Des travailleuses d’OI défendent leurs droits malgré le risque de perdre leur statut

Genève, 06.06.21 – Une demi-douzaine de femmes employées dans l’économie domestique auprès de membres d’organisations internationales à Genève ont pris la parole pour dénoncer des dizaines d’années de travail sans salaire.

Durant des années, jusqu’à 20 ans pour certaines d’entre-elles, 6 femmes originaires des Philippines se sont trouvées contraintes de travailler plusieurs heures par semaine pour des diplomates. Elles sont venues avec la promesse de recevoir une carte de légitimation, un toit, de la nourriture, des protections sociales et un salaire. Une fois arrivées à Genève, il leur a été annoncé qu’elles allaient en fait travailler gratuitement.

Leur permis de séjour (une carte de légitimation délivrée par la mission suisse) étant dépendant de leur patron, les femmes ont été tenues au silence par crainte de perdre leur statut. Elles ont donc effectué plus de 10 heures par semaine sans salaire, tout en travaillant pour d’autres familles pour subvenir à leurs besoins vitaux.

Les humiliations subies par leurs employeurs pakistanais et la perte de leur revenu en raison de la pandémie a fait basculer leur fragile équilibre. Elles ont décidé de sortir de l’ombre et du silence en mai 2021 et d’interpeler les autorités fédérales et cantonales, qui n’ont pas encore statué. Sans une régularisation de leur statut de séjour, elles sont contraintes soit à la clandestinité, soit au retour au pays.

Sources: SIT info, «Point de situation sur les employées de maisons des diplomates pakistanais à Genève», 10.06.21 ; le Courrier, «Employées de diplomates sans salaire», 11.06.21 ; Blick, «Des employées de diplomates exploitées brisent le silence», 11.06.21 ; Mise au point, «Après 20 ans sans salaire, des employées de diplomates à Genève se rebiffent», 06.06.21.

Cas relatifs

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Victime de mariage forcé et de traite, elle est menacée de renvoi

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Arrivée en Suisse en 2019 avec sa fille, Esperanza* tombe sous l’emprise d’un homme violent. Après plusieurs épisodes de violences conjugales, elle est dénoncée par son agresseur à la police, qui l’arrête pour séjour illégal. Malgré une plainte qui aboutit à la condamnation de l’agresseur, une décision d’expulsion est prononcée contre elle. Elle quitte la Suisse, puis y revient un mois plus tard. En 2025, elle se remet en couple, mais subit à nouveau des violences domestiques. Son compagnon la dénonce à la police, qui l’emmène au poste malgré ses blessures. Elle y est interrogée durant des heures sur son employeur et son logeur. Elle renonce à porter plainte contre son agresseur, traumatisée par les conséquences subies lors de sa dernière plainte.
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Accès à la justice impossible: malgré une tentative de viol, elle est condamnée pour séjour illégal

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Des violences conjugales reconnues par un Centre LAVI sont jugées trop peu intenses par les tribunaux

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