Suisse : Le GREVIO demande une meilleure protection des femmes migrantes victimes de violences conjugales

Suisse, 23.11.2022 – Le 15 novembre 2022, le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur l’action contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) a publié son rapport d’évaluation de référence sur la Suisse. Ce document analyse la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul par la Suisse et constate certaines améliorations politiques depuis la ratification de la Convention. Il pointe néanmoins plusieurs manquements qui entravent toujours un réel processus de prise en charge et de protection des victimes. 

Le GREVIO souligne notamment les obstacles que rencontrent les victimes de violence domestique migrantes, et dont le statut dépend de la vie commune avec leur conjoint, pour obtenir un permis de séjour autonome : exigence d’un certain seuil d’intensité des violences, insuffisance de la prise en compte des violences psychologiques, fait que la victime doive démontrer la volonté de contrôle de son agresseur, entre autres. Le GREVIO relève en outre des disparités cantonales concernant le niveau de preuves exigé.

Dans le domaine de l’asile, le rapport critique également l’absence d’une procédure de dépistage précoce des situations de violences sexistes et sexuelles, ainsi que « l’évaluation très restrictive par le SEM de la crédibilité des allégations au cours de la procédure », alors même que des contradictions ou des allégations considérées tardives sont souvent des conséquences directes d’un état de stress post-traumatique. 

Sur la base de ces constats, le GREVIO formule un certain nombre de recommandations à l’attention des autorités suisses dont nous partageons un extrait ci-dessous.

Source : Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), Rapport d’évaluation de référence – Suisse, publié le 15 novembre 2022

Recommandations du GREVIO adressées aux autorités suisses

Le GREVIO exhorte les autorités suisses : 

à intensifier leurs efforts visant à offrir aux femmes migrantes victimes de violence dont le statut dépend de celui de leur conjoint, un accès à une autorisation de séjour autonome, afin de leur permettre d’échapper aux situations d’abus. Pour ce faire, elles devraient veiller à l’optimisation sur l’ensemble du territoire du traitement des demandes d’autorisation de séjour pour « cas de rigueur » par le biais de lignes directrices concernant l’interprétation de la législation en vigueur et d’une meilleure sensibilisation et formation des professionnels amenés à traiter de ces cas aux divers niveaux d’autorité à propos de la violence à l’encontre des femmes 

à prendre des mesures afin de mieux informer les femmes migrantes des possibilités d’obtenir un titre de séjour autonome en cas de violences.

Le GREVIO encourage vivement les autorités suisses : 

à veiller à ce que les femmes et filles demandeuses d’asile bénéficient d’un soutien optimal dans la procédure d’asile, afin qu’elles aient la possibilité de révéler tous les motifs pour lesquels elles demandent une protection internationale. Les autorités suisses devraient en particulier prendre des mesures pour améliorer la capacité de détection des cas de violence à l’encontre des femmes et l’évaluation de la capacité des pays d’origine à assurer une protection effective.

à adopter, pour tous les centres d’hébergement, des lignes directrices sensibles au genre afin d’améliorer la protection des femmes et des filles demandeuses d’asile et à introduire des mesures et des outils pour permettre la détection précoce des femmes victimes de violence fondée sur le genre ; 

à prendre des mesures pour améliorer l’accès des femmes et des filles demandeuses d’asile victimes de violence aux services de soutien spécialisés et, le cas échéant, à la procédure juridique.
(GREVIO, Rapport d’évaluation de référence – Suisse,15 novembre 2022, points 265, 272 et 280, pp. 78 – 82) 

Cas relatifs

Cas individuel — 10/04/2025

Des violences conjugales reconnues par un Centre LAVI sont jugées trop peu intenses par les tribunaux

Eja*, originaire d’Afrique de l’est, rencontre Reto*, ressortissant suisse, en 2019. Leur mariage est célébré en avril 2021 et Eja* reçoit une autorisation de séjour. L’année qui suit est marquée par des disputes et des violences au sein du couple, et une première séparation de courte durée. En février 2023, Eja* consulte le Centre LAVI du canton, qui la reconnait victime d’infraction. En juillet, Eja* dépose une plainte pénale contre son époux pour harcèlement moral, rabaissements et injures, discrimination raciale et contraintes. En novembre 2023, Eja* dépose une deuxième plainte. Son médecin confirme des symptômes de stress émotionnel élevé. En février 2024, le SPoMi révoque l’autorisation de séjour d’Eja* et prononce son renvoi de Suisse, au motif que la durée effective de la communauté conjugale n’a pas dépassé trois ans. En août 2024, le Tribunal cantonal rejette le recours déposé par Eja*, au motif que l’intensité des violences psychologiques n’atteint pas le seuil exigé par la jurisprudence. Le Tribunal conclut à l’absence de raison personnelle majeure permettant de justifier le maintien de l’autorisation de séjour d’Eja*. Le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 14 novembre 2024, confirme la décision du SPoMi et rejette le recours d’Eja*.
Cas individuel — 16/12/2022

Victime d’abus sexuels, elle est menacée de renvoi

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Cas individuel — 15/03/2012

Pas de permis pour une ado victime
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