Décision de renvoi du père d’un enfant
suisse à cause de son passé pénal
« Saïdou », requérant d’asile débouté, vit en Suisse depuis 1996. En 1998, il est condamné à 18 mois de prison avec sursis. En 2001, il est emprisonné 5 jours. En 2003, un enfant naît de sa relation avec une suissesse. Il demande en 2007 un permis pour vivre auprès de son fils, mais l’ODM refuse, retenant son manque d’intégration et ses condamnations pénales.
Mise à jour
Renvoi de « Saïdou » confirmé Le 19 mars 2012, le TAF a confirmé la décision de renvoi de « Saïdou ». Les dix années sans infraction à la loi suisse et les liens réels que « Saïdou » entretient avec son fils ne suffisent pas à lui donner le droit de rester en Suisse. On lui reproche son manque de lien économique avec son fils alors que « Saïdou » est interdit de travailler. Le Tribunal estime que les liens père-fils pourront être maintenus par des visas touristiques et les moyens de communication à distance.Personne(s) concernée(s) : « Saïdou », homme né en 1968
Statut : demande d’asile rejetée permis B humanitaire refusé
Résumé du cas
« Saïdou » arrive en Suisse en 1996 et y dépose une demande d’asile, laquelle est rejetée l’année suivante sans que le renvoi ne puisse être exécuté. En 1998, après avoir fait près de 19 mois de détention préventive, il est condamné à 18 mois de prison avec 5 ans de sursis pour infraction à la Loi sur les stupéfiants (LStup). En 2000, il fait la rencontre d’une suissesse. En 2001, il est emprisonné 5 jours pour infraction à la même loi. L’année suivante, un enfant naît de sa relation avec la jeune femme suisse. À la naissance de l’enfant, le couple est séparé, mais « Saïdou » continue à voir régulièrement son fils qu’il a officiellement reconnu. En 2008, soit 7 ans après sa dernière condamnation, il fait une demande de permis B humanitaire auprès de l’OCP afin de pouvoir assumer son rôle de père. L’OCP y est favorable, mais l’ODM prend en 2010 une décision négative, impliquant le renvoi hors de Suisse. L’ODM considère principalement que le comportement de « Saïdou » n’est pas exemplaire au vu de ses condamnations pénales et que la relation avec son enfant n’est pas suffisamment étroite et effective. Or, la mère de l’enfant atteste elle-même dans une lettre écrite que « Saïdou » a fait « par sa présence et par ses soins, la preuve de son indéfectible amour. Une a deux fois par semaine, durant toutes ses années, il est venu rendre visite à son fils, chez moi, durant de longues heures ». Selon l’ODM, l’art. 8 CEDH n’est pas applicable et le renvoi de « Saïdou » n’entrave pas son droit de visite, lequel « pourra cependant s’exercer depuis l’étranger par des contacts téléphoniques par exemple ». Saïdou a fait recours devant le TAF, qui doit encore se prononcer.
Questions soulevées
Le refus d’autorisation de séjour et la décision de renvoi du père ne sont-ils pas en contradiction avec l’intérêt de l’enfant (art. 3 de la Convention des droits de l’enfant) à bénéficier de son père autrement que par téléphone ?
N’est-il pas disproportionné d’invoquer une condamnation avec sursis vieille de 12 ans et une détention de 5 jours datant d’il y a 9 ans comme des faits justifiant un renvoi ?
Chronologie
1996 : arrivée en Suisse et demande d’asile (juin)
1997 : refus de la demande d’asile ; mise en détention préventive (février)
1998 : condamnation à 18 mois de prison avec sursis et fin de la détention préventive (11 sept.)
2001 : condamnation à 5 jours de prison
2003 : naissance de l’enfant
2008 : demande d’autorisation de séjour (12 décembre)
2009 : préavis positif du canton (28 avril)
2010 : refus de l’ODM (13 septembre) ; recours au TAF (12 octobre)
NB : une décision du TAF est en attente
Description du cas
En 1996, « Saïdou » arrive en Suisse et y dépose une demande d’asile, laquelle est refusée l’année suivante. Par la suite, « Saïdou » continue à y séjourner sans autorisation. En 1997, il est arrêté et placé en détention préventive, accusé d’avoir commis une infraction à la Loi sur les stupéfiants (Lstup). En septembre 1998, après avoir passé près de 19 mois en détention préventive, il est condamné à 18 mois de prison avec 5 ans de sursis. Il sera également emprisonné 5 jours en 2001 pour le même motif. En 2000, il fait la connaissance d’une suissesse avec laquelle il a un enfant en 2003. Le couple se sépare à la fin de la grossesse, mais « Saïdou » reconnaît officiellement son fils avec lequel il entame une relation étroite. Depuis lors, il lui rend visite une à deux fois par semaine au domicile de la mère et pendant de longues heures. Depuis 2009, « Saïdou » exerce également un droit de visite officiel de trois heures par semaine à un point de rencontre.
En 2008, dans l’espoir de rester en Suisse auprès de son fils, « Saïdou » dépose une demande de permis B humanitaire auprès de l’office cantonal de la population (OCP). « Saïdou » écrit au sujet de son fils: « j’aimerais non seulement le voir grandir et participer à son éducation, mais contribuer également au niveau financier à son entretien, objectif que je ne peux pour l’instant pas atteindre faute de permis et d’emploi fixe ».
En avril 2010, l’autorité cantonale se prononce pour l’octroi d’une autorisation de séjour au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEtr, mais l’ODM la refuse et prononce une décision de renvoi hors de Suisse. À l’appui de sa décision, l’autorité fédérale relève l’existence des deux condamnations pénales malgré leur ancienneté, le sursis accompagnant la première et le caractère très limité de la deuxième. Par ailleurs, la relation que « Saïdou » entretient avec son fils, laquelle est qualifiée par la mère d’« affection assidue » et de « bienveillante affection » ne justifie pas, selon l’ODM, le droit au respect de la vie privée et familiale prévu par l’art. 8 CEDH. L’autorité fédérale retient que « Saïdou » « n’a jamais vécu avec son fils », quand bien même il n’a jamais cessé de lui rendre visite depuis sa naissance. En définitive, l’ODM est d’avis qu’« un départ de Suisse de l’intéressé compliquera certes la relation avec son enfant. Celle-ci pourra cependant s’exercer depuis l’étranger par des contacts téléphoniques par exemple ».
En octobre 2010, « Saïdou » dépose un recours au TAF dans lequel il fait valoir, outre le caractère limité de ses condamnations, le respect de l’art. 3 CDE. En outre, invoquant l’art. 8 CEDH, « Saïdou » argue que son intérêt privé, ainsi que celui de son fils, à poursuivre une relation étroite et effective en Suisse devrait l’emporter sur l’intérêt public à le renvoyer. À ce sujet, l’enseignante de l’enfant écrit dans une lettre que : « le renvoi de Saïdou serait sans aucun doute un traumatisme énorme pour son petit garçon de 7 ans (…) comment expliquer à l’enfant que son pays refuse d’accueillir son père biologique ! ». A fortiori, l’assistante sociale au Service de la protection des mineurs souligne la qualité et l’importance de la relation père-fils, laquelle est défendue également par la mère qui écrit que son fils a « le droit de bénéficier d’un contact direct avec son père. Il est sa famille, rien à ses yeux ne peut justifier une telle privation ». Au moment de la rédaction de la fiche, le TAF doit encore statuer sur le recours.
Signalé par : Centre de Contact Suisses-Immigrés (CCSI) de Genève, octobre 2010.
Sources : demande OCP (12.12.08) ; préavis OCP (28.04.10) ; décision ODM (13.09.10) ; recours au TAF (12.10.10) ; autres pièces utiles au dossier.