La justice met un frein à l’emprisonnement de sans-papiers à Genève
La détention pénale ne peut être infligée à un étranger pour le seul motif de séjour illégal que si toutes les voies administratives ont été épuisées. Statuant le 6 mai dernier sur le cas de deux travailleurs sans statut, le Tribunal de Police genevois a partiellement désavoué la politique menée par le Ministère Public en matière de séjour irrégulier (voir nos infos brèves du 13 mai 2013 et du 31 mars 2014).
La décision concernait un couple brésilien vivant à Genève depuis 2007. Ivone et Luciano travaillent respectivement comme coiffeuse et comme maçon, ce qui leur permet de vivre et de subvenir aux besoins de leurs enfants restés au Brésil. Ils ont toujours été indépendants financièrement, paient les cotisations sociales et n’ont jamais commis d’autre délit que celui de séjourner et travailler sans autorisation en Suisse. En 2011, identifiés lors d’un contrôle de police, ils avaient été condamnés pour infraction à la Loi sur les étrangers (LEtr) à une peine pécuniaire avec sursis et à une amende, qu’ils ont payée. Lors d’une nouvelle interpellation en décembre 2012, ils ont été considérés comme « récidivistes » par le procureur, qui a décidé de les condamner à une peine de prison ferme de deux mois. Entre-temps, en novembre 2012, ils avaient déposé une demande de régularisation sur laquelle les autorités n’ont pas encore statué, et bénéficient aujourd’hui à ce titre d’un permis provisoire de séjour et de travail.
Le Tribunal a retenu le fait qu’aucune décision de renvoi n’avait été prise à l’égard du couple. La justice pénale a donc agi en violation d’une jurisprudence européenne (arrêts CJUE El Dridi et Achughbabian) reprise par le Tribunal fédéral (arrêt 6B_196/2012) selon laquelle il n’est possible d’infliger une peine de prison pour séjour illégal que s’il y a eu décision de renvoi, que son exécution n’a pas pu se faire au moyen de mesures administratives de contrainte et que l’étranger demeure tout de même en Suisse de manière injustifiée. Ivone et Luciano ont été néanmoins reconnus coupables d’infraction à la LEtr et condamnés à 240 heures de Travail d’intérêt général.
Sources :
Loi sur les étrangers : le Ministère public désavoué, Tribune de Genève, 7 mai 2014.
Deux travailleurs clandestins échappent à la prison, Le Courrier, 7 mai 2014.
Cour de justice de l’Union européenne, arrêt El Dridi du 28 avril 2011.
Cour de justice de l’Union européenne, arrêt Achughbabian du 6 décembre 2011.
Tribunal fédéral, 6B_196/2012, arrêt du 24 janvier 2013.