Suite au placement du mari en EMS,
l’OCP considère la famille comme dissoute

Lorsque « Zélia », d’origine gabonaise, demande un permis d’établissement (permis C) après 5 ans de mariage avec un ressortissant suisse, l’autorité cantonale commence par refuser en considérant que la famille est « dissoute » suite au placement de son mari en EMS. Il faudra un recours pour que « Zélia » obtienne gain de cause pour « raisons majeures ».

Personne(s) concernée(s) : « Zélia », femme née en 1970

Statut : permis B par mariage permis C après recours

Résumé du cas

En 2005, « Zélia », d’origine gabonaise, épouse un ressortissant suisse et obtient une autorisation de séjour (permis B) qu’elle renouvelle chaque année. En janvier 2010, après cinq ans de mariage, «Zélia» demande l’octroi d’une autorisation d’établissement (permis C), selon les art. 42 et 49 LEtr. Cependant, l’Office cantonal de la population (OCP) refuse de la mettre au bénéfice d’un permis C et procède au renouvellement de son permis B sur la base de l’art. 50 LEtr, considérant que sa famille est « dissoute » à la suite du placement de son mari dans un établissement médico-social (EMS). En octobre 2010, un recours contre la décision de l’OCP invoque l’existence de « raisons majeures » justifiant les domiciles séparés des époux (art. 49 LEtr, art. 76 OASA et directives OASA 6.1.5 et 6.9). En effet, depuis la mise sous tutelle de son mari fin 2005 en raison d’une maladie incurable évolutive, « Zélia », de formation aide-soignante, s’en occupe à domicile, jusqu’à ce que le médecin estime inévitable, en décembre 2008, de le placer en EMS. Même si son mari a, selon son médecin, « eu la chance de pouvoir rester très longtemps chez lui (…) grâce au dévouement de son épouse », cette séparation de domicile n’empêche pas « Zélia » de continuer à lui rendre visite régulièrement et à être, selon une attestation de l’EMS, « très concernée par le bien-être et le confort de son mari ». Ces attestations prouvent que les domiciles séparés des époux découlent d’une nécessité médicale et non de leur volonté commune. L’OCP revient alors sur sa première décision en admettant qu’il y a maintien de la communauté familiale et finit par accorder à « Zélia » un permis C.

Questions soulevées

 La maladie incurable du conjoint n’aurait-elle pas dû être automatiquement considérée comme une exception à l’exigence du ménage commun de l’art. 42 LEtr puisque « des raisons majeures justifiant l’existence de domiciles séparés peuvent être invoquées» (art. 49 LEtr) ?

 La nécessité pour « Zélia » d’avoir dû faire recours, dans un cas aussi manifeste, ne reflète-t-elle pas une pratique toujours restrictive, voire arbitraire à l’égard des permis découlant du mariage ?

Chronologie

2005 : mariage (8 février) ; mise sous tutelle du mari (19 déc.)

2008 : placement du mari dans un établissement médico-social (24 sept.)

2010 : demande d’autorisation d’établissement (janvier) ; refus OCP (7 oct.) ; recours devant la Commission cantonale de recours en matière administrative (25 oct.) ; nouvelle décision OCP (9 déc.)

Description du cas

« Zélia » d’origine gabonaise, se marie avec un homme suisse au mois de février 2005. Elle obtient, suite à une demande de regroupement familial, une autorisation de séjour renouvelable chaque année. Au mois de décembre 2005, son mari est mis sous tutelle par le Tribunal tutélaire, à cause d’une maladie incurable évolutive. Malgré cette maladie, « Zélia », de formation aide-soignante, s’occupe de son mari à domicile pendant trois ans. En septembre 2008, le stade d’évolution de la maladie du mari est tel que le médecin ne voit pas d’autre solution que de le placer dans un établissement médico-social (EMS). Malgré cette séparation de domicile, « Zélia », accompagnée de son petit garçon, lui rend régulièrement visite.

En janvier 2010, « Zélia » se rend à l’Office cantonal de la population (OCP) pour le renouvellement de son autorisation de séjour (permis B), auquel elle fait conjointement une demande de permis d’établissement (permis C) qui peut lui être délivré après ses cinq années de mariage et de vie commune, selon les art. 42 et 49 LEtr. En octobre, l’autorité cantonale considère cependant que la famille de « Zélia » est dissoute suite au placement du mari dans un EMS et décide, par conséquent, de renouveler le permis de « Zélia » en application de l’art. 50 LEtr. Les droits qui découlent de son mariage et de ses années de séjour légal ne sont donc pas pris en compte, comme le permettrait l’application des art. 42 et 49 LEtr, de l’art. 76 OASA ainsi que des directives OASA (6.1.5 et 6.9).

En octobre 2010, un recours devant la Commission cantonale de recours administratif (CCRA) invoque l’existence de « raisons majeures » qui sont indépendantes de la volonté des époux et qui justifient leurs domiciles séparés. La demande de renouvellement de séjour est donc applicable selon les art. 42 et 49 LEtr, ainsi qu’en application de l’art. 76 OASA et des directives OASA (6.1.5 et 6.9). Comme l’atteste le médecin du mari, ce dernier « a souffert d’une maladie incurable évolutive nécessitant son entrée dans un EMS spécialisé dans cette maladie en été 2008 ». De plus, le médecin souligne également que son mari «a eu la chance de pouvoir rester très longtemps chez lui malgré son affection et ceci grâce au dévouement de son épouse, qui prenait en charge les soins nécessaires et importants à domicile ». Selon l’EMS, le mari de « Zélia » la considère « comme son épouse à part entière, et ils forment une famille avec elle et son fils], malgré la séparation due au placement en institution ». De plus, l’institution écrit dans son attestation que « [« Zélia »] participe activement à toutes les fêtes que nous organisons pour les familles et résidants (fêtes de Noël, anniversaire, fête de l’été, réunions d’information), et elle est très concernée par le bien-être et le confort de son mari ». La communauté familiale de « Zélia » avec son époux est donc maintenue et elle a droit à un permis C octroyé à la suite du mariage et d’« un séjour légal ininterrompu de cinq ans » ([art. 42 al. 3 LEtr). En décembre 2010, l’OCP admet que les liens familiaux sont maintenus et qu’il n’existe pas une dissolution de la famille, au sens de l’art. 50 LEtr. En définitive, l’autorité cantonale se prononce en faveur de l’octroi d’un permis C à « Zélia ».

Signalé par : Centre de Contact Suisse-Immigrés (CCSI) à Genève, janvier 2011.

Sources : décision OCP (7.10.10) ; attestation EMS (19.10.10) ; attestation médicale (20.10.10) ; recours (25.10.10) ; nouvelle décision OCP (9.12.10).

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