Recours admis contre le SEM pour déni de justice formel
Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a été saisi d’un recours au sujet d’entraves aux droits fondamentaux de requérants d’asile passés par le centre fédéral de Boudry, là où se met en œuvre la nouvelle procédure d’asile. Lors de leur séjour dans le centre, les recourants ont fait l’objet d’un cumul de sanctions – interdictions de sortie, privations d’argent de poche – et de fouilles corporelles systématiques. Leur mandataire a demandé au Secrétariat d’État aux migrations (SEM) de rendre une décision formelle justifiant ces sanctions*. L’autorité s’y est refusée, se contentant de rappeler les comportements fautifs des requérants et les articles de la législation justifiant selon elle des sanctions sans décision formelle. La mandataire a donc déposé un recours au TAF pour déni de justice formel.
Dans son arrêt F-4132/2017 du 9 janvier 2019, le TAF estime qu’il ne peut pas se prononcer sur le fond du problème, le SEM n’ayant pas rendu de décision formelle. Sur la forme en revanche, les juges de Saint-Gall ont le devoir de se prononcer puisque les pratiques du SEM sont de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux des recourants. Le TAF rappelle que les ordres donnés par le personnel du centre « sont susceptibles de porter atteinte à la personnalité et à la liberté du requérant ». L’instance judiciaire poursuit : « Il convient de permettre aux requérants d’asile qui estiment leurs droits fondamentaux lésés de faire valoir leurs griefs à l’encontre d’actes étatiques qui viennent de se produire (…) ». En conclusion « le SEM n’avait d’autre choix que de se saisir de la demande des recourants » (…) et « aurait dû rendre une décision formelle sujette à recours ». Le Tribunal relève au passage que la nouvelle législation, en l’occurrence l’ordonnance du DFJP, « tend à aller vers la consécration d’un droit à obtenir une décision formelle ».
Même si le TAF juge inutile que le SEM rende une décision dans le cas d’espèce, estimant que l’intérêt n’est plus actuel (les recourants ont depuis disparu), espérons que ce rappel à l’ordre incitera l’administration à rendre des décisions formelles lorsque les droits fondamentaux des demandeurs d’asile sont en jeu.
Source : arrêt F-4132/2017 du 9 janvier 2019.
*Au moment où la démarche a été initiée, le centre de Boudry n’était pas encore un centre pilote où la nouvelle procédure était appliquée. La mandataire n’a donc pas agi dans le cadre de la représentation juridique telle qu’instaurée par le nouveau cadre légal, mais de façon totalement indépendante. Les atteintes à la liberté personnelle seront-elles dans le futur couvertes par la protection juridique ancrée dans le centre fédéral ? Aucune information ne l’indique, mais cela irait dans le sens des recommandations de la Commission nationale de prévention de la torture (communiqué de la CNPT du 11.01.2019 et synthèse du rapport).