Restructuration du domaine de l’asile : bilan critique des juristes indépendant·e·s

Dans un rapport paru le 8 octobre 2020, la « Coalition des juristes indépendant·e·s » dresse le bilan de la première année de la nouvelle procédure d’asile mise place depuis mars 2019. Le rapport offre une analyse qualitative et quantitative reposant sur les statistiques du SEM et du TAF, ainsi que sur une base de données de cas que la Coalition a elle-même compilés.

Parmi les constats principaux, les juristes dénoncent un rythme des procédures trop rapide : les faits pertinents en matière d’asile sont trop souvent insuffisamment établis par le SEM. En témoigne le taux élevé d’arrêts du TAF donnant tort au SEM (24% dans les procédures accélérées). La Coalition explique cela par le fait que trop peu de demandes sont transférées depuis la procédure accélérée vers la procédure étendue. Pour la Coalition, la pression due au rythme des procédures entraîne en outre une baisse de la qualité des arrêts du TAF. Pour illustrer cela, le rapport offre différents exemples concrets de situations compilées par l’ODAE suisse.

Le rapport montre également que la protection juridique financée par l’État ne fonctionne pas correctement. Elle révoque son mandat de défense trop fréquemment, et souvent à tort, alors que les représentant·e·s juridiques indépendant·e·s gagnent de nombreux recours. La Coalition souligne aussi que le taux de recours déposés par la protection juridique dans les centres fédéraux d’asile varie beaucoup d’une région à l’autre : ce taux est quatre fois plus élevé en Suisse romande qu’en Suisse orientale.

Sur la base de ces constats, le rapport pose différentes exigences, parmi lesquelles le respect par le SEM de sa responsabilité en matière d’établissement des faits ; un meilleur tri entre procédure accélérée et procédure étendue ; une prolongation des délais de recours et des délais de traitement des recours par le TAF ; l’adoption d’une pratique de révocation moins restrictive de la part de la protection juridique financée par l’État.

Source : Coalition des juristes indépendant·e·s, Restructuration du domaine de l’asile : Bilan de la première année de mise en œuvre, rapport 2020.

Voir également : ODAE romand, « Procédures accélérées : le TAF reprend le SEM sur sa manière de trier les dossiers d’asile », brève du 22.06.2020. ODAE suisse, cas 364 à 368, septembre 2020.

Cas relatifs

Cas individuel — 29/10/2024

Quatre ans de procédure pour se voir reconnaître son statut de victime de violences domestiques

Arrivée en Suisse en 2018 à la suite de son mariage avec un ressortissant suisse, Amanda* est rapidement victime de violences domestiques. À la suite de la séparation du couple, et malgré les documents attestant des violences subies par Amanda* ainsi que de ses craintes, fondées, de représailles de sa belle-famille en cas de retour, le SEM refuse de renouveler son autorisation de séjour et prononce son renvoi vers le Sri-Lanka. Amanda* dépose un recours au TAF contre cette décision. En août 2023, le TAF lui donne raison : il annule la décision du SEM et ordonne l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur d’Amanda* sur la base de l’art. 30 LEI qui permet de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte de cas individuels d’une extrême gravité (F-2969/2020). Le TAF que reconnait les violences domestiques subies par Amanda* – que le SEM avait minimisées, voire niées – et leurs conséquences sur son état de santé, tout comme les difficultés de réintégration en cas de retour au pays d’origine, constituent des éléments suffisants pour admettre la prolongation de son séjour en Suisse.
Cas individuel — 18/03/2014

Après 4 ans en Suisse l’ODM veut les renvoyer en Pologne

Gravement menacés en Géorgie, « David » et « Liana » cherchent refuge en Suisse avec leur enfant, après avoir séjourné en Pologne. L’ODM prononce une décision de transfert « Dublin » vers ce pays, confirmée 4 ans après par le Tribunal administratif fédéral en dépit de la naissance d’un deuxième enfant et des troubles psychiques de « David » et de l’aîné.