Une famille afghane NEM était tiers sûr vers la Grèce obtient néanmoins une admission provisoire

Zoya* et Yanis* bataillent 16 mois contre une non-entrée en matière était tiers sûr Grèce, alors que la famille connait de nombreux problèmes de santé psychologique et des violences conjugales. Finalement, le SEM leur délivre une admission provisoire.

Cas 443 / 21.06.2023

Mots-clés: NEM, renvoi, droit à la santé, conditions de vie

Personne·s concernée·s (Prénoms fictifs): Zoya et Yanis* et leurs deux enfants

Origine: Afghanistan

Statut: Permis F (admission provisoire)

Résumé du cas

Zoya* et Yanis* sont originaires d’Afghanistan. Une année après leur mariage, Zoya* commence à subir des violences conjugales de la part de Yanis* et de sa belle-famille. Le couple quitte le pays en 2018 avec leur fille, après avoir reçu des menaces de mort et que le neveu de Zoya* a été assassiné par le régime taliban.

La famille arrive en Grèce en 2018 et obtient, en septembre 2019, une protection subsidiaire. Elle se voit alors couper l’aide financière qu’elle recevait et refuser tout encadrement ou soutien médical par les autorités grecques (voir le rapport du European Council on Refugees and Exiles). Yanis* cherche un logement décent et un travail, sans succès. La fille cadette du couple nait en 2019. Expulsé·es de leur logement, Zoya*, Yanis* et leurs enfants quittent la Grèce et arrivent en Suisse où il et elles déposent une demande d’asile en avril 2021.

En mai 2021, le SEM informe la mandataire de Zoya* et Yanis* qu’il s’apprête à rendre une décision de non-entrée en matière (NEM) Etat tiers sûr vers la Grèce. Dans son droit d’être entendu, la mandataire réplique que le SEM n’a pas procédé à un examen complet des conditions de vie de la famille en Grèce. Elle souligne les problèmes de santé de la famille, suivie psychologiquement, en particulier de Zoya* et de sa fille aînée. Cette dernière répète en boucle des scènes de violences, notamment un incendie dans le camp de réfugié·exs en Grèce où la famille vivait, mais aussi les violences conjugales auxquelles elle a assisté. La mandataire demande que les dossiers des époux soient traités séparément, afin que les pièces du dossier de Zoya* ne soient pas accessibles à Yanis* (article 27 PA). Elle soutient que le renvoi en Grèce de la famille constituerait une violation des art. 3 CEDH, art. 3 CAT et art. 16 CAT, et 3 CDE. Elle recommande au SEM de renoncer au renvoi et d’entrer en matière sur la demande d’asile. Compte tenu de l’état de santé et de vulnérabilité de la famille, la mandataire estime que le SEM devrait appliquer l’art.17 du règlement Dublin III combiné à l’art. 3 CDE et à l’art. 29a al.3 OA1.

La famille se trouve dans le Centre fédéral de Giffers, où les violences sont monnaie courante (voir l’émission de la RTS du 06.05.21), ce qui accroit son mal-être. Durant le mois d’août 2021, la mandataire demande à quatre reprises au SEM d’attribuer la famille à un canton. Début septembre, elle est attribuée au canton de Fribourg. En mai 2022, la mandataire de la famille transmet des pièces médicales supplémentaires au SEM. En août 2022, le SEM rend une décision où il n’entre pas en matière sur la demande d’asile. Toutefois, s’agissant de l’exécution du renvoi, le SEM considère que, compte tenu des circonstances, ce dernier n’est pas raisonnablement exigible à l’heure actuelle et octroie une admission provisoire à Zoya*, Yanis* et à leurs filles.

Questions soulevées

Alors que des organisations internationales révèlent l’absence de prise en charge des personnes réfugiées en Grèce ayant obtenu une protection (rapport du European Council on Refugees and Exiles), comment se fait-il que le SEM continue de rendre des décisions NEM Dublin Etat tiers sûr à destination de la Grèce, notamment pour des familles? Il aura fallu 16 mois au SEM pour renoncer à l’exécution du renvoi de la famille. Considérant les violences conjugales subies par Zoya*, un traitement rapide de la demande d’asile de cette dernière et de ses filles par la Suisse n’aurait-elle pas permis de les protéger davantage? Compte tenu des violences conjugales subies, et de l’importance de la stabilisation de leur statut sur l’évolution de leur état de santé psychologique, le SEM n’aurait-il pas dû traiter leur demande rapidement?

Chronologie

2019: Obtention du statut de réfugié en Grèce (septembre)

2021: Arrivée en Suisse et dépôt d’une demande d’asile (avril)

2022: Décision d’admission provisoire (août)

Description du cas

Zoya* et Yanis* sont originaires d’Afghanistan. Une année après leur mariage, Zoya* commence à subir des violences conjugales de la part de Yanis* et de sa belle-famille. En 2018, alors que leur première fille vient de naître, le couple quitte le pays après avoir reçu des menaces de mort et après que le neveu de Zoya* a été assassiné par le régime taliban. Tout au long de leur parcours migratoire, Zoya* continue d’être victime de violences conjugales, sous les yeux de sa fille aînée.

