Réfugiés syriens.
L’Italie, un tremplin européen submergé

Le cas tragique de la jeune Syrienne ayant perdu son fœtus pendant son refoulement entre Vallorbe et Domodossola a permis d’intéresser les médias suisses au sort de milliers de personnes qui, après la guerre dans leur pays, des conditions de vie inhumaines en Libye et une traversée périlleuse, parviennent jusqu’en Europe où elles trouvent, au lieu d’une protection digne de ce nom, un traitement qui frôle parfois l’inhumain.

Sur l’invitation de la rédaction de 24 heures / Tribune de Genève, la coordinatrice de l’Observatoire s’est rendue à Milan. Selon la responsable du point d’accueil « Emergenza Siria » situé à la gare centrale, depuis octobre 2013, 15’000 Syriens dont 3’836 enfants sont passés par ce lieu avant de tenter de rejoindre leurs proches ailleurs en Europe. Seules 13 de ces personnes ont en effet demandé l’asile en Italie. Aux Syriens s’ajoutent près de 2’000 mineurs érythréens non accompagnés, vivant dans les rues milanaises, dont certains essaieront peut-être de rejoindre la Suisse dès que leur famille leur enverra de l’argent.

Ce sont donc plusieurs milliers de personnes parmi les plus fragiles qui tentent de passer entre les mailles du filet du système Dublin. Une énergie considérable est déployée pour renvoyer ces personnes en Italie lorsqu’elles sont interceptées (selon Le Matin Dimanche, près de 500 rapatriements ont été effectués depuis la seule frontière de Vallorbe depuis le 1er janvier). Ces efforts ont peut-être été multipliés après que l’Italie a cessé de prendre systématiquement les empreintes digitales des personnes arrivant sur ses côtes, afin d’éviter de devoir examiner leurs demandes d’asile.

Il convient de rappeler que l’Italie est un pays où les conditions d’accueil sont défaillantes depuis des années. Un pays vers lequel la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas ne renvoient plus de familles avec enfants âgés de moins de 5 ans en attendant la décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans le cas Tarakhel c. Suisse, concernant une famille précisément dans cette situation.

Car l’élan de solidarité que l’on a pu constater à Milan concerne une situation de transit. Et ce n’est nullement un hasard si le taux de demande d’asile des Syriens accueillis atteint à peine 1 sur 1’000. Ils savent que passés les premiers mois, ils devront se débrouiller seuls, parfois dans la rue, sans emploi ni aide sociale dans un pays lourdement frappé par la crise économique.

C’est dans ce contexte qu’entre janvier et juin 2014, la Suisse a transféré ailleurs en Europe 1’490 demandeurs d’asile (dont 780 en Italie) et n’en a accueilli que 505 en retour, en application de l’accord de Dublin. Les personnes que la Suisse renvoie en Italie demandent parfois à rester ici du fait de leur vulnérabilité, en vain.

> voir à ce sujet les cas de « Saba », « Hakim », « Beasrat » et « Ribkha »

À lire également :

OSAR, Italie : conditions d’accueil, octobre 2013

RT.com, Italy leaves hundreds of refugees stranded without food – UN, 11 juin 2014

24 Heures / Tribune de Genève : éditions du 17, 19 et 21 juillet.

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