Restrictions aux renvois « Dublin » vers l’Italie

En décembre 2019, le TAF a étendu la jurisprudence Tarakhel (CourEDH, affaire Tarakhel c. Suisse) aux personnes souffrant de maladie grave ou chroniques. Désormais, la Suisse ne peut plus renvoyer des familles et des personnes vulnérables vers l’Italie, tant et aussi longtemps que les autorités italiennes ne fournissent pas des garanties individuelles portant sur une prise en charge et un hébergement adapté.

Dans cet arrêt de référence (E-962/2019 du 17 décembre 2019) le TAF relève que suite à l’entrée en vigueur du décret « Salvini », le système d’asile italien comporte de nombreux obstacles susceptibles d’entraver l’accès des requérant∙e∙s à la procédure d’asile et aux prestations d’accueil. Il relève également que les standards en matière d’accueil et d’accès à la procédure d’asile varient considérablement d’une région à l’autre et que les conditions se sont détériorées dans les centres d’hébergement. Le TAF ne conclut cependant pas à des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et le système d’accueil en Italie, et estime donc qu’il n’y a pas lieu de renoncer de manière générale aux renvois « Dublin » des requérant∙e∙s d’asile vers l’Italie.

A la lumière de ses récents constats, publiés dans son rapport sur les conditions d’accueil en Italie, l’OSAR recommande aux autorités suisses de renoncer aux renvois vers l’Italie, de manière générale.

Sources : Arrêt du TAF E-962/2019 du 17 décembre 2019 ; TAF, Communiqué de presse, 17 janvier 2020 ; OSAR, Les personnes requérantes d’asile en Italie menacées de violations des droits humains, 21 janvier 2020.

Voir également : ODAE romand, L’OSAR recommande à la Suisse de renoncer à transférer les requérant∙e∙s d’asile en Italie, en particulier les personnes vulnérables, brève, 22 octobre 2019 ; ODAE romand, La Suisse viole (encore) la Convention de l’ONU contre la torture dans un cas de renvoi vers l’Italie, brève, 30 janvier 2019.

Cas relatifs

Cas individuel — 04/03/2025

Renvoi Dublin vers la Croatie: le TAF reconnait que le SEM fait fi de l’avis des médecins

Le SEM refuse d’entrer en matière sur la demande d’asile de Ahmad*, originaire d’Afghanistan, au motif que la Croatie serait l’État responsable de sa prise en charge (art.31a LAsi ; règlement Dublin III). Ahmad* passe les six mois de son délai de renvoi Dublin dans l’angoisse, connait plusieurs épisodes d’hospitalisation notamment en raison d’une tentative de suicide. Début novembre 2023, Ahmad* demande au SEM d’entrer en matière sur sa demande d’asile au vu du fait que le délai de son transfert est échu. Mais le SEM refuse et Ahmad* dépose un recours auprès du TAF. Dans son arrêt du 21 juin 2024, le tribunal constate qu’Ahmad* a été hospitalisé à plusieurs reprises, ce dont le SEM avait été dument informé, et qu’au vu des motifs d’hospitalisation, il ne saurait être retenu contre lui de s’être fait hospitaliser volontairement pour échapper au renvoi. Le TAF estime qu’ «en laissant entendre que le recourant aurait provoqué ses hospitalisations pour empêcher son transfert en Croatie, le SEM fait fi des avis des médecins ayant ordonné celle-ci». Enfin, le tribunal souligne que rien n’indique qu’Ahmad* ait tenté d’échapper aux autorités, puisqu’il a été informé de sa dernière convocation après son retour de l’hôpital. Il admet le recours et annule la décision du SEM de décembre 2023 en l’invitant à reconnaître la responsabilité de la Suisse pour examiner la demande d’asile d’Ahmad*.
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Menacé par des milices islamistes parce qu’il collabore avec l’armée américaine en Irak en tant que traducteur, « Bachir » gagne la Suisse après avoir parcouru l’Europe en quête d’asile. Sans nier ses dires mais en appliquant la logique des accords de Dublin, la Suisse le renvoie vers la Suède, qui veut le renvoyer vers la Grèce, où il risque un renvoi vers l’Irak.