La famille arrive en Grèce en 2018 et obtient, en septembre 2019, une protection subsidiaire. Elle se voit alors couper la petite aide financière qu’elle recevait et refuser tout encadrement ou soutien médical par les autorités grecques (voir le rapport du European Council on Refugees and Exiles). Yanis* entreprend de nombreuses démarches afin de trouver un logement décent et un travail, sans succès. Leur deuxième fille nait en 2019. En avril 2021, Zoya*, Yanis* et leurs enfants sont expulsés de leur logement précaire et décident de partir de Grèce. Il et elles arrivent en Suisse et déposent une demande d’asile le même mois.

En mai 2021, le SEM informe la mandataire de Zoya* et Yanis* qu’il s’apprête à rendre une décision de non-entrée en matière (NEM) Etat tiers sûr vers la Grèce. Dans son droit d’être entendu, la mandataire réplique que le SEM n’a pas procédé à un examen complet des conditions de vie de la famille en Grèce. Elle souligne les problèmes de santé de la famille. Ceux de Zoya* sont étayés par des documents médicaux: maux de dos, de genoux, troubles anxieux, dépression avec pensées suicidaires. Depuis son arrivée en Suisse, Zoya* reçoit un soutien médicamenteux et un suivi psychologique. Les deux filles présentent des troubles gastriques, un trouble du langage et du développement et un stress posttraumatique. L’aînée répète en boucle des scènes de violences, notamment l’incendie dans le camp de réfugié·exs où la famille vivait en Grèce, mais aussi les violences conjugales dont elle a été témoin. Elle suit également un traitement médicamenteux lourd contre l’anxiété. Le père a un suivi psychologique lié à un stress posttraumatique, conséquence d’une agression infligée par le régime taliban en Afghanistan.

Dans son courrier, la mandataire demande que les dossiers des époux soient traités séparément, afin que les pièces du dossier de Zoya* ne soient pas accessibles à Yanis* (article 27 PA). Elle soutient que le renvoi en Grèce de la famille, connaissant les violences qui existent dans les camps de réfugié·es et le manque de places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales, constituerait une violation des art. 3 CEDH, art. 3 CAT et art. 16 CAT, et 3 CDE, qui garantissent le principe de non-refoulement, assurent l’interdiction de traitements inhumains et dégradants et protègent l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre, la fragilité psychologique de la famille nécessite de poursuivre leur suivi médical. La mandataire recommande au SEM de renoncer au renvoi et d’entrer en matière sur la demande d’asile. Compte tenu de l’état de santé et de vulnérabilité de la famille, la mandataire estime que le SEM devrait appliquer l’art.17 du règlement Dublin III combiné à l’art. 3 CDE et à l’art. 29a al.3 OA1.

La famille se trouve dans le Centre fédéral de Giffers, où les violences sont monnaie courante (voir l’émission de la RTS du 06.05.21), ce qui accroit son mal-être. Le médecin de la fille aînée insiste pour qu’il et elles soient attribués à un canton. La mandataire dépose quatre demandes au SEM en ce sens durant le mois d’août 2021. Début septembre, la famille est attribuée au canton de Fribourg. En octobre 2021, le SEM informe la mandataire de Zoya* et Yanis* de son intention de tenir compte de la violence conjugale dans son instruction, mais qu’il rendra une seule décision pour toute la famille. En mai 2022, la mandataire de la famille transmet des pièces médicales supplémentaires au SEM. En août 2022, le SEM rend une décision où il n’entre pas en matière sur la demande d’asile. Toutefois, s’agissant de l’exécution du renvoi, le SEM considère que, compte tenu des circonstances, ce dernier n’est pas raisonnablement exigible à l’heure actuelle et octroie une admission provisoire à Zoya*, Yanis* et à leurs filles.

Signalé par: Caritas Suisse

Sources: Échanges avec la mandataire ; droit d’être entendu de la mandataire ; décision finale du SEM.

Cas relatifs

Cas individuel — 13/02/2024

Décès d’un jeune demandeur d’asile: la responsabilité directe des autorités suisses

Cas 459 / 13.02.2024 Alam* arrive en Suisse à 17 ans et demande l’asile après avoir vécu des violences en Grèce où il a reçu protection. Les autorités suisses prononcent une non-entrée en matière et son renvoi, malgré des rapports médicaux attestant de la vulnérabilité d’Alam*. Celui-ci met fin à ses jours à la suite du rejet de son recours par le TAF.
Cas individuel — 11/12/2023

Il passe 23 ans en Suisse avant d’obtenir une admission provisoire

Abdelkader* aura passé plus de 23 ans en Suisse avant d’obtenir un permis de séjour. Il lui aura fallu déposer une nouvelle demande de réexamen à l’âge de 62 ans.
Cas individuel — 03/07/2013

Après 20 ans en Suisse, « Houria » se voit réattribuer un statut précaire

« Houria » et sa fille mineure voient leur permis B remplacé, après dix années, par une admission provisoire. Le Tribunal cantonal vaudois, qui reconnaît les efforts d’« Houria » pour trouver un emploi, estime néanmoins que sa détresse psychologique et l’incapacité totale de travailler qui en résulte ne justifient pas sa dépendance à l’aide sociale.
Cas individuel — 20/12/2011

Une rescapée de Srebrenica est renvoyée
malgré de graves problèmes psychiques

« Halida », rescapée du massacre de Srebrenica, demande l’asile en Suisse en 2000 alors qu'elle a à peine 18 ans. 11 ans plus tard, malgré ses troubles psychiques et la naissance d'un bébé, l’ODM puis le TAF vont prononcer son renvoi (et celui de son nouveau-né) vers la Bosnie. Elle n'y a pourtant quasiment plus de repères ni de réseau familial ou social.