Accès à la justice impossible : Victime d’un accident de bus et blessée, les policiers l’interrogent sur son statut

Amelia*, travailleuse dans l’économie domestique, vit à Genève plus de dix ans sans statut légal avant d’être régularisée. Néanmoins, les conditions précaires de son emploi l’empêchent de renouveler son permis de séjour. En août 2025, Amelia* est grièvement blessée dans un accident survenu dans un bus TPG. Alors qu’elle saigne de la tête et se trouve en état de choc, la police, au lieu de faciliter sa prise en charge médicale, l’isole et l’interroge pendant plus d’une heure sur son statut légal. Menacée d’être poursuivie pour séjour illégal, elle renonce à se rendre à l’hôpital par peur. Elle ne reçoit des soins que le lendemain, encouragée par ses proches. Depuis, elle est la cible d’appels téléphoniques insistants de la police.

Personne concernée: Amelia*

Origine: Asie de l’est

Statut: Sans-papiers

Chronologie

2005: arrivée en Suisse (août)

2019: régularisation lors de l’opération Papyrus 

2020: refus de renouvellement de son titre de séjour (mai) 

2025: accident puis interrogatoire par la police quant à son statut (août)

Questions soulevées

  • La police ne devrait-elle pas garantir la sécurité et l’accès aux soins d’Amelia* au lieu de se focaliser sur son statut administratif ? Comment justifier un interrogatoire d’une heure alors qu’Amelia* est de toute évidence blessée et en état de choc ?
  • Comment est-ce possible qu’une personne âgée de 60 ans avec un traumatise crânien évident ne soit pas immédiatement prise en charge et, pire encore, dissuadée de se rendre à l’hôpital – alors qu’à cet âge de telles blessures peuvent être graves ? Cela n’équivaut-il pas à une non-assistance à personne en danger ?
  • Quelles mesures sont prévues pour protéger les personnes régularisées contre la retombée dans la précarité et l’irrégularité ?

Description du cas

C’est au cours de l’opération Papyrus (une opération de large ampleur de régularisation des personnes sans-papiers résidant à Genève depuis 5 ou 10 ans) qu’Amelia* obtient son permis de séjour, après avoir vécu et travaillé à Genève pendant plus de dix ans. 

Malgré l’obtention de son permis, ses mauvaises conditions de travail dans le secteur de l’économie domestique la plongent dans la précarité : elle ne parvient plus à payer ses factures, se retrouve aux poursuites, doit quitter son logement et ne parvient pas à se reloger… un enchaînement qui, in fine, lui font perdre son autorisation de séjour, 

En août 2025, elle est victime d’un accident dans les transports publics genevois. Le bus dans lequel elle se trouve effectue un freinage d’urgence, projetant les passager·ères vers l’avant et causant plusieurs blessé·es. L’accident est suffisamment grave pour qu’une ambulance et la police soient dépêchées sur place.

Amelia*, âgée de 60 ans, saigne de la tête, est en état de choc et a besoin de soins médicaux. Pourtant, les policiers la mettent à l’écart du groupe d’usager·ères victimes de cet accident. Ils la questionnent sur son statut et, malgré son désarroi, l’interrogent durant une heure, alors qu’elle est en sang, sur ses conditions de séjour. Menacée par la police d’être condamnée pour séjour illégal, elle renonce à se rendre à l’hôpital par peur.

Ce n’est que le lendemain, encouragée par ses ami·es, qu’elle décide de tout de même s’y rendre. Depuis la nuit de l’accident, elle a été relâchée, mais continue d’être harcelée par des appels des policiers qui l’ont interrogée et qui lui demandent si elle a régularisé sa situation. 

Signalé par : Syndicat SIT

Sources: dossier de presse

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