Des NEM Dublin à la pelle

Selon les dernières statistiques du Secrétariat d’État aux Migrations (SEM), 42.8% des demandes traitées en novembre ont abouti à des décisions de non entrée en matière (NEM). En d’autres termes, depuis le mois de septembre les autorités ont écartés 3’273 dossiers sans en examiner les motifs invoqués par les personnes qui ont déposés la demande, dont 3’179 en vertu de l’accord d’association à Dublin (NEM-Dublin).

A ce propos, rappelons que les bureaux romands de consultation juridique pour requérants d’asile (BCJ) avaient tiré la sonnette d’alarme suite au communiqué du SEM du 24 septembre 2015. Ce dernier annonçait qu’il reportait « jusqu’à nouvel ordre » le traitement des demandes d’asile des ressortissants Syriens, Erythréens et Afghans, tandis que les cas Dublin et les demandes de ressortissants de « pays pour lesquels le taux de reconnaissance est très faible » sont traitées en priorité.

Dans la pratique, les permanences sont surchargées face au grand nombre de décisions de non-entrée en matière émises par le SEM. La défense des droits des requérants dans les BCJ s’en retrouve largement détériorée. En effet, le délai de recours de 5 jours compris dans ces décisions ne permet pas de dresser la situation médicale d’une personne ni d’approfondir la question des conditions de vie dans le pays Dublin responsable. En outre il a été prouvé à de nombreuses reprises, tant au niveau national qu’européen, que le système de Dublin exacerbe la vulnérabilité des requérants au lieu de permettre leur accès au droit d’asile et aux droits fondamentaux (sur ce sujet, voir Brève du 1er décembre 2014 et du 7 novembre 2014)

Face à cette situation préoccupante, les BCJ ont demandé la suspension immédiate de l’application de l’accord de Dublin vers les pays européens situés à la frontière de l’Union (voir le communiqué).

Pour une lecture analytique des sources statistiques voir : http://asile.ch/statistiques-en-suisse/

Cas relatifs

Cas individuel — 04/03/2025

Renvoi Dublin vers la Croatie: le TAF reconnait que le SEM fait fi de l’avis des médecins

Le SEM refuse d’entrer en matière sur la demande d’asile de Ahmad*, originaire d’Afghanistan, au motif que la Croatie serait l’État responsable de sa prise en charge (art.31a LAsi ; règlement Dublin III). Ahmad* passe les six mois de son délai de renvoi Dublin dans l’angoisse, connait plusieurs épisodes d’hospitalisation notamment en raison d’une tentative de suicide. Début novembre 2023, Ahmad* demande au SEM d’entrer en matière sur sa demande d’asile au vu du fait que le délai de son transfert est échu. Mais le SEM refuse et Ahmad* dépose un recours auprès du TAF. Dans son arrêt du 21 juin 2024, le tribunal constate qu’Ahmad* a été hospitalisé à plusieurs reprises, ce dont le SEM avait été dument informé, et qu’au vu des motifs d’hospitalisation, il ne saurait être retenu contre lui de s’être fait hospitaliser volontairement pour échapper au renvoi. Le TAF estime qu’ «en laissant entendre que le recourant aurait provoqué ses hospitalisations pour empêcher son transfert en Croatie, le SEM fait fi des avis des médecins ayant ordonné celle-ci». Enfin, le tribunal souligne que rien n’indique qu’Ahmad* ait tenté d’échapper aux autorités, puisqu’il a été informé de sa dernière convocation après son retour de l’hôpital. Il admet le recours et annule la décision du SEM de décembre 2023 en l’invitant à reconnaître la responsabilité de la Suisse pour examiner la demande d’asile d’Ahmad*.
Cas individuel — 24/08/2009

Malgré toutes les preuves de persécution il n’obtient pas l’asile

Menacé de mort par des groupes armés, « Salim », ancien interprète en Irak pour l'armée américaine, fuit son pays pour gagner la Suède, puis la Suisse. Conformément à la logique des Accords de Dublin, la Suisse refuse d’entrer en matière sur sa demande d’asile, malgré les documents qui attestent des dangers encourus, et ordonne son renvoi vers la Suède.
Cas individuel — 20/10/2008

Europe de Dublin : une pente glissante même pour les « vrais » réfugiés

Menacé par des milices islamistes parce qu’il collabore avec l’armée américaine en Irak en tant que traducteur, « Bachir » gagne la Suisse après avoir parcouru l’Europe en quête d’asile. Sans nier ses dires mais en appliquant la logique des accords de Dublin, la Suisse le renvoie vers la Suède, qui veut le renvoyer vers la Grèce, où il risque un renvoi vers l’Irak.