Pour un document signé par erreur, une famille bataille plus d’un an pour des subsides à l’assurance-maladie
Adrien*, originaire d’Espagne, et Sabine* se marient en septembre 2023. Avant cela, en juin, une demande de subsides à l’assurance-maladie avait été déposée. En février 2024, l’Office cantonal refuse la demande au motif d’un document de garantie de prise en charge signé par erreur dans le cadre de la demande de permis de séjour pour Sabine* (antérieure au mariage). En mars, la famille dépose une opposition en rappelant que ce document n’aurait pas dû être signé et par ailleurs qu’il n’a pas de valeur dans le cadre de la demande de subsides formulée. Il faudra attendre encore un an pour que la famille obtienne gain de cause.
Personnes concernées (*Prénoms fictifs): Adrien*, Sabine* et leur fils
Origine: Espagne
Statut: Permis B
Chronologie
2023 : demande de subsides à l’assurance-maladie (juin) ; mariage (sept.)
2024 : refus par l’Office cantonal (fév.) ; opposition (mars), document complémentaire (avril)
2025 : nouvelle demande de prestations (fév.) ; réclamation acceptée par l’Office cantonal (avril)
Questions soulevées
- Est-il acceptable qu’un subside qui impacte de manière importante le budget d’une famille prennent plus d’un an et demi à être accordé ?
- Pourquoi l’OVAM a-t-il décidé de prendre en compte un revenu hypothétique sans que la loi ne l’y autorise ?
- N’y a-t-il pas un problème de fond sur le canton de Vaud avec des garanties de prise en charge qui ne devraient pas être signées ?
Description du cas
Adrien* est originaire d’Espagne. Il travaille en Suisse et vit avec sa compagne Sabine* et leur fils. En juin 2023, la famille dépose une demande de subsides pour leurs primes d’assurance-maladie auprès de l’Agence d’assurances sociales de la commune. Dans le dossier que le couple dépose, se trouve une « garantie de prise en charge financière », qu’Adrien* a signé dans le cadre de la demande de permis de séjour par regroupement familial en faveur de Sabine* et de leur fils. En octobre, le permis de Sabine* est transmis aux autorités en complément de leur dossier.
En février 2024, l’Office cantonal de l’assurance maladie (OVAM) rejette la demande de prestations au motif que, en signant la garantie de prise en charge, Adrien* s’était engagé à assumer les frais de subsistance ainsi que d’accident et de maladie de Sabine* et de l’enfant.
En mars 2024, avec l’aide d’une mandataire, la famille formule une opposition à l’encontre de ce refus. Elle explique que, dans leur cas, un regroupement familial n’aurait pu dû être conditionné à la signature d’une attestation de prise en charge et que, par ailleurs, ce document n’assure pas de revenu supplémentaire à la famille. Elle ajoute qu’à ce jour, la charge que représentent les primes d’assurance-maladie se situe au-delà des 10% de leur revenu, ce qui donne droit au subside. La mandataire cite diverses jurisprudences (ATF 133 V 265 du 24 avril 2007, arrêt 8C_1041/2012 du 11 juillet 2013, arrêt du SPAS RI.2015.224 du 7 juillet 2015) qui rappellent qu’une garantie de prise en charge est en lien avec le droit des étrangers, mais n’a aucun impact sur le versement de prestations sociales.
En avril 2024, la famille produit un document du Service cantonal de la population reconnaissant de plus que la garantie de prise en charge signée lors de la demande de permis de Sabine* résulte bien d’une erreur. En effet, si un tel document peut être requis lors pour certaines autorisations de séjour (personnes sans activités lucratives notamment), ce n’est pas le cas dans le cadre d’une demande de regroupement familial fondé sur un droit, ce qui est le cas pour Adrien* et Sabine*, marié·es en septembre 2023 (art. 3, annexe 1, ALCP ; art. 42 et art. 52 LEI). En février 2025, la famille dépose une nouvelle demande de prestations. En avril 2025, l’OVAM p admet la réclamation, annule la décision de février 2024 et conclut qu’Adrien* et son fils sont éligibles aux subsides dès le 1er juillet 2023 et que Sabine* y est éligible dès le 1er octobre 2023. Le report du droit aux subsides entre l’arrivée de Sabine en juillet 2023 et son mariage en septembre de la même année pourrait aussi être questionné puisque le type de permis de séjour devrait être sans incidence et que la pratique consistant à accorder des permis type personne sans activité lucrative à des concubins (avec enfants communs) européens est aussi sujette à critique en lien avec l’art. 8 CEDH.
Signalé par: CSP Vaud
Sources: décision de l’OVAM (février 2024) ;courrier d’opposition du CSP Vaud (mars 2024) ; décision de l’OVAM (avril 2025)