveau-né) vers la Bosnie. Elle n'y a pourtant quasiment plus de repères ni de réseau familial ou social.