Victime d’un accident, elle se voit traitée en criminelle parce qu’elle est sans-papiers

Alejandra* arrive à Genève en 2023 avec son fils pour fuir un mari violent. Elle a de la famille en Suisse et commence à travailler sans statut de séjour. En juillet 2025, alors qu’elle se promène avec son fils et l’enfant qu’elle garde, elle subit un accident. Craignant pour la santé des enfants, elle appelle la police. Cette dernière, constatant qu’elle n’a pas de statut de séjour, l’emmène au poste, l’interroge comme une criminelle, la fouille et l’humilie. Elle est détenue 6 heures avant de pouvoir sortir. Alejandra* est alors en état de stress post-traumatique. L’Office cantonal de la population prononce néanmoins quelques semaines plus tard une décision de renvoi à son encontre et celle de son fils.

Personne concernée (*Prénom fictif): Alejandra* et son fils

Origine: Amérique centrale

Statut: Sans-papiers

Chronologie

2023 : arrivée en Suisse (nov.)

2025 : accident (juillet) ; décision de renvoi de l’Office cantonal de la population (août)

Questions soulevées

  • Comment une victime d’un accident peut-elle être interrogée 6 heures durant, menottée, fouillée par la police, plutôt que de bénéficier d’un accès à des soins ou d’un encadrement bienveillant?
  • Comment peut-on justifier qu’une personne en détresse, victime d’un accident et venue chercher de l’aide, soit traitée comme une délinquante simplement parce qu’elle n’a pas de papiers?

Description du cas

Alejandra*, jeune femme de 28 ans originaire d’Amérique centrale, arrive à Suisse en novembre 2023 avec son fils de trois ans et demi. Elle a quitté son pays pour fuir des violences conjugales qui ont mené à une tentative de meurtre de la part du père de son fils et ex-compagnon. Des membres de sa famille (notamment sa sœur qui possède un titre de séjour) l’hébergent à Genève. Elle trouve un travail dans l’économie domestique (garde d’enfants) bien qu’elle soit sans permis de séjour. Elle démarre également une thérapie à cause de la dépression qui la frappe depuis les violences vécues dans son pays d’origine.

En juillet 2025, Alejandra* est victime d’un accident causé par un cycliste alors qu’elle se trouve sur une voie piétonne avec son fils et l’enfant dont elle a la garde. L’accident provoque le renversement de la poussette de ce dernier et cause un grand stress à Alejandra*. Craignant pour la santé du petit, elle demande à une passante d’appeler la police. Cette dernière, une fois sur place, constate qu’elle est sans-papiers, laissent partir le cycliste et emmènent Alejandra* au poste pour l’interroger (sa sœur a pu venir chercher son fils et ses employeur·ses leur enfant). Sans le savoir, elle se trouve à ce moment arrêtée en qualité de prévenue pour infraction à la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI), et ne le comprend qu’une fois menottée.

Au poste, Alejandra* est traitée en criminelle : avec l’aide d’un interprète elle est longuement interrogée, soumise à un test de dépistage de drogue, son téléphone et son sac à mains sont fouillés et elle subit une fouille au corps. Alors que son soutien-gorge lui a été retiré et qu’elle ne porte plus qu’un petit haut léger, elle est interrogée durant plusieurs heures et se sent humiliée. L’anxiété lui cause des nausées et elle vomit à plusieurs reprises: pourtant, la police ne fait pas montre d’empathie et au contraire dit à son interprète «qu’elle n’en mourra pas». Ce n’est qu’après 6 heures de détention, après avoir dû signer des papiers qu’elle ne comprend pas, et sur demande insistante de sa sœur venue la chercher au poste, qu’Alejandra* est finalement libérée. Elle contacte alors le syndicat SIT pour faire valoir ses droits. 

Suite à cet épisode de détention qui affecte lourdement sa santé psychique, Alejandra*, qui continue de suivre une thérapie, est diagnostiquée comme souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique. Un état que l’annonce d’une décision de renvoi prononcée en août 2025 par l’Office cantonal de la population, avec un délai de départ à début septembre, ne fait qu’aggraver. Désespérée, Alejandra* sollicite l’aide au retour pour elle et son fils.

Signalé par: Syndicat SIT

Sources: Décision de renvoi de l’Office cantonal de la population ; résumé de la situation du SIT

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