Le savoir-faire du TAF pour minimiser les persécutions subies

La famille "Zhika", rom de Voïvodine, se voit refuser l’asile par l’ODM et le TAF, malgré les multiples exactions subies suite à un premier renvoi en Serbie. Les autorités minimisent les persécutions et lui demandent des preuves formelles impossibles à réunir.

Personne(s) concernée(s) : Famille « Zhika »: un couple et ses deux filles

Statut : Demandeurs d’asile (deuxième demande d’asile)

Résumé du cas

Revenue en Suisse en 2003 après un renvoi en Serbie en 2001 suite à une première demande d’asile, la famille « Zhika », d’origine Rom, explique qu’elle y a été constamment insultée, menacée et rackettée. Malgré ses plaintes, la police a refusé de la protéger. Arrêté pendant deux mois après le renvoi de 2001, le père de famille a été fréquemment interpellé et battu par cette même police. Saisi d’un recours, le TAF confirme le rejet de la deuxième demande d’asile. Pour nier la qualité de réfugié, il minimise chaque fait sans les prendre en compte dans leur ensemble. Le racket n’est plus mentionné, ni les coups reçus à chaque interpellation, que le TAF qualifie de « brèves convocations ». Le refus d’agir de la police suite aux plaintes est lui-même mis en doute, car celles-ci ne sont pas prouvées par une attestation. Au final ce que les « Zhika » ont vécu n’atteint pas une intensité suffisante, et le TAF prétend qu’ils pourraient de toute façon s’installer ailleurs en Serbie. Le TAF applique ainsi sa conception courante à l’égard des Roms en Serbie : ils sont « fréquemment victimes de brimades ou autres tracasseries », mais il ne s’agit pas « d’actes systématiques de violence ou de graves discriminations ».

Questions soulevées

 Comment cette famille peut-elle obtenir de la police serbe, qui la persécute, un document attestant du dépôt d’une plainte? Comment peut-elle prouver que la police serbe ne fait rien pour la protéger?

 Pourquoi le TAF s’emploie-t-il à isoler et à minimiser les exactions vécues par cette famille rom en Serbie, plutôt que d’admettre que leur cumul rend sa situation invivable et justifie sa demande d’asile?

 Les autorités n’ont-elles pas tendance à banaliser grossièrement les persécutions subies par une minorité comme les Roms en Serbie, en se contentant de tout assimiler à de simples brimades et tracasseries ?

Chronologie

1997 : 21 avril : dépôt d’une première demande d’asile en Suisse

1997 : 26 juin : décision négative de l’ODR suivie de trois demandes de réexamen infructueuses

2001 : 25 décembre : renvoi effectif en Serbie

2003 : 26 décembre : retour en Suisse et dépôt d’une deuxième demande d’asile

2004 : 24 février : décision négative de l’ODM suivie d’un recours (29.3.04)

2007 : 8 juin : rejet du recours par le TAF entraînant l’exécution du retour

Description du cas

La famille « Zhika » vit en Serbie (Voïvodine) et fait partie de la minorité rom (tzigane). En 1997 déjà, elle dépose une première demande d’asile en Suisse, expliquant qu’en raison de leur appartenance ethnique, ses membres ont été victimes d’insultes, de discriminations et de menaces. L’ODR leur refuse l’asile. La famille ne dépose pas de recours mais va tenter par trois fois de faire réexaminer son cas, en vain. En 2001, toute la famille repart en Serbie.

Après son rapatriement, le père de famille est arrêté et détenu pendant deux mois par la police, qui l’interroge sur son séjour en Suisse. Tous les membres de la famille sont à nouveau insultés et menacés à cause de leur origine ethnique. Plus grave: ils sont victimes à plusieurs reprises de racket. Les racketteurs tabassent le père de famille et menacent de violer les filles. Les plaintes que la famille dépose alors auprès de la police serbe restent sans suite. Pire: le père de famille explique que la police, selon lui de mèche avec la mafia qui les rackette, l’a arrêté près de vingt fois, lui a reproché de ne pas avoir participé à la guerre et l’a battu à plusieurs reprises. La mère, qui connaît des problèmes de santé, n’est pas prise en charge par les structures de soins en raison de son appartenance ethnique. En 2003, usée par ce cumul de discrimination et de persécution, la famille « Zhika » fuit à nouveau en Suisse et y dépose une seconde demande d’asile.

L’ODM la rejette, car il estime notamment que les déclarations de la famille « Zhika » ne remplissent pas les exigences de vraisemblance. La famille « Zhika » fait recours devant le TAF. Ce dernier confirme et complète le 8 juin 2007 la position de l’ODM. Pour commencer, le TAF affirme dans son arrêt que les tziganes de Serbie ne sont pas l’objet d’actes systématiques de violence et que les autorités serbes « ne renoncent en règle générale pas à poursuivre les auteurs d’exactions ». Partant de cette affirmation globale, le TAF s’emploie à nier les persécutions particulières auxquelles la famille « Zhika » a été confrontée. Le racket et les menaces de viol sont passés sous silence. Le TAF reproche aux « Zhika » de n’avoir pu apporter la preuve que des plaintes ont été déposées et que la police n’a pas su les protéger, comme si la police allait fournir, à ceux qu’elle discrimine, une attestation démontrant son inaction. Les deux mois d’emprisonnement de Monsieur « Zhika » après le rapatriement en 2001 sont considérés comme trop anciens. Pour le reste, le TAF parle des arrestations du père de famille en termes de « brèves convocations » qui « ne représentent pas des atteintes à la liberté d’une intensité suffisante ». Enfin, il suggère à la famille de s’installer ailleurs en Serbie, passant sur le fait que le racket mafieux et l’animosité de la police envers les Roms sont deux phénomènes que l’on retrouve dans tout le pays. Dans son appréciation du caractère invivable de leur vie en Serbie, le TAF ne prend jamais en compte la situation de cette famille dans sa globalité et ne tient pas compte du cumul de discriminations et de persécutions qu’elle y a subi.

En ce qui concerne l’exigibilité du renvoi, compte tenu de problèmes d’hypertension de Monsieur « Zhika », dont le médecin prévient que l’évolution sera « catastrophique » sans traitement, et d’autres problèmes en cours d’investigation, le TAF considère que « s’il est notoire que les Roms de Serbie sont la cible de discriminations, notamment dans le domaine de la santé, elles se limitent, en général, en ce qui concerne l’accès aux soins, à des comportements inamicaux (…), les refus de soins ne représentant que des exceptions ».

Signalé par : Site Web du TAF

Sources : Décision du TAF du 8 juin 2007 D-3257/2006

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