Malgré sa bonne intégration, un permis de séjour lui est refusé

« Salman » est en Suisse depuis plus de cinq ans au bénéfice d’une admission provisoire et a su acquérir une indépendance financière. Il remplit les conditions d’octroi d’un permis de séjour pour cas de rigueur, telles que définies à l’art. 84 al. 5 LEtr et à l’art. 31 OASA. Les autorités lui reprochent toutefois de ne pas pouvoir se prévaloir d’une « intégration exceptionnelle ».

Personne(s) concernée(s) : « Salman »

Statut : admission provisoire -> permis B humanitaire

Résumé du cas

« Salman », ressortissant somalien, est mis au bénéfice d’une admission provisoire en 2006 pour inexigibilité du renvoi en raison de la violence généralisée dans son pays. Il suit en 2007 une formation dans les métiers de la restauration. Il est ensuite engagé comme saisonnier dans un hôtel où il est employé six à sept mois par an. Il bénéficie des prestations de chômage entre les saisons et est déclaré financièrement autonome en 2009 par le Service d’action sociale. « Salman » dépose, en 2011, une demande de permis B pour cas de rigueur (art. 30 al. 1 let. b LEtr et art. 84 al. 5 LEtr) auprès du Service de la population et des migrations (SPM), ceci avec l’aide du Centre Suisse-Immigrés du Valais. En 2013, il reçoit une décision négative du SPM qui lui reproche sa dépendance à l’aide sociale antérieure à 2009, la qualifiant « d’échec au niveau de l’intégration ». Le service souligne également ses attaches plus fortes avec la Somalie et la possibilité de réintégration dans son pays d’origine malgré le fait qu’il ne puisse y être renvoyé vu la situation sécuritaire. « Salman » dépose un recours mais suite à une détermination négative du SPM, il décide de le retirer.

Questions soulevées

Est-il adéquat de la part du SPM de reprocher à « Salman » sa dépendance à l’aide sociale antérieure à 2009 et de parler d’un « échec » d’intégration, alors qu’il a su se former, obtenir un emploi et une indépendance financière totale moins de trois ans après son arrivée en Suisse ?

Est-il acceptable de reprocher à un migrant de ne faire partie d’aucune société locale alors que le TF a dans un arrêt récent (ATF 138 I 242) estimé que ce motif ne pouvait être utilisé pour refuser une naturalisation car il existe « de nombreux citoyens suisse qui, en raison de leur caractère ou par choix, ne sont pas membres de telles organisations » ?

Sachant que les personnes admises provisoirement sont souvent en Suisse pour longtemps, est-il dans l’intérêt de la Suisse de prolonger la durée de ce statut précaire même lorsque les personnes ont démontré une intégration professionnelle réussie et qu’en cas de dépendance à l’aide sociale survenant après coup, le canton aurait tout loisir de révoquer l’autorisation accordée ?

Chronologie

2006 : entrée en Suisse, dépôt d’une demande d’asile, rejet de la demande d’asile et octroi d’une admission provisoire

2011 : demande de permis B humanitaire

2012 : refus simplifié du SPM (mai), demande d’une décision formelle (juin)

2013 : décision formelle du SPM (mars), recours au Conseil d’Etat du Valais, détermination négative du SPM, retrait du recours

Description du cas

« Salman », ressortissant somalien, arrive en Suisse en octobre 2006 et y dépose une demande d’asile. Sa demande est rejetée un mois plus tard. Son renvoi étant toutefois considéré comme inexigible, il est mis au bénéfice d’une admission provisoire. En effet, selon l’art. 83 al. 4 LEtr, le renvoi d’un étranger dans son pays est inexigible s’il « le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale ». Le besoin de protection de Salman est donc reconnu.

En 2007, « Salman » suit un cours de cuisine au Centre de formation et d’occupation « Le Botza » qui gère les mesures d’intégration sociale et professionnelle des personnes relevant du domaine de l’asile en Valais. Il est ensuite engagé dans un hôtel. Employé six à sept mois par an, il bénéficie des prestations de chômage entre les saisons. Il est déclaré financièrement autonome en 2009 par le Service d’action sociale, soit trois ans après son arrivée en Suisse. « Salman » dépose, en 2011, une demande de permis B pour cas de rigueur (art. 30 al. 1 let. b LEtr et art. 84 al. 5 LEtr) auprès du Service de la population et des migrations (SPM), ceci avec l’aide du Centre Suisse-Immigrés du Valais. Étant en Suisse depuis cinq ans, financièrement indépendant depuis plus de deux ans, maîtrisant le français et faisant preuve d’un comportement irréprochable, « Salman » tend à remplir les conditions du cas de rigueur (art. 31 al. 1 OASA).

En mai 2012, « Salman » reçoit une décision négative du SPM communiquée par lettre ordinaire « par mesure de simplification ». Il demande alors une décision motivée qu’il ne reçoit qu’en mars 2013, soit 9 mois après la requête et 14 mois après l’introduction de la demande de permis B humanitaire. Dans son argumentation, le service met en avant la période antérieure à 2009 lors de laquelle « Salman » était encore dépendant de l’aide social. Il souligne en effet que « le fait qu’un étranger ne parvienne pas à gérer sa situation de manière indépendante et doive recourir à l’aide sociale pour subsister représente un échec au niveau de l’intégration ». Le SPM considère comme insuffisante l’acquisition d’une indépendance complète de « Salman » depuis 2009 et son indépendance partielle antérieurement. Il ne prend nullement en considération sa maitrise du français et son comportement irréprochable. Le service ignore par ailleurs les efforts d’intégration de « Salman », pourtant concrets et fructueux et lui reproche de ne faire « partie d’aucune société locale car, selon ses dires, son horaire de travail l’en empêche ». Ainsi, selon le SPM, « Salman » ne peut se prévaloir d’une « intégration exceptionnelle ». Le SPM souligne également que « Salman » est en Suisse « depuis 7 ans seulement ». En conséquence, « il ne devrait pas rencontrer de difficultés insurmontables pour renouer des liens en Somalie où il a ses principales attaches familiales, sociales et culturelles. »

Pourtant, comme le souligne ce même service, le renvoi de « Salman » ne peut être raisonnablement exigé au vu de la situation dans son pays d’origine et son besoin de protection étant reconnu par l’octroi de l’admission provisoire. En effet, la guerre civile en Somalie se perpétue et la majorité des requérants se voient octroyer l’asile ou sont mis au bénéfice d’une admission provisoire (statistiques SEM). Dans son recours au Conseil d’Etat du Valais déposé en 2013, la mandataire souligne que dans son appréciation, le SPM ne prend pas en compte les barrières qui restreignent l’accès au marché du travail des requérants d’asile et des personnes admises à titre provisoire.

Invité à se prononcer sur le recours, le SPM envoie une détermination négative au Conseil d’Etat, sans pour autant se prononcer sur les arguments invoqués. Découragé, « Salman » décide de retirer le recours.

Signalé par : CSI Valais – mai 2015

Sources : demande de permis B humanitaire déposé par la mandataire (12.05.2011) ; courrier du SPM (16.05.2012) ; demande d’une décision motivée de la mandataire (12.06.2012) ; décision formelle du SPM (14.03.2013) ; recours auprès du Conseil d’Etat du Valais (17.04.2013) ; détermination du SPM sur le recours (03.06.2013) ; courrier du Service administratif et juridique de l’Etat du Valais (05.06.2013) ; retrait du recours (12.06.2013)

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