En Suisse depuis 10 ans et chargée seule de trois enfants dont l’une en situation de handicap, sa demande de permis B est préavisée négativement au motif qu’elle ne travaille pas
Imène* arrive en Suisse en 2014, avec son époux et leurs deux enfants âgés de 4 et 6 ans. La famille reçoit une admission provisoire (permis F). La dernière enfant du couple naît en 2015 et est rapidement diagnostiquée d’un trouble de développement général et d’un TSA. Imène* se sépare de son mari en raison de violences conjugales. Celui-ci refusant de maintenir des liens avec sa famille, Imène* se retrouve seule en charge des 3 enfants. En 2024, après dix ans passés en Suisse, elle dépose une demande de transformation de permis F en B pour elle et ses enfants, auprès du Service de la population de son canton. En mai 2025, l’autorité cantonale l’informe de son intention de refuser la demande. L’autorité considère que son intégration ne serait pas réussie, en raison de sa dépendance à l’aide sociale. Le fait qu’Imène* doivent s’occuper seule de trois enfants dont la cadette nécessite une attention constante et rapprochée n’est aucunement pris en compte. La procédure est en cours.
Personne concernée (*Prénom fictif): Imène*
Origine: Algérie
Statut: Permis F
Chronologie
2014 : arrivée en Suisse et demande d’asile (juin), obtention du permis F
2015 : naissance de Djenna* ; séparation du couple
2024 : demande de permis B pour Imène et ses enfants (août) 2025 : préavis de refus du SPOP (mai) ; réponse au droit d’être entendu (juillet)
Questions soulevées
- Comment se fait-il que le canton ne tienne aucunement compte de la particularité de la situation d’Imène*, qui travaille en réalité à temps plein en tant que proche aidante de son enfant en situation de handicap ?
- L’admission provisoire n’est pas une autorisation de séjour mais une décision de renvoi suspendue, prévue pour être temporaire. Comment se fait-il que des personnes dont le renvoi est durablement inexigible continue à vivre avec ce statut durant plus de dix ans ?
- Peut-on réduire l’intégration à l’indépendance économique en occultant les réussites scolaires, familiales et associatives obtenues malgré des obstacles considérables ?
Description du cas
Originaire d’Algérie, Imène* arrive en Suisse en 2014 avec son époux et leurs deux enfants âgés de six et quatre ans. La famille demande l’asile et reçoit une admission provisoire (permis F). En 2015, Imène* donne naissance à sa fille Djenna*.
Imène* se sépare de son mari en raison de violences domestiques. Ce dernier refusant de garder un contact avec sa famille, Imène* se retrouve seule avec ses trois enfants. Djenna*, la cadette, est diagnostiquée d’un trouble global du développement ainsi que d’un TSA, demandant un accompagnement médical général et des suivis spécialisés en ergothérapie, logopédie et psychologie sur le long terme. Ces rendez-vous ayant lieu durant les horaires habituels de travail, Imène* rencontre d’importantes difficultés à exercer une activité professionnelle. Néanmoins, elle s’investi autant que possible pour tenter de s’insérer sur le marché de l’emploi : elle travaille en tant qu’interprète au sein du foyer où elle habite, effectue plusieurs stages et suit de nombreux programmes de formation. Imène* enseigne par ailleurs l’arabe à temps partiel dans un cadre associatif local.
En août 2024, alors qu’elle séjourne en Suisse depuis 10 ans, Imène* dépose une demande de transformation de permis F en permis B pour elle et ses trois enfants, auprès du Service de la population du canton où elle réside. En mai 2025, celui-ci annonce son intention de refuser sa demande sous prétexte qu’Imène* est dépendante de l’aide sociale et que, ses enfants étant scolarisés, elle pourrait exercer une activité lucrative.
Usant de son droit d’être entendu, Imène, appuyée par une mandataire, explique que sa difficulté à exercer une activité lucrative découle de sa situation de mère célibataire et de proche aidante. Elle rappelle que, d’après la jurisprudence du Tribunal cantonal (PE.2010.0174), d’autres critères tels que le niveau d’intégration, la situation familiale et l’exigibilité d’un retour dans le pays d’origine doivent être pris en compte pour l’octroi du permis B. Dans leur cas, il y a donc lieu de considérer que les enfants sont parfaitement intégré·es : les deux aînés ont respectivement commencé un CFC et le gymnase, et grâce à la présence et à l’encadrement soutenu de sa mère, la cadette est en mesure, malgré son TSA, d’aller à l’école et suivre un parcours scolaire aussi normal que possible. Enfin, la mandataire d’Imène rappelle que, selon un arrêt du TAF, il convient de relativiser l’importance de la dépendance financière du moment où celle-ci ne résulte pas d’un comportement fautif de la personne (TAF C-5718/2010). La procédure est en cours.
Signalé par : SAJE Vaud
Sources : Demande de permis B, intention de rejet du Spop, réponse au droit d’être entendu